La politique extérieure française
Y a-t-il une politique extérieure française bien caractéristique des années 1990 ?
Ce qui est certain, c’est la relative unité de vues entre gauche et droite en matière européenne. C’est beaucoup moins sûr pour le reste, d’autant qu’il y a effacement de la politique extérieure européenne au profit des Etats-Unis, étudiés au chapitre 5, et pour lesquels Paul-Marie de la Gorce évoque une prépondérance, qu’il justifie ainsi : « A défaut d’une politique extérieure commune qui n’a jamais vu le jour, chacun des grands pays membres de l’Union européenne détermine les orientations de sa politique étrangère en fonction de ses intérêts et de l’évolution des relations internationales. Les bouleversements intervenus au cours des dix dernières années ont conduit la France, dans les affaires mondiales, à subir de plus en plus ouvertement la pression des Etats-Unis (et, le cas échéant, de l’Allemagne) à laquelle désormais elle offre moins de résistance.
On peut légitimement se poser la question : y a-t-il aujourd’hui une politique étrangère française ? Pour bien des raisons, on pourrait en douter : l’absence manifeste de la France de plusieurs théâtres de crise où elle était naguère présente, et même active, comme au Proche-Orient ; les à-coups successifs dans ses relations avec Taiwan et la Chine ; l’empirisme quotidien dans ses rapports avec les Etats d’Afrique noire, avec leur balancement entre interventions et retraits ; les changements de vocabulaire à propos de l’affaire algérienne, où ont alterné le soutien déclaré au gouvernement d’Alger contre l’islamisme armé et la satisfaction affichée devant la perspective d’un arrangement avec celui-ci ; les désaccords évidents entre partisans du maintien de l’indépendance française et tenants d’une Europe fédérale et supranationale.
Mais, après le tournant de 1981, vint celui de 1991. L’éclatement de l’Union Soviétique imposait, de toute façon, une réappréciation générale de la politique française à l’égard de cette partie du monde, désormais disloquée et dramatiquement affaiblie. La chute des régimes communistes n’allait pas manquer de poser des problèmes nouveaux à la construction européenne. La réunification de l’Allemagne — que, contrairement à une légende tenace, Mitterrand ne fit rien pour retarder ou empêcher changeait inévitablement, quoi que l’on voulût et quoi que l’on dît, les rapports de puissance et d’influence au sein de la Communauté. Et peut-être, surtout, une formidable rupture d’équilibre se produisait dans l’ensemble du système international. Il n’existait
plus de possibilités, dans aucune région du monde, de compenser la prépondérance économique, politique et militaire des Etats-Unis par une alliance stratégique, ou simplement tactique et occasionnelle, avec la deuxième “superpuissance” que constituait naguère PUnion Soviétique.
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[Les choix] que fit la politique française furent plus clairs qu’on ne le croyait à mesure qu’ils intervenaient. Le plus significatif et le plus lourd de conséquences fut en faveur du maintien du système atlantique tel qu’il existait. Non que la particularité française la rupture avec le système militaire intégré décidée par le général de Gaulle en 1966 — n’ait été maintenue, mais l’occasion s’offrait évidemment de remettre en cause, sinon l’alliance atlantique elle-même, du moins un système politique entièrement placé sous l’égide des Etats-Unis et qui n’avait plus aucune signification stratégique. C’est peu dire que cette occasion ne fut pas saisie : au contraire, on admit que les compétences du système soient étendues presque sans limites et que son aire d’intervention aille au-delà des zones géographiques couvertes par le traité de PAtlantique Nord, ce que jamais la diplomatie américaine n’était parvenue à obtenir auparavant.
Ce choix s’accompagna d’un autre en faveur d’un “coup d’accélérateur” donné à la construction européenne. Peut-être n’est-il pas exagéré de parler à ce propos de “fuite en avant”. La création du corps européen, initialement franco- allemand, est d’une grande signification. Personne, en effet, n’accorde de crédit particulier à sa valeur militaire. Mais, pour la première fois, c’est une force intégrée, symbole évident d’une future intégration politic^ue et militaire telle qu’on voulut la réaliser au temps où fut conçue, au début des années 50, la Communauté européenne de défense (CED). Et il est remarquable qu’à cette occasion l’Allemagne ait obtenu qu’en cas de crise PEurocorps serait rattaché au commandement intégré de l’OTAN, exception symbolique et notable, même si elle n’est que théorique, à la rupture de la France avec l’organisation militaire intégrée de l’OTAN.
Les responsables de la politique française Pont souvent expliqué [l’engagement de la France dans la guerre du Golfe ] par leur volonté de faire participer la France au traitement et au règlement d’une crise majeure au Proche-Orient, condition indispensable, à leurs yeux, pour qu’elle puisse exercer par la suite son rôle dans les affaires de cette région, en particulier pour l’éventuelle solution du conflit israélo-arabe. Force est de constater que ces objectifs, comme c’était s prévisible, n’ont pas été atteints.
On a pu mesurer les conséquences des choix faits après le tournant de 1991. La prépondérance américaine sur la scène internationale n’a pas été contestée. La recherche à tout prix d’une unité de vue européenne a conduit dans bien des cas à un “plus petit dénominateur commun” qui la privait inévitablement d’efficacité, ou même à un alignement sur la position allemande dont les conséquences g ont été particulièrement catastrophiques dans l’affaire yougoslave, o La guerre du Golfe a conduit à l’effacement des Etats européens, dont la 5 France, au Proche-Orient ; elle a aussi engendré une crise majeure des nationalismes modernistes et plus ou moins laïques dans cette région du monde, le discrédit des gouvernements, courants politiques et partis, qui se sont révélés | incapables d’empêcher l’intervention militaire américaine et d’y faire échec, incapables par conséquent d’incarner toute volonté de changement politique, économique et social. Par contraste, elle a consolidé pour longtemps les régimes monarchiques traditionalistes, conservateurs. »
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