Chine
Le legs de Deng Xiaoping
Le règne maoïste s’était achevé dans le désordre, la stagnation et le mécontentement. Il était urgent de relancer l’appareil de production et de recréer un dynamisme social propre à mobiliser et unir les énergies. Ce fut l’objet de la politique des Quatre Modernisations, préconisée par Deng Xiaoping. D’autre part, la Chine tentait de se réinstaller dans le « concert des Etats », mais sans rien céder en ce qui concerne Hong Kong. Un accord sino-portugais sur Macao fut passé le 23 mars 1987. Le retour de Macao à Chine se fera le 20 décembre 1999, avec un statut particulier ici aussi. D’autre part, à partir du XIIe Congrès (septembre 1982), la Chine s’était rouverte au dialogue avec l’URSS, conséquence des déceptions rencontrées dans les relations avec les Etats-Unis. Cette ouverture était très prudente, et soumise à la présence soviétique en Afghanistan (condamnée par la Chine). Quant à la politique chinoise dans le tiers-monde, dans les années 80, elle était revenue à une politique de non-alignement
Le printemps 1989
Les événements
On l’a un peu oublié, les événements contestataires de 1989 commencent en fait l’année précédente, au Tibet, avec des émeutes suivies d’une sanglante répression. Elles reprennent du 5 au 7 mars 1989 : de nouvelles émeutes antichinoises sont très violemment réprimées à Lhassa, où la loi martiale est instaurée le 7. Des manifestations monstres commencent à Példn avec un hommage à Hu Yaobang, ancien secrétaire général du Parti communiste chinois, vétéran de la Longue Marche et réformiste convaincu, mort le 15 avril 1989. Il avait été démis en janvier 1987 de ses fonctions de secrétaire général du Parti communiste chinois en raison de ses idées trop réformistes. Son décès est suivi à Pékin de nombreuses manifestations d’étudiants en faveur de la libéralisation du régime. C’est un défi personnel à Deng. Le 21 il y a même une tentative d’invasion du parlement. Cette agitation, qui bénéficie du soutien de la population mais est violemment critiquée par le pouvoir, culmine le 27, où, passant outre à l’interdiction de manifester, 500 000 jeunes défilent dans le centre de Pékin en scandant des slogans contre la corruption et pour la démocratie. A partir du 29, les autorités acceptent d’engager le dialogue avec les étudiants contestataires. Le 4 mai 1989, à Példn, 300 000 étudiants lancent un nouveau défi au pouvoir en défilant, malgré les interdictions, jusqu’à la place Tian’Anmen pour réclamer plus de libertés et de démocratie. Les forces de l’ordre n’interviennent pas davantage que lors des manifestations précédentes. Zhao Ziyang, secrétaire général du Parti communiste, se déclare, le 5, partisan de « consultations étendues » avec les contestataires. À partir du 13 mai, de deux à trois mille étudiants commencent une grève de la faim place Tian’Anmen afin d’obtenir l’ouverture du dialogue. Les jours suivants, des centaines de milliers de Példnois viennent
Mais la visite de Gorbatchev, jusqu’à son départ pour Shanghai, le 18, puis pour Moscou le 19, est profondément perturbée par les manifestations gigantesques auxquelles participent pacifiquement des centaines de milliers de Chinois, représentant tous les secteurs de la société. Dans la foule apparaissent des banderoles réclamant le départ de Deng (85 ans) et la démission du Premier ministre Li Peng. Le pouvoir apparaît totalement désemparé face à l’ampleur de la contestation, qui gagne la plupart des grandes villes et qui conteste le régime lui- même. Les 17 et 18, plus d’un million de personnes envahissent le centre de Pékin. Le 19, Zhao Ziyang se rend à l’aube place Tian’Anmen et se montre conciliant à l’égard des étudiants qu’il supplie de cesser leur mouvement. Toutefois, le soir même, Li Peng instaure la loi martiale à Példn à partir du 20 et fait appel à l’armée pour rétablir l’ordre. Mais la population descend dans la rue pour empêcher l’entrée des troupes dans Pékin. Les jours suivants, l’armée n’intervient pas : dans le secret des palais officiels, partisans et adversaires de la répression s’affrontent. Après une grande manifestation le 23, la contestation des étudiants paraît s’essouffler. Le 25, la réapparition de Li Peng à la télévision semble confirmer que la ligne dure l’a emporté. Le Premier ministre, qui se prévaut de la caution de Deng, toujours silencieux vis-à-vis du peuple, obtient le soutien des dirigeants de l’armée et de la vieille garde du régime.
