À la recherche d'un nouvel ordre mondial (1992-2001)
Au tournant du siècle, on se trouve à l’aube d’un monde nouveau, mouvant et imprévisible. La plupart des fondements de la deuxième moitié du XXe siècle, mais aussi du siècle tout entier, ont été balayés ou sont dévalorisés. Favorisée par la baisse des cours du pétrole, la reprise de l’économie mondiale, lente à se réveiller en 1992 et 1993, se signale par des performances remarquables de
1994 à 2000 : croissance dans les pays anglo-saxons, émergence de nouveaux pays industrialisés, en particulier asiatiques, et elle s’étend même à l’Europe, engluée jusque-là dans le marasme et le chômage.
La mondialisation est en marche avec l’extension du libre-échange aux anciens pays d’économie collectiviste, l’adoption généralisée des lois du marché, l’explosion de la nouvelle économie et la tendance à la mobilité des capitaux, avec pour conséquence une interdépendance accrue de la planète, sans pour autant qu’existent des moyens de régulation adaptés. A preuve, la crise financière partie de Thaïlande (juillet 1997), suivie par la crise russe (août 1998) et celle du Brésil menacent la prospérité mondiale. L’Amérique latine, l’Asie et l’Afrique sont toutes trois affectées par la chute des cours des matières premières et les producteurs de pétrole par celle des cours de l’« or noir », que ne peuvent enrayer les réductions de production décidées par les membres de l’OPEP, sauf au cours de l’année 2000 où le prix du baril triple en un an, faisant craindre un nouveau choc pétrolier et confirmant l’OPEP (40 % de la production mondiale et trois quarts des réserves mondiales) dans son rôle d’interlocuteur incontournable des pays consommateurs.
Alors que, depuis 1945, la guerre froide avait octroyé un poids considérable aux réalités militaro-stratégiques et à la diplomatie des Etats, la situation est plus complexe : le nucléaire est dévalorisé, la guerre est mise hors jeu dans les sociétés développées, tout en continuant ailleurs ou selon des modes nouveaux : les Américains mènent des opérations militaires à distance au moyen de missiles. Des acteurs non étatique ou transnationaux jouent un rôle de plus en plus important dans les relations intrenationales. Aussi bien n’est ce pas un monde multipolaire qui succède à l’ancien monde bipolaire, mais un univers chaotique marqué par une Amérique à la fois sur-puissante et limitée dans son efficacité, une Russie incertaine, une Asie gravement perturbée, une Afrique décidément en proie aux troubles, un Moyen-Orient dans l’impasse. De nouveaux centres de puissance apparaissent dans les aires géographiques, troublées à nouveau, et aspirent à jouer un rôle de gendarme régional.
La fin du système Est-Ouest:
Le cadre Est-Ouest n’est plus. L’ordre bipolaire né à l’issue de la Seconde Guerre mondiale a fait place à un « remembrement de l’espace politique international ». Certes, les États-Unis et la Russie – héritière des forces stratégiques soviétiques – restent les deux Super-Grands par leur puissance militaire.
