Le crétace supérieur
Orchestré par l’ouverture des océans Atlantique, Arctique et Indien et la fermeture de la Téthys, le mouvement général de dislocation continentale se poursuit et s’intensifie pendant la fin du Crétacé. L’ouverture de l’Atlantique Sud sépare alors définitivement l’Afrique et l’Amérique du Sud. L’ouverture de l’océan Austral amorce la séparation de l’Antarctique et de l’Australie il y a 90 millions d’années. L’Inde s’est détachée de l’Australie à la fin du Crétacé inférieur, lors de l’ouverture de l’océan Indien ; après avoir rejoint l’Afrique au début du Crétacé supérieur, l’Inde dérive vers l’Asie à partir de 90 millions d’années.
Au nord d’une Téthys en voie de fermeture à l’ouest (collision des deux Amériques), au centre (rapprochement Ëurope-Afrique) et à l’est (collision Inde-Asie), les hauts niveaux marins ont isolé l’archipel européen de l’Amérique du Nord et de l’Asie jusqu’à la fin du Crétacé. Dans le même temps, l’ouverture de l’océan Arctique a entraîné le rapprochement de l’Asie et de l’Amérique du Nord dans la région de Béring.
Le Crétacé supérieur est une période de provincialisation extrême et d’évolution endémique. Dès le début de cette période, de nombreux échanges s’établissent par la région de Béring entre l’Asie et l’Amérique du Nord : des familles mésoasiatiques comme les tyrannosauridés colonisent le continent nord-américain, constituant le royaume laurasiatique qui englobe l’Asie et l’Amérique du Nord. L’isolement de l’Europe produit une évolution endémique des espèces à partir de formes euraméricaines et ouest-gondwaniennes.
Malgré leur séparation vers le milieu du Crétacé, les faunes sud-américaine et africaine sont encore très semblables, et constituent toujours le royaume ouest-gondwanien, élargi à l’Inde et à Madagascar.
Le condwana occidental
Bien que séparées à la fin du Crétacé inférieur, les provinces sud-américaine et africaine ont conservé de nombreux éléments communs et constituent encore le royaume
ouest-gondwanien pendant le Crétacé supérieur.
En Afrique, les immensités sahariennes recèlent d’exceptionnels gisements de dinosaures au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Egypte et au Soudan. Le paléontologue allemand Stromer a réuni, dans la première moitié de ce siècle, une admirable collection de nouveaux dinosaures d’Egypte, qui fut hélas entièrement détruite lors des bombardements alliés sur Munich en 1944. De nouvelles expéditions sont actuellement organisées au Maroc et en Tunisie, pour découvrir la faune africaine d’il y a 100 millions d’années.
Sur les traces d’un autre pionnier de la paléontologie africaine, le Français René Lavocat, l’un des auteurs de cet ouvrage a dirigé une expédition dans le Sud-marocain en 1994. Là, les falaises de la Hamada du Guir contiennent d’exceptionnels vestiges paléontologiques : carapaces de tortues, dents et vertèbres de crocodiles et de dinosaures, écailles et dents de poissons abondent à la surface du sol, arrachées aux vieilles couches géologiques par l’érosion (si les pluies sont rares dans cette région désertique, elles sont aussi violentes : un énorme orage a ainsi interrompu prématurément, en inondant le désert, notre mission). L’étude de cette faune africaine (datant de l’étage cénomanien, 96-91 m.a.) a montré que la plupart de ses membres appartiennent à des familles ouest-gondwaniennes classiques, connues également en Amérique du Sud à la fin du Crétacé inférieur : le crocodilien Hamadasuchus rebouli est un tré- matochampsidé ; la tortue Hamadachelys escuilliei un pélomédusidé. Les dinosaures sont des spinosauridés, des titanosauridés et des dicraeosauridés. Le grand dinosaure carnivore Carcharodontosaurus saharicus, décrit par les paléontologues français Depéret et Savornin dès 1927, est un proche cousin de Giganotosaurus carolini d’Argentine (famille des carcharodontosauridés).
Le grand dinosaure herbivore Rebbachisaurus du Maroc est aussi connu en Argentine.
En Amérique du Sud, de riches gisements du Crétacé supérieur ont été découverts depuis une vingtaine d’années.
Les animaux les plus abondants, comme Saltasaurus, y sont des titanosauridés, ces dinosaures sauropodes au
corps recouvert de grosses plaques osseuses. Les carnivores font partie de la famille ouest-gondwanienne des abelisauridés. Ces prédateurs, qui ressemblent extérieu-
rement aux tyrannosauridés d’Amérique du Nord tel Carnotaurus, appartiennent en fait à une lignée de dinosaures carnivores très différente ; leurs membres antérieurs, encore plus réduits que ceux de Tyrannosaurus,
ne devaient guère leur servir qu’au moment de la reproduction. A côté de ces grands animaux emblématiques de la faune ouest-gondwanienne, la découverte de très
nombreux petits mammifères inconnus ailleurs laisse supposer une dérive endémique de la faune de l’Amérique du Sud après sa séparation de l’Afrique. La faune indienne de la fin du Crétacé témoigne abondamment
du fait que l’Inde a fait partie du Gondwana occidental au début du Crétacé supérieur : l’on y a retrouvé des dinosaures titanosauridés et abelisauridés, ainsi que des serpents boidés et nigeropheiidés.