des origines à 1000 av. J.-C : Les échanges à longue distance
Les Minoens ont fait du commerce avec les îles voisines dès le Néolithique et, à partir du Bronze ancien, avec Lipari et la Sicile. L’Egypte et le Levant. Les ports et les installations côtières, qui avaient été couramment considérés comme des colonies, ont commencé à
être perçus à la lumière de théories sur la nature des échanges commerciaux qui prennent en compte, non plus les résultats matériels du processus, mais sa signification : un besoin en objets de prestige parmi les élites émergentes des régions situées à la périphérie de l’aire d’influence des Minoens. C’est ainsi que leur présence a été détectée jusqu’en Transylvanie et sur le Danube. Elles ont aussi laissé des traces dans les îles Eoliennes (culture dite de Capo Graziano), en Sicile (culture de Castelluccio) et en Sardaigne.
La transition de la culture minoenne à la culture mycénienne mérite de retenir l’attention. Les dernières découvertes archéologiques indiquent que les deux cultures n’ont pas toujours été antagonistes, même si, vers 1450 av. J.-C., Mycènes prend le dessus. Les tablettes de Mari et la Bible évoquent une certaine Caphtor, les textes égyptiens une Keftiu ou Kefti : sous ces dénominations, les historiens reconnaissent la Crète, qui a entretenu des contacts avec les Hittites d’Anatolie centrale, avec l’Egypte et les empires du Mitanni et de Mésopotamie. Les grands palais de Cnossos et de Mallia en Crète, ou celui de Pylos sur le continent, ne laissent aucun doute sur la richesse et la puissance de l’Etat minoen. L’éruption volcanique de Théra, en 1470 av. J.-C., aurait largement contribué à l’effondrement du pouvoir minoen, alors que des peuples venus non seulement de la Grèce continentale, mais aussi d’Anatolie occidentale, s’installaient sur l’île affaiblie. Les circonstances de cette invasion demeurent encore mystérieuses.
L’apparition d’une nouvelle forme d’écriture, connue sous le nom de linéaire B, à partir du XVe siècle, a conduit certains historiens à penser que des continentaux ont réellement pris le pouvoir. On parle alors d’une culture « créto-mycénienne », avant le stade dit « mycénien ». La langue des tablettes en linéaire B retrouvées à Cnossos aussi bien que sur le continent est une forme de grec archaïque alors que l’écriture également syllabique qui a précédé le linaire B, dite « linéaire A », qui n’est encore que très partiellement déchiffrée, pourrait bien s’apparenter aux langues parlées sur les côtes d’Asie Mineure, notamment au louvite. Des études récentes montrent la parenté du linéaire A avec les anciennes langues sémites, qui comportent des mots presque similaires. Toutes ces hypothèses sont néanmoins encore très controversées.
Le corpus épigraphique comprend d’ailleurs l’inscription du fameux disque de Phaistos, tracée dans une écriture qui ne se rencontre nulle part ailleurs, qui n’a pas été déchiffrée et qui a peu de chances de l’être un jour. Il serait certainement erroné de penser que tous les Crétois étaient de même origine ethnique et parlaient la même langue. La Bible fait par exemple de Caphtor le lieu d’origine des Philistins et l’île a accueilli plus tard des groupes parlant une langue étéo-crétoise ainsi que les Pélasges, qui se distinguaient des autres Crétois par leur culture et donc sans doute aussi par leur origine. A l’inverse, la présence de Minoens dans des régions éloignées de la Crète pourrait être attestée par les similitudes étonnantes qui existent entre le palais de Mari, dans le nord de la Mésopotamie, qui date de l’âge du bronze, et les palais crétois.