Dans le domaine militaire, les États-Unis et l’Union soviétique ont fait un effort notable non seulement par l’arrêt de la course aux armements nucléaires, mais aussi par un réel désarmement avec l’élimination des euromissiles, le démantèlement partiel des arsenaux nucléaires stratégiques et la réduction du volume des armes nucléaires tactiques. La fin de la guerre froide donne lieu à un ralentissement général des dépenses d’armement (15 % de baisse en 1992 par rapport à 1991) et à une certaine perte en importance du nucléaire. En raison d’une opinion très sensibilisée, le nucléaire militaire est encadré et marginalisé. Les cinq puissances nucléaires (États-Unis, Grande- Bretagne, France, Russie, Chine) conservent encore un arsenal formidable, mais elles sont contraintes à le réduire. Confrontés à la modification de la menace et aux nécessités budgétaires, les États-Unis renoncent à l’IDS (13 mai 1993) au profit d’un programme antimissiles moins ambitieux. A Moscou, le 14 janvier 1994, le président Clinton conclut avec le président ukrainien Kravtchouk et Boris Eltsine un accord prévoyant le démantèlement de l’arsenal nucléaire de l’Ukraine. Les 27 et 28 septembre 1994, à Washington, les présidents Eltsine et Clinton s’engagent à accélérer le désarmement nucléaire et à faire progresser leur nouveau « partenariat ». La conférence organisée par les Nations unies (avril-mai 1995) aboutit à proroger indéfiniment le traité de non-prolifération nucléaire (TNP), conclu en juillet 1968 et entré en vigueur en 1970 pour une durée de vingt-cinq ans et auquel ont adhéré la France et la Chine en 1991. À quelques exceptions près, les pays non détenteurs de l’arme nucléaire s’engagent pour toujours à y renoncer. Le 1 1 avril 1995, les cinq grandes puissances détentrices de l’arme nucléaire s’engagent à ne pas utiliser cette arme contre les pays non nucléaires signataires du TNP. Le moratoire n’est respecté ni par la Chine ni par la France, qui décide en juin 1995 une ultime campagne d’essais nucléaires (septembre 1995-janvier 1996) qu’elle avait interrompue en 1992, ce qui suscite de violentes protestations dans le Pacifique sud et une réserve hostile même chez les alliés de la France, sauf la Grande-Bretagne. En mars 1996, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France se rallient au traité de Rarotonga de dénucléarisation du Pacifique sud conclu en 1985. Dix pays d’Asie du Sud- Est signent à Bangkok (15 décembre 1995) un traité faisant de la région une zone exempte d’armes nucléaires. Le 11 août 1996, les pays d’Afrique signent le traité de Pelindaba de dénucléarisation de l’Afrique, auquel adhère la France. L’opposition de l’Inde jette une ombre sur la signature du traité d’interdiction des essais nucléaires, CTBT (Comprehensive Test Ban Treaty) le 25 septembre 1996. D’ailleurs, l’Inde effectue en mai 1998 plusieurs essais auxquels répliquent six essais pakistanais. L’apparition de deux nouveaux Etats dotés d’armes nucléaires, qui n’étaient d’ailleurs signataires ni du TNP de 1968 ni du CTBT de 1996, est un facteur d’instabilité grave pour l’équilibre stratégique en Asie et pour la survie du régime de non-prolifération. Le Sénat américain refuse d’ailleurs de ratifier le CTBT (octobre 1999). Et quand les cinq grandes puissances s’engagent à éliminer totalement leurs arsenaux nucléaires (mai 2000), cet engagement apparaît purement formel. La ratification du traité de désarmement nucléaire Start II (réduction du nombre d’ogives nucléaires à 3 500 pour les États-Unis et à 3 000 pour la Russie) est ajournée par la Douma – le traité est finalement ratifié par la Russie en avril 2000 -, qui refuse de consacrer ainsi le sommet russo-américain de Moscou (1er-3 septembre 1998), le dernier remontant à mars 1997 à Helsinki.
Faisant état d’une menace balistique globale provenant de pays disposant d’armes de destruction massive, les Américains entendent lui opposer une défense antimissile (National Missile Defense ou NMD), qui serait déployée en 2005. Le projet américain de bouclier stratégique est présenté à Moscou (3- 4 juin 2000) par Bill Clinton à Boris Eltsine, qui y voit une rupture dangereuse de l’architecture stratégique, fondée sur le traité ABM de 1972 et donc une remise en cause du principe de l’arms control. De leur côté, les Européens sont déconcertés par le découplage de leur sécurité par rapport à celle des Américains. Jugeant la doctrine de dissuasion nucléaire inadaptée aux réalités du XXI siècle, le président G. W. Bush promeut (mai 2001) son projet de bouclier antimissile (qui est au centre de ses entretiens avec Vladimir Poutine à Ljubljana (Slovénie) le 16 juin 2001) et se prononce pour le remplacement du traité antimissile ABM signé en 1972 avec l’Union soviétique.
