L'étude d’un site archéologique : homme de tautavel
L’exemple de la caune de l’Arago, à Tautavel
La caune de l’Arago, à Tautavel (Pyrénées-Orientales), est un site dont l’étude rassemble les analyses de plusieurs spécialités qui concourent à la connaissance de l’homme et de son environnement. Cette grotte, large¬ment ouverte sur la plaine de Tautavel, fut étudiée dès les débuts de la géologie, au xixe siècle.
Elle fut alors reconnue par Marcel de Serres pour son intérêt paléontologique. Celui-ci avait identifié, après avoir fait un sondage, une faune différente de la faune actuelle. Il fallut ensuite attendre le développement de la préhistoire pour que la grotte attire à nouveau les chercheurs.
En 1948, Jean Abélanet reconnaît des outils pré-historiques venant de la grotte. Alerté par ce dernier, Henry de Lumley visite la caune de l’Arago en 1963 et en décide la fouille.
Depuis 1964, tous les ans, une équipe de fouille internationale exploite méthodiquement ce gisement exceptionnel à l’occasion de campagnes de recherches de plus en plus longues. C’est durant l’été 1971 que le crâne de l’homme de Tautavel fut découvert.
L’homme de tautavel
Les différentes campagnes de fouilles dans la caune de l’Arago, menées sous la direction de Marie-Antoinette et Henry de Lumley, ont permis la mise au jour de plus de soixante-dix restes humains. La face et le frontal « Arago XXI » constituent la plus vieille face humaine connue à ce jour (1997) en Europe. Ce crâne possède un front fuyant et plat, un fort bourrelet au-dessus des yeux, des orbites rectangulaires, une forte avancée de la mâchoire. Tous ces caractères font de ce crâne celui d’un Homo erectus évolué que l’on appelle aussi anté- néandertalien ou prénéandertalien car il semble déjà préfigurer l’homme de Neandertal.
Plusieurs autres restes humains sont spectaculaires : deux mandibules (d’une femme et d’un homme), l’os d’une hanche féminine, et un grand nombre de dents isolées figurent au nombre des vestiges. Des dents de lait témoignent de la présence de plusieurs enfants. Un total d’une vingtaine d’individus constitue le groupe de Tautavel.
La présence de stries et de traces de percussion sur les os montre que certains cadavres ont vraisemblablement subi une découpe, et il n’est pas interdit de penser que cela indique une forme d’anthropophagie. On n’en connaît pas les raisons, mais on sait qu’elle n’était pas liée à la rareté des ressources alimentaires : les restes de grands mammifères sont en effet très nombreux dans les couches recelant des restes humains.
La flore
L’analyse des grains de pollen d’une couche sédimentaire permet d’avoir une bonne idée de la végétation d’une époque donnée. Ainsi, la végétation méditerra-néenne est toujours présente. Mais, il y a 500000 ans, la végétation de Tautavel était surtout forestière et caractéristique d’un climat tempéré et humide. Il y a 450 000 ans. le climat semble avoir progressivement changé pour aller vers le froid et le sec. La végétation s’est alors chargée en pins sylvestres et en bouleaux, ainsi qu’en herbes et graminées. Elle a ensuite gardé ces caractéristiques jusqu’aux environs de 400000 ans.
La faune
La faune, elle aussi, a changé au cours du temps. Il y a 550000 ans, les rennes sont particulièrement abondants, le climat froid et sec leur convenant sans doute parfaite-ment. Aux environs de 500 000 ans, les cervidés forestiers, daims et cerfs, sont dominants, ce qui va de pair avec une végétation forestière et un climat tempéré et humide. Enfin, il y a 450 000 ans, la faune passe pro¬gressivement d’une composition forestière à une abondance de chevaux, bisons et rhinocéros, caractéristiques d’un environnement ouvert et d’un climat froid. La combinaison des données des études de la végétation, du sédiment et de la faune permet ainsi de mieux connaître l’environnement d’une époque donnée.
L’outillage de l’homme detautavel
Tous les outils retrouvés dans la caune de l’Arago sont en pierre. Les galets aménagés sont surtout en calcaire, et les outils sur éclats sont majoritairement en quartz. Le silex n’a servi à fabriquer que 10% des outils. Beaucoup d’outils sont des racloirs (40 %), qui semblent avoir été élaborés dans la grotte même, où se trouvent un grand nombre de déchets de taille. De la base au sommet du remplissage, la technologie semble évoluer assez peu. Ces outils appartiennent à l’ensemble culturel acheuléen. La matière première de l’outillage est souvent locale, mais aussi parfois d’origine plus lointaine. Le silex, par exemple, provient d’un gisement situé à une trentaine de kilomètres.
La stratigraphie
Les hommes de Tautavel n’ont pas habité dans la grotte de façon continue. Nomades, ils l’occupaient quelques mois et la quittaient, peut-être pour suivre un troupeau en migration. Aussi, les couches archéologiques sont séparées par des niveaux dans lesquels aucun vestige ne témoigne d’une présence humaine. Ces couches sont dites « stériles ».
Les couches n’ont pas toujours la même composi¬tion. ri y a 550000 ans, par exemple, le sédiment est sableux, caractéristique d’un climat froid et sec. Puis, il y a 500 000 ans, la couche devient argileuse ; comme l’indiquent la végétation et la faune, le climat était alors tempéré et humide. Enfin, les autres couches, entre 450 000 et 400 000 ans, sont à nouveau sableuses.
Les datations
Toute une série de datations a été faite sur le matériel de la caune de l’Arago. Ces datations sont pour la plupart basées sur le principe de la désintégration radioactive. Des os ou des stalagmites incorporent durant leur croissance des éléments chimiques radioactifs de l’atmosphère ou de l’eau. Ces éléments, dont le plus connu est le carbone-14, se désintègrent ensuite à un rythme connu : un comptage de ce qu’il en reste et du nombre d’atomes issus de la désintégration radioactive permet de connaître l’âge de l’os ou du matériel daté. La datation au carbone-14 ne peut être utilisée pour des périodes plus anciennes que 50000 ans. A Tautavel, on a donc utilisé l’uranium, le strontium et le potassium, éléments qui permettent de remonter plus loin dans le temps.
Les différentes datations effectuées sur les vestiges de Tautavel montrent que la base du remplissage sédi- mentaire de la grotte date de 690000 ans, que le sommet est aux alentours de 100000 ans et que le crâne de l’homme de Tautavel, Arago XXI, date de 450000 ans.
Comment vivaient les hommes de tautavel?
Grâce aux différentes études et analyses menées, la vie des hommes de Tautavel aux différentes époques de l’occupation humaine de la caune de l’Arago est assez bien connue. L’environnement est bien identifié, ainsi que le mode de vie des occupants. Il y a 550 000 ans, les hommes vivaient en chassant le renne dans un envi-ronnement ouvert sous climat froid et sec. Il y a 500 000 ans, le climat étant tempéré et humide, les hommes chassaient le daim et le cerf dans la forêt. Il y a 450 000 ans, le climat se refroidissant, on se mit à chasser des chevaux, des cerfs, des rennes, des mouflons, des bisons et des rhinocéros.
Les hommes de Tautavel vivaient en familles dans la grotte. Ils mesuraient entre 1,60 et 1,70 mètre, étaient robustes et vivaient rarement plus de 25 ans. Ils ne connaissaient pas le feu. Il semble, comme il a été men-tionné plus haut, qu’ils aient pratiqué une forme de cannibalisme.
Vidéo : L’étude d’un site archéologique
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