Dans la nuit du 2 au 3 juin, la population de Pékin descend à nouveau dans la rue pour s’opposer à des milliers de soldats qui tentent, à pied et sans armes, de se diriger vers la place Tian’Anmen. Les troupes sont contraintes de rebrousser chemin. Mais la répression commence dans la nuit du 3 au 4 : l’armée intervient massivement, avec des chars et des mitrailleuses lourdes.
La violence de la répression contre une foule désarmée suscite une vive réprobation dans le monde entier, sauf à Berlin-Est. Des milliers de personnes sont victimes de ce « nettoyage » de la capitale, mais les bilans officiels ne parlent que de 200 morts civils et de « dizaines » de soldats tués. D’autres affrontements sont signalés à Chengdu (Sichuan) et Lanzhou (Gansu). Les jours suivants, tandis que plusieurs villes de province sont paralysées par des grèves, tout comme Hong Kong, Példn est en proie au chaos, et des milliers d’étrangers évacuent la ville. Trois cent mille hommes sont concentrés dans la région de la capitale, et des rumeurs de combats entre unités militaires rivales circulent. Le 5, devant la violente répression des manifestations d’étudiants à Pékin, les pays occidentaux décident des sanctions limitées : gel des livraisons d’armes et des contacts à haut niveau avec la Chine. Les relations sont plus détériorées avec les États-Unis en raison de l’asile accordé par l’ambassade américaine au dissident chinois Fang Lizhi et à sa famille.
A partir du 8, les dirigeants commencent à réapparaître en public : d’abord Li Peng, Premier ministre, puis Deng Xiaoping, le 9, qui prononce un « important discours » devant les vétérans du parti et des dirigeants de l’armée. Dans ce discours, qui est largement diffusé dans le pays avant d’être intégralement publié, le 28, par la presse, Deng félicite les militaires d’avoir écrasé la « rébellion contre-révolutionnaire », mais appelle à la poursuite de la politique de réformes économiques et d’ouverture sur le monde extérieur. A partir du 10, tandis que le calme revient à Pékin, quadrillée par l’armée, la « normalisation » se manifeste par une vague d’arrestations qui s’accompagne de campagnes télévisées pour intimider la population et favoriser la délation.
Des mandats d’arrêt sont publiquement lancés, le 13, contre 21 dirigeants étudiants. Le 15, trois personnes sont condamnées à mort à Shanghai et huit autres, le 17, à Pékin, pour leur participation à des émeutes. Malgré les protestations internationales et les appels à la clémence, à l’exception d’une femme, ces dix individus, tous ouvriers, sont exécutés dès le 21 et le 22. Les opinions publiques et les gouvernements occidentaux expriment leur indignation, mais aucune rupture de relations n’est annoncée, afin d’éviter le repli de la Chine sur elle-même. Le 24, le comité central du Parti communiste entérine la destitution de Zhao Ziyang, secrétaire général du parti, et nomme pour le remplacer Jiang Zemin, qui était secrétaire du parti à Shanghai. Le 28, tandis qu’on apprend que plusieurs dissidents sont parvenus à fuir à l’étranger, Jiang réaffirme que le régime sera « sans merci » à l’égard des « comploteurs ». Le pouvoir ne fait plus état de nouvelles arrestations, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en ait plus : officiellement, 1 800 personnes auraient été emprisonnées.