Absorbée par ses problèmes intérieurs, la Russie cesse d’attiser les conflits et se replie sur elle-même. Après Gorbatchev, sa politique extérieure est aux antipodes de celle de Brejnev. Les concessions sont impressionnantes et le rapprochement avec l’Ouest spectaculaire. Elle accepte l’unification de l’Allemagne et son maintien dans l’OTAN. Elle abandonne sans combat le glacis européen. Elle ne s’oppose pas à l’action des Etats-Unis contre l’Irak, client soviétique par excellence. Elle apporte son concours aux Nations unies et n’utilise pas son droit de veto. Bref, la Russie n’est plus qu’« une superpuissance réduite à la mendicité » ; elle réclame en effet l’aide de l’Occident pour assurer le succès des réformes. En juillet 1991, le sommet du G7 approuve la transition de l’URSS vers l’économie de marché, sans promettre d’aide immédiate. En avril 1992 et avril 1993, le G7 décide un programme d’aide (dons, prêts, facilités de crédits) à la CEI et le sommet du G7 allège la dette extérieure de l’ex-URSS (juillet 1992), mais le passage à l’économie de marché, qui génère une hyperinflation, est une entreprise risquée. Le remboursement des dettes dépend d’un accord sur de nouveaux crédits. La Russie vit aux crochets du FMI et de la Banque mondiale, qui lui accordent des prêts (février 1996), un rééchelonnement de sa dette auprès des banques, regroupées au sein du Club de Londres (octobre 1997), et une nouvelle aide (juillet 1998) contre l’engagement de réduire de moitié son déficit budgétaire. Or, la Russie connaît à la fois une très forte inflation, une récession en 1997- 1998 et une véritable faillite (été 1998). Lors des sommets du G7 à Halifax (juin 1995) et à Lyon (juin 1996), la Russie est admise aux discussions politiques. Lors du G7 à Denver (juin 1997), elle participe à tous les débats, mais les Sept ne sont pas d’accord pour un élargissement permanent, et le Japon s’y oppose en raison du conflit sur les Kouriles. Le 23e sommet du G7 à Birmingham (16-17 mai) accueille pour la première fois la Russie comme membre à part entière. Le soutien économique est confirmé, malgré les soupçons de détournement de fonds (septembre 1999).
La crise financière n’est pas le seul problème auquel la Russie est confrontée. En décembre 1994, l’armée russe intervient en Tchétchénie, république musulmane membre de la Fédération de Russie en proie à la guerre civile, et y mène une guerre dure, pour interrompre le processus de décomposition en cours. L’armée russe s’enlise dans une guerre, interrompue par des trêves et des accords de paix aussitôt remis en question (1996 et 1997). Favorisée par les Occidentaux, la réélection d’Eltsine (juillet 1996) ne met pas un terme au trouble politique mais, face aux progrès de l’OTAN, la Russie cherche à recréer une entité juridique avec ses anciens partenaires de la CEI, qui apparaît comme une institution formelle et inefficace. Du coup, différentes unions régionales voient le jour, comme l’union politique et économique entre la Russie et la Biélorussie, l’union douanière des Quatre (Russie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan), la communauté économique centralo asiatique, la communauté autour de la Caspienne (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie). Parallèlement à ces regroupements, on assiste aussi à la tendance inverse avec, par exemple en Azerbaïdjan, la République autopro- clamée (1992) du Haut-Karabakh, peuplée d’Arméniens. Dans cette phase de transition démocratique, la Russie hésite à choisir son destin et son évolution est énigmatique. En décembre 1999, Boris Eltsine annonce sa démission et désigne comme successeur Vladimir Poutine, élu le 26 mars 2000 président de la Fédération de Russie. Comme Premier ministre, celui-ci avait bâti sa popularité sur la volonté d’en finir avec la révolution tchétchène en lançant la deuxième guerre en 1999.
Avec le déclin de la puissance moscovite et la Russie réduite un temps au rang de comparse des États-Unis, la pax americana est-elle pour autant instaurée ? Le tableau doit être nuancé dans le temps et dans l’espace. L’impressionnant déploiement militaire, à l’occasion de la guerre du Golfe, renforce le rôle des Etats-Unis comme « gendarmes du monde ». Mais ils ont dû faire financer leur engagement par les Allemands, les Japonais et les Saoudiens. L’échec de George Bush aux élections présidentielles de novembre 1992 exprime aussi la volonté des Américains de se préoccuper d’abord d’eux-mêmes. L’arrivée de l’Euro en 1999 constitue un défi à l’hégémonie du dollar et pose le problème du fonctionnement du système monétaire international.
