Les voies nationales
Présentons quelques voies nationales, le cas de l’Allemagne orientale — en RDA, la révolution eut en somme deux visages, concernant à la fois l’Europe de l’Est et l’Allemagne, ce que montra la réunification allemande du 3 octobre 1990 — étant exposé par ailleurs.
Albanie
L’Albanie est un des trois cas (avec la Roumanie et la Bulgarie) où, avant, il y avait quasi-inexistence d’opposition(s) un tant soit peu organisée(s). Rappelons la mort en 1985 du chef du parti communiste albanais et incarnation du dogmatisme, Enver Hoxha (à prononcer Hodjti), au pouvoir depuis 1944. Des Albanais se réfugièrent dans les ambassades étrangères en 1990, puis des manifestations éclatèrent à la fin de 1990. Il y eut alors abandon du monopole du PC, en décembre 1990, provoquant la naissance du multipartisme. Les premières élections libres, du 31 mars 1991, virent les communistes conserver la majorité, grâce aux campagnes, le Parti démocratique étant la principale autre formation. En somme, comme on dira vite, un « scénario à la bulgare » pour l’Albanie.
Ce pays de 3,5 millions d’habitants seulement ne connaîtra que de rares périodes de calme après la chute du communisme. Parallèlement, mais fondamentalement, on assiste à l’effondrement en janvier-février 1997 des sociétés ;; financières « pyramidales », mises sur pied depuis 1992. C’est une escroquerie : gigantesque : les intérêts étant payés aux investisseurs par les capitaux des nouveaux souscripteurs, le montant total équivalant au PIB national ! En 1994, 53,8 % des Albanais votent « non » à un projet de constitution proposé 1par le président Sali Berisha, qui octroie de forts pouvoirs au chef de l’Etat. Ce premier désaveu de la politique de Berisha débouche au printemps 1997 sur une rébellion, dont le bilan est estimé à 2 000 morts. La ruine des petits épargnants radicalise l’opposition au régime en Albanie. Des troubles éclatent dans
le sud tin pays, avec une violence inégalée : une véritable insurrection, sans buts politiques clairs, isole le sud du reste du pays. Le chef de l’Elat, Sali Berisha, fait appel aux unités spéciales de l’armée pour tenter tic rétablir le calme, en vain. Les dépôts militaires sont pillés et des centaines de milliers d’armes tombent aux mains de la population. Le 2 mars 1997, l’état d’urgence est décrété en Albanie, après les révoltes qui ont fait 13 morts : les villes du Sud plongent dans le chaos. Dans le courant du mois, l’insurrection gagne l’ensemble du pays : armés, exaltés, mais inorganisés, les jeunes Albanais dressent des centaines de barrages routiers, surtout dans le sud, livré à l’anarchie. En juin 1997, des élections législatives, dont les résultats sont controversés, voient la défaite du Parti démocratique de Berisha face aux communistes réformistes du Parti socialiste. Le socialiste Rexhep Mejdani est élu à la présidence de la République albanaise le 24 juillet 1997, il remplace Sali Berisha, qui avait démissionné la veille. L’Albanie est secouée à nouveau par des émeutes en septembre 1998. Le PD tente de prendre le pouvoir par la force, provoquant à Tirana des émeutes qui font 4 morts et 80 blessés. Enfin, l’Albanie est ruinée par l’afflux des réfugiés de la guerre du Kosovo.
Bulgarie
La Bulgarie est un des trois cas, avec la Roumanie et l’Albanie, où n’existaient pratiquement pas, auparavant, d’opposition(s) un tant soit peu organisée(s). La Bulgarie était un « élève exemplaire » dans le bloc de l’Est, un pays très dépendant de l’URSS, et… très endetté. En 1989-1990, le parti communiste y garde fermement les rênes du pouvoir et ne se produisent à Sofia que des changements qui manquent singulièrement de souffle. L’événement décisif y est d’ailleurs une sorte de révolution de palais, qui se produit le 10 novembre 1989 : Todor Jivkov perd sa place à la tête du Parti communiste. Il y était depuis… 1954 ; il est remplacé par Petar Mladenov, et il perd aussi sa place à la tête de l’Etat. Des manifestations réclament évidemment davantage, soit des élections libres. Le deuxième grand événement bulgare est en fait une Table ronde entre le PC et les autres partis, surgis fin 1989-début 1990. Elle est permise par le retard de la naissance d’une opposition et par comparaison avec la situation roumaine : une forme de « révolution douce », imitant avec lenteur la perestroïka. Troisième événement décisif, en juin 1990, sont organisées les premières élections libres et démocratiques depuis l’automne 1946.