La révélation d’une crise profonde
Le « printemps de Példn » montre l’échec total de la création d’un « État de droit » après l’ère dirigée personnellement par Deng Xiaoping. Il y a, au contraire, liquéfaction totale du pouvoir et les instances dirigeantes sont crispées sur le conservatisme, à la différence de l’Europe de l’Est. Il montre également l’utopie de la volonté officielle de créer un « homme nouveau » : l’autorité du cadre communiste ne diffère en rien de la relation paternaliste bimillénaire liant le gouvernant au gouverné, la création d’une classe moyenne s’amorce et l’homme communiste n’est pas plus ouvert et bienveillant que le Chinois des siècles passés, ce que montrent bien les incidents racistes contre les étudiants africains en 1988 et 1989. C’est l’échec, en grande partie, de la modernisation économique : la Chine de la fin des années 80, ce sont la hausse des prix, l’inflation, les paniques, les gigantesques migrations de paysans vers les villes, etc. Enfin, mobilisation contestataire massive de la jeunesse, le « printemps » est le signe de l’insuccès de la politique démographique, surtout à la campagne : la Chine connaît en réalité une véritable explosion démographique. Bien sûr, et ce d’autant plus que le mouvement a, d’une certaine façon, commencé au Tibet, les doutes sur la sincérité chinoise sont vifs à Hong Kong
« Un État autoritaire mais faible » (depuis 1989)
Le pouvoir réel appartient encore à Deng Xiaoping, mais il y a une tentative d’opérer un rajeunissement, au moins apparent, du pouvoir, avec le rôle plus important octroyé au chef du parti, Jiang Zemin (né en 1926) remplaçant en juin 1989 Zhao Ziyang, limogé. Le « nouveau » et « jeune » Premier ministre, depuis novembre 1987 en tait, c’est Li Peng, qui est seulement sexagénaire (!). Mais un nouveau président de la République est nommé, en la personne de Yang Shangkun, et, surtout, en novembre 1989, Deng abandonne ses dernières fonctions officielles, celles de président de la commission des affaires militaires du Comité central du Parti.
La Chine poursuit la réconciliation avec l’URSS. Officiellement, la brouille a pris fin avec la visite de Gorbatchev dans Példn paralysé par les manifestations, le 15 mai 1989, après les visites du ministre chinois des Affaires étrangères, Qian Qichen (1er décembre 1988), et du ministre soviétique des Affaires étrangères, Chevardnadze (1er février 1989). Surtout, les deux pays se promettent mutuellement une délimitation de leur frontière mais très vite des divergences de vues apparaissent sur les points essentiels.
Société : des migrations incontrôlables
Le population de la Chine était de 1 100 000 millions d’habitants au début de la décennie. « Le nombre des migrants était estimé à 30 millions en 1986, à 50 millions en 1988, à 60-80 millions en 1989. Il augmente donc en moyenne de 20 % environ chaque année. Aujourd’hui, quelque 150 millions de Chinois errent dans leur pays, [calcule M. Qin…] Les conséquences sont catastrophiques : dans les campagnes, de nombreux champs sont laissés à l’abandon ou sont cultivés par des femmes ou des personnes âgées. Cependant dans les grandes villes, la surpopulation engendre de graves pénuries d’eau, de denrées alimentaires, de logements, de capacités de transport, et l’insécurité provoquée par les flux migratoires prend des proportions inquiétantes.
Selon [une enquête effectuée par des sociologues chinois], la population migrante est très hétérogène ; elle comprend des travailleurs d’origine rurale, des commerçants, des jeunes en formation professionnelle aussi bien que des malades se rendant dans une ville réputée pour la qualité de ses soins médicaux. Si, au début des années 80, la première de ces catégories demeurait minoritaire, elle occupe une place prépondérante depuis le milieu de la décennie.
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