En fait, les États-Unis oscillent d’une démarche de « profil bas » à une politique d’intervention « au nom du droit », et l’effacement de leur adversaire- partenaire soviétique les gêne tout autant qu’il les place dans une position unique. Washington hésite entre activisme économique et prudence diplomatique. Les présidences Clinton (élu en 1992, il est réélu en novembre 1996) sont d’abord marquées par une singulière atonie de la politique extérieure, puis la Maison-Blanche prend en main le dossier de l’ex-Yougoslavie, intervient militairement en Bosnie et décide de rénover l’OTAN, s’implique de plus en plus dans le processus de paix au Proche-Orient, bref exerce un leadership mondial, mal ressenti par ses alliés. Les hésitations de Washington traduisent parfois les exigences de la politique intérieure, en particulier le rôle du Congrès, plus important en période calme qu’en cas de tension internationale. La tendance américaine à « l’unilatéralisme » a pour limites les échecs de sa diplomatie : impasse des négociations israélo-palestiniennes malgré l’engagement du président Clinton (accord de Wye Plantation en novembre 1998, discours à Gaza, Camp David II), menaces répétées à l’égard des États rétifs ou « parias » (rogue States) comme l’Irak, qui suscitent des vagues d’anti-américanisme et des violences (attentats contre les ambassades en Tanzanie et au Kenya, août 1998) dans l’aire arabo-musulmane.
Quant à la Russie, elle supporte mal cette hégémonie américaine, même si Boris Eltsine trouve utile de maintenir l’apparence d’un duopole, en exprimant dans certaines occasions son désaccord. Afin de faciliter l’extension de l’Alliance atlantique aux pays qui étaient membres du pacte de Varsovie et de l’URSS, on crée le 20 décembre 1991 (à l’initiative américaine) une superstructure, le Conseil de coopération nord-atlantique (COCONA, en anglais NACC). Lancé en janvier 1994, au sommet de l’OTAN à Bruxelles, le Partenariat pour la Paix (PPP) vise à promouvoir une coopération militaire entre les anciens adversaires. La signature le 10 janvier 1994 par les seize pays membres de l’OTAN d’un document politique proposé aux pays ex-communistes, pour participer au Partenariat pour la Paix, est conçu comme la première étape vers une éventuelle adhésion à l’Alliance, à laquelle Moscou oppose une méfiance persistante. Ainsi le 10 mai 1995, à Moscou, Eltsine refuse à Clinton l’extension de l’OTAN aux États d’Europe centrale et l’arrêt de la coopération nucléaire russe avec l’Iran. Lors du sommet russo-américain d’Helsinki (20-21 mars 1997), il s’oppose toujours à l’élargissement de l’OTAN, finalement accepté au cours de la rencontre (mai 1997) entre le ministre russe des Affaires étrangères, Evgueni Primakov, et le secrétaire général de l’OTAN, Javier Solana. En contrepartie de l’accord russe sur l’élargissement est mis en place un Conseil conjoint permanent Russie-OTAN (acte fondateur signé à Paris le 27 mai 1997), cadre institutionnel commode permettant d’associer la Russie à toutes les décisions sur la sécurité en Europe, et un Conseil de Partenariat euro-atlantique (CPEA), forum de consultation et de coopération en matière de désarmement et de sécurité, destiné à remplacer le COCONA. En juillet 1997, au sommet de Madrid, l’Alliance atlantique invite la Pologne, la Hongrie et la République tchèque à la rejoindre, la Roumanie et la Slovénie étant mentionnées comme prochains membres possibles.