En récupérant les routes maritimes et les ports des Minoens, leurs colonies et leur clientèle, les Mycéniens agrandirent leur champ d’action. Les relations nouées dans l’un et l’autre bassins de la Méditerranée étaient de natures assez différentes, certainement parce que les partenaires qu’ils trouvaient de part et d’autre ne se ressemblaient pas. D’un côté, en Orient, les sources écrites évoquent des sociétés présentant un haut degré d’organisation et des caractéristiques voisines. De l’autre, en Occident, les populations italiennes, siciliennes et sardes connaissaient des structures sociales diverses, créant des conditions de contact également variables. Les Mycéniens ont approché l’Italie en mettant à profit un type d’environnement qu’ils connaissaient
très bien : les îles et les archipels de la mer Tyrrhénienne, du nord de la Sicile (les îles Eoliennes : Lipari, Filicudi, Panarea, Salina) au golfe de Naples (Vivara, Ischia). Leur présence en Italie s’étend de la fin du XVe siècle jusqu’au XIIe siècle, et apparaît concentrée sur quelque soixante sites, un quart d’entre eux se situant dans le golfe de Tarente et dans le sud de la côte adriatique. Curieusement, beaucoup de spécialistes expliquent ces relations par la recherche des métaux, alors que la zone métallurgique par excellence en Italie, le cœur de la mer Tyrrhénienne, témoigne seulement de la présence de trois comptoirs mycéniens, ceux de Luni sul Mignone, San Giovenale et Monte Rovello et qu’aucun minerai métallique ne semble avoir été exploité en Sardaigne ou en Calabre avant le Bronze récent, vers les XIIe et XIe siècles. Les historiens se sont également interrogés sur la nature de ces comptoirs mycéniens, et la plupart pensent qu’il s’agissait d’installations permanentes plutôt que temporaires.
L’idée que les élites indigènes auraient encouragé le contact pour acquérir des objets de luxe a séduit les archéologues sensibles aux approches anthropologiques. Etant donné le faible pourcentage d’objets de prestige de provenance mycénienne qui ont été retrouvés, comparé au grand nombre d’objets manifestement fabriqués sur place dans le style mycénien, je crois plutôt que la relation a pu prendre la forme d’un apprentissage de certaines techniques artisanales mycéniennes, par exemple la métallurgie, en échange d’un droit d’usage des ports. L’objectif des Mycéniens était de contrôler le trafic d’un certain nombre de marchandises circulant le long de ces routes : l’étain et le cuivre, l’ambre, le sel, les peaux, le bois, etc. Une situation déjà attestée sur les côtes syriennes au Bronze récent et également suggérée par l’épave du navire retrouvée au cap Gelidonya, sur la côte turque.
Ce navire transportait des objets de métal, des lingots de cuivre et une fonderie en activité au moment du naufrage. Une telle supposition doit être mise en relation avec la circulation d’autres marchandises comme l’huile, le vin ou les parfums. Quoi qu’il en soit, la chronologie de ces trois siècles doit encore être très affinée avant que nous soyons en mesure de comprendre le processus d’appropriation de ces territoires par Mycènes. En l’état, nous savons que la présence mycénienne a été plus tardive en Sardaigne que dans les autres régions d’Italie, et que les relations sont devenues plus étroites à partir du milieu du XIIIe siècle jusqu’au XIe siècle.
L’île a-t-elle constitué un comptoir mycénien ? L’hypothèse demande à être étudiée selon les routes commerciales que cette tête de pont pourrait avoir eu pour fonction de contrôler. Il faut également tenir compte du fait que les ports où les navires mycéniens faisaient escale n’étaient pas seulement utilisés à l’occasion, mais constituaient des partenaires actifs dans un réseau d’échanges. Les modèles théoriques qui nous permettent de comprendre la Méditerranée préhistorique ont récemment évolué.
Les anciens critères strictement économiques qui présidaient à l’étude des relations marchandes ont été remplacés par les concepts d’échange de dons, d’économie palatiale, conçue comme opposée à une économie de profit, de relation entre un centre et sa périphérie et d’échange inégal favorisant la communication entre les cultures et les diasporas : autant d’outils fondamentaux pour proposer une interprétation globale des relations interculturelles.