La rénovation de l’Alliance adoptée par le Conseil atlantique de Berlin (3 et 4 juin 1996) porte sur une meilleure adaptation de l’OTAN aux nouvelles missions apparues depuis la fin de la guerre froide et sur la volonté européenne de jouer un rôle autonome en son sein, par l’émergence d’une « identité européenne de défense » ; l’accord comporte notamment la possibilité pour les Européens d’opérations avec les moyens de l’OTAN sans les Américains au sein de groupes de forces armées internationales (GFIM). Mais il s’avère qu’en matière d’européanisation des commandements régionaux, Washington impose ses idées ; la France, après avoir repris sa place au comité militaire (décembre 1995) et au Conseil des ministres de la Défense de l’Alliance (juin 1996), constate que les Etats-Unis ne tiennent aucun compte de ses propositions, mais elle n’est pas suivie par ses partenaires européens ; ainsi, les Anglais refusent (Amsterdam, 1997) la fusion de l’Union européenne et de l’UEO. Au sommet atlantique de juillet 1997, la France juge non remplies les conditions de son retour dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN. Même si certains indices peuvent faire croire à la progression de l’idée d’une défense européenne (volonté américaine de « partage du fardeau » par les Européens, réunion franco-britannique de Saint-Malo en décembre 1998, désignation de Javier Solana comme responsable de la PESC), d’importantes divergences persistent sur la future complémentarité d’une défense européenne avec une Alliance atlantique dominée par les Etats-Unis, réticents à l’égard d’une vitalité trop forte. L’Espagne intègre la structure militaire de l’OTAN (décembre 1997) et surtout les États de l’Europe de l’Est sont impatients de rejoindre la seule organisation qui leur paraît susceptible d’assurer leur sécurité. 85 % des électeurs hongrois se prononcent en faveur de l’intégration (16 novembre 1997). Dans la perspective de l’élargissement, la refonte des commandements régionaux est approuvée en décembre 1997 et l’Alliance atlantique passe de 16 à 19 membres en mars 1999, en intégrant la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. La définition d’un nouveau concept stratégique lors du cinquantième anniversaire de l’Alliance (avril 1999) divise les Alliés, qui ne s’accordent pas sur la nature et l’extension (hors zone) des missions de l’OTAN et sur la nécessité d’un mandat explicite de l’ONU pour engager une action militaire. La guerre du Kosovo manifeste la prépondérance de l’OTAN, clef de la sécurité en Europe. Malgré sa volonté de soutenir le régime serbe, l’enjeu n’est pas assez important pour que Moscou mette fin aux efforts de coopération Est-Ouest.
L’hégémonie des Etats-Unis se manifeste partout et tous les moyens sont bons pour imposer sa politique. À l’ONU, Washington met son veto au renouvellement du mandat de Boutros Boutros-Ghali et impose le Ghanéen Kofi Annan comme secrétaire général (décembre 1996) mais ne tient pas compte de ses observations dans la crise irakienne et a tendance à substituer son action propre à la politique multilatérale. Sur le plan économique, les Américains ont davantage de difficultés à faire admettre leurs projets, qui suscitent l’irritation des Européens. La loi Helms-Burton (mars 1996) vise à pénaliser les sociétés étrangères commerçant avec La Havane, afin de renforcer l’embargo contre Cuba. La loi d’Amato-Kennedy (août 1996) impose des sanctions à toute société étrangère qui investirait plus de 40 millions de dollars par an dans les domaines pétrolier et gazier en Iran et en Libye. La plainte des Quinze devant l’Organisation mondiale du Commerce aboutit à la suspension de ces lois que Washington renonce à appliquer (mai 1998). L’OMC est appelée à arbitrer (juillet 1999) des conflits de plus en plus fréquents entre l’Union européenne et les Etats-Unis (embargo de l’UE sur les importations de bœuf aux hormones d’Amérique du Nord, pratiques commerciales déloyales).
Les négociations sur le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI), qui consistait – sous prétexte de favoriser les investissements – à remettre en question les accords régionaux d’intégration économique, sont suspendues (avril 1998). Le projet de nouveau marché transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis est abandonné en raison du ralliement européen aux idées françaises, hostiles à l’instauration d’un libre-échange généralisé, et remplacé par l’idée d’un partenariat économique transatlantique (mai 1998). Dans le cadre de l’OCDE, l’ultimatum américain menace de
boycotter des produits européens (novembre 1998) si Bruxelles ne revoit pas ses quotas d’importation sur la banane avec les pays ACP, associés à l’Union européenne dans le cadre de la convention de Lomé, afin d’ouvrir totalement le marché européen aux bananes des multinationales américaines.