être perçus à la lumière de théories sur la nature des échanges commerciaux qui prennent en compte, non plus les résultats matériels du processus, mais sa signification : un besoin en objets de prestige parmi les élites émergentes des régions situées à la périphérie de l’aire d’influence des Minoens. C’est ainsi que leur présence a été détectée jusqu’en Transylvanie et sur le Danube. Elles ont aussi laissé des traces dans les îles Eoliennes (culture dite de Capo Graziano), en Sicile (culture de Castelluccio) et en Sardaigne.
La transition de la culture minoenne à la culture mycénienne mérite de retenir l’attention. Les dernières découvertes archéologiques indiquent que les deux cultures n’ont pas toujours été antagonistes, même si, vers 1450 av. J.-C., Mycènes prend le dessus. Les tablettes de Mari et la Bible évoquent une certaine Caphtor, les textes égyptiens une Keftiu ou Kefti : sous ces dénominations, les historiens reconnaissent la Crète, qui a entretenu des contacts avec les Hittites d’Anatolie centrale, avec l’Egypte et les empires du Mitanni et de Mésopotamie. Les grands palais de Cnossos et de Mallia en Crète, ou celui de Pylos sur le continent, ne laissent aucun doute sur la richesse et la puissance de l’Etat minoen. L’éruption volcanique de Théra, en 1470 av. J.-C., aurait largement contribué à l’effondrement du pouvoir minoen, alors que des peuples venus non seulement de la Grèce continentale, mais aussi d’Anatolie occidentale, s’installaient sur l’île affaiblie. Les circonstances de cette invasion demeurent encore mystérieuses.
L’apparition d’une nouvelle forme d’écriture, connue sous le nom de linéaire B, à partir du XVe siècle, a conduit certains historiens à penser que des continentaux ont réellement pris le pouvoir. On parle alors d’une culture « créto-mycénienne », avant le stade dit « mycénien ». La langue des tablettes en linéaire B retrouvées à Cnossos aussi bien que sur le continent est une forme de grec archaïque alors que l’écriture également syllabique qui a précédé le linaire B, dite « linéaire A », qui n’est encore que très partiellement déchiffrée, pourrait bien s’apparenter aux langues parlées sur les côtes d’Asie Mineure, notamment au louvite. Des études récentes montrent la parenté du linéaire A avec les anciennes langues sémites, qui comportent des mots presque similaires. Toutes ces hypothèses sont néanmoins encore très controversées.
Le corpus épigraphique comprend d’ailleurs l’inscription du fameux disque de Phaistos, tracée dans une écriture qui ne se rencontre nulle part ailleurs, qui n’a pas été déchiffrée et qui a peu de chances de l’être un jour. Il serait certainement erroné de penser que tous les Crétois étaient de même origine ethnique et parlaient la même langue. La Bible fait par exemple de Caphtor le lieu d’origine des Philistins et l’île a accueilli plus tard des groupes parlant une langue étéo-crétoise ainsi que les Pélasges, qui se distinguaient des autres Crétois par leur culture et donc sans doute aussi par leur origine. A l’inverse, la présence de Minoens dans des régions éloignées de la Crète pourrait être attestée par les similitudes étonnantes qui existent entre le palais de Mari, dans le nord de la Mésopotamie, qui date de l’âge du bronze, et les palais crétois.
En récupérant les routes maritimes et les ports des Minoens, leurs colonies et leur clientèle, les Mycéniens agrandirent leur champ d’action. Les relations nouées dans l’un et l’autre bassins de la Méditerranée étaient de natures assez différentes, certainement parce que les partenaires qu’ils trouvaient de part et d’autre ne se ressemblaient pas. D’un côté, en Orient, les sources écrites évoquent des sociétés présentant un haut degré d’organisation et des caractéristiques voisines. De l’autre, en Occident, les populations italiennes, siciliennes et sardes connaissaient des structures sociales diverses, créant des conditions de contact également variables. Les Mycéniens ont approché l’Italie en mettant à profit un type d’environnement qu’ils connaissaient
très bien : les îles et les archipels de la mer Tyrrhénienne, du nord de la Sicile (les îles Eoliennes : Lipari, Filicudi, Panarea, Salina) au golfe de Naples (Vivara, Ischia). Leur présence en Italie s’étend de la fin du XVe siècle jusqu’au XIIe siècle, et apparaît concentrée sur quelque soixante sites, un quart d’entre eux se situant dans le golfe de Tarente et dans le sud de la côte adriatique. Curieusement, beaucoup de spécialistes expliquent ces relations par la recherche des métaux, alors que la zone métallurgique par excellence en Italie, le cœur de la mer Tyrrhénienne, témoigne seulement de la présence de trois comptoirs mycéniens, ceux de Luni sul Mignone, San Giovenale et Monte Rovello et qu’aucun minerai métallique ne semble avoir été exploité en Sardaigne ou en Calabre avant le Bronze récent, vers les XIIe et XIe siècles. Les historiens se sont également interrogés sur la nature de ces comptoirs mycéniens, et la plupart pensent qu’il s’agissait d’installations permanentes plutôt que temporaires.
L’idée que les élites indigènes auraient encouragé le contact pour acquérir des objets de luxe a séduit les archéologues sensibles aux approches anthropologiques. Etant donné le faible pourcentage d’objets de prestige de provenance mycénienne qui ont été retrouvés, comparé au grand nombre d’objets manifestement fabriqués sur place dans le style mycénien, je crois plutôt que la relation a pu prendre la forme d’un apprentissage de certaines techniques artisanales mycéniennes, par exemple la métallurgie, en échange d’un droit d’usage des ports. L’objectif des Mycéniens était de contrôler le trafic d’un certain nombre de marchandises circulant le long de ces routes : l’étain et le cuivre, l’ambre, le sel, les peaux, le bois, etc. Une situation déjà attestée sur les côtes syriennes au Bronze récent et également suggérée par l’épave du navire retrouvée au cap Gelidonya, sur la côte turque.
Ce navire transportait des objets de métal, des lingots de cuivre et une fonderie en activité au moment du naufrage. Une telle supposition doit être mise en relation avec la circulation d’autres marchandises comme l’huile, le vin ou les parfums. Quoi qu’il en soit, la chronologie de ces trois siècles doit encore être très affinée avant que nous soyons en mesure de comprendre le processus d’appropriation de ces territoires par Mycènes. En l’état, nous savons que la présence mycénienne a été plus tardive en Sardaigne que dans les autres régions d’Italie, et que les relations sont devenues plus étroites à partir du milieu du XIIIe siècle jusqu’au XIe siècle.
L’île a-t-elle constitué un comptoir mycénien ? L’hypothèse demande à être étudiée selon les routes commerciales que cette tête de pont pourrait avoir eu pour fonction de contrôler. Il faut également tenir compte du fait que les ports où les navires mycéniens faisaient escale n’étaient pas seulement utilisés à l’occasion, mais constituaient des partenaires actifs dans un réseau d’échanges. Les modèles théoriques qui nous permettent de comprendre la Méditerranée préhistorique ont récemment évolué.
Les anciens critères strictement économiques qui présidaient à l’étude des relations marchandes ont été remplacés par les concepts d’échange de dons, d’économie palatiale, conçue comme opposée à une économie de profit, de relation entre un centre et sa périphérie et d’échange inégal favorisant la communication entre les cultures et les diasporas : autant d’outils fondamentaux pour proposer une interprétation globale des relations interculturelles.
Vidéo : des origines à 1000 av. J.-C : Les échanges à longue distance
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : des origines à 1000 av. J.-C : Les échanges à longue distance