Le PC, rebaptisé « Parti socialiste bulgare », a la majorité. Quelques semaines plus tard, le 1er août 1990, le leader de l’Union des Forces démocratiques (Jeliu Jelev) est élu président de la République. Continuité bien plutôt que ruptures. Les raisons de désenchantement ne manquent pas, en eftèt : très graves difficultés économiques dans un pays très dépendant de l’URSS et baisse du niveau de vie ; un gouvernement qui reste entre les mains d’un parti communiste, rebaptisé socialiste ; des cadres communistes à la tête des affaires privées les plus rentables ; une xénophobie anti-turque, exprimant peut-être la crainte d’une vengeance vis-à-vis de la « bulga- risation » forcée opérée au début des années 80 puis des expulsions massives de 1989 : la minorité turque représenterait le dixième de la population totale. Au total, une profonde peur de l’avenir s’est emparée du pays.
le 10 juin 1990, au premier loin dis premières élections législatives libres i li puis 1914, les ex communistes obtiennent la victoire, mais c’est l’inverse aux élec- iii mis d’octobre 1991, avec la victoire de l’opposition anticommuniste. À nouveau, un retournement de situation se produit aux élections de décembre 1994, avec un w malile retour des ex-communistes : ils remportant 43,5 % des voix, soit 125 des ’10 sièges de PAssemblée bulgare. En janvier 1995, Jean Videnov est nommé Premier ministre. En 1996, le pays connaît une dévaluation considérable de la nu mnaic nationale (le lev, dévalué de 250 % en lui an), un effondrement du système bancaire, tandis que se confirment la chute du taux de natalité et le relèvement de mortalité. L’élection présidentielle d’octobre-novembre 1996 voit la victoire du candidat de l’opposition de droite, Petar Stoïanov, sur le candidat socia- liste (ex-communiste). Mais le parlement bulgare est toujours dominé par les ex- lommunistes. Pour peu de temps encore : le 19 avril 1997, c’est la première alternance politique nette en Bulgarie, où les ex-communistes étaient restés au pouvoir presque sans interruption depuis 1990 : l’Union des Forces démocratiques (UFD, entre droit) et ses alliés, regroupés au sein de la coalition des Forces démocratiques unies (FDU) disposent de la majorité absolue au Parlement bulgare.
Hongrie
« la décision de la Hongrie d’ouvrir ses frontières aux Allemands de l’Est est une mesure prise dans le contexte du rapprochement de ce pays avec l’Occident et particulièrement avec [l’Allemagne de l’Ouest], Incontestablement, personne ne pouvait soupçonner l’intensité de la secousse qu’allait provoquer la fuite de dizaine de milliers d’Allemands de l’Est. En effet, cela va déclencher une crise déstructurante en [République démocratique d’Allemagne], suivie par des révolutions en cascade. » Quelles sont les grandes caractéristiques de l’évolution du réformisme communiste à la démocratie consolidée dans ce pays ? Pour l’essentiel, la Hongrie s’est acheminée sans heurt vers un Etat de droit, jouant d’ailleurs un rôle international en ouvrant ses frontières aux citoyens de la RDA. L’évolution y est assez rapide vers la démocratie. La Hongrie est le deuxième pays d’Europe centrale à franchir avec succès le cap de l’émancipation démocratique, avec des répercussions sur la RDA, et en avance sur la Pologne. Il est vrai qu’y existait un réformisme communiste relativement ancien.
Les causes de l’avance hongroise sont nettes. L’antécédent de 1956 a posé les principes d’un retour à la démocratie intégrale, et est resté très présent dans la mémoire collective, ce qu’incarne le slogan-panacée « retour à 1956 ». Le « kada- risme » — du nom de Jânos Kâdâr— a été la docilité à l’égard de Moscou, mais avec une certaine modération, une capacité d’ouverture, le maintien d’une option réformiste. Une liquéfaction idéologique du communisme s’est opérée, sous l’effet de la contestation scientifique et intellectuelle depuis les années 60, avec organisation d’une opposition à la fin des années 70. L’opposition (Forum démocratique, Démocrates libres) a démontré sa capacité à faire front dans les négociations avec le PC. Une liquéfaction économique a été reconnue dès 1987.
La transition magyare s’opère par un processus évolutif: il y a un « gradua lisme » hongrois. Il a un caractère légal, voire « légaliste » : modification de la Con<;titi.ition, changement au niveau des institutions civiques républicaines, absence de vacance de la légalité. En conséquence, les années 1989 1990 ne furent pas vécues par les Hongrois comme une véritable révolution. Toutefois, le PC ne retire aucun bénéfice de son réformisme ancien. En effet, il est jugé par Popinioti responsable de la faillite économique du pays ; le « réformisme », d’autre fait slogan éculé, par auto-épuisement du réformisme économiste communiste ; 1e socialisme n’apparaît plus comme une fatalité, ce que montre à l’évidené0 l’attitude soviétique ; enfin la faiblesse idéologique des « réformistes » .
pc pjus se posent des problèmes extérieurs, surtout les rapports avec des pays ayant des minorités hongroises sur leur sol, la Roumanie pour l’essentiel et depuis longtemps. Quelles sont les grandes phases de l’évolution de la Hongrie ? Remontf à 1988. De mai 1988, après la chute de Kâdâr, à janvier 1989, c’est PouvertUre communiste, ainsi que l’échec de la tentative visant à imposer au débat public des limites. A partir de mars 1989, les deux principaux courants de l’oppositi°n (Forum démocratique et Démocrates libres) se transforment en véritable? partis, les mouvements d’opposition se liguent sous la forme d’une confèrent permanente, appelée « Table ronde de l’opposition ». Aux élections de juillet 1989, les candidats officiels sont tous battus. Enfin, de l’automne 1989 aux électi°ns générales du 25 mars 1990, c’est la proclamation de la « République de Hongrie » et la disparition du PC (le PSOH). Mais, au total, ces trois phases nC donnent qu’un caractère relatif à l’évolution de la Hongrie. Janos Kâdâr secrétaire général du PC depuis 1956 et Premier ministre, est d’abord remplacé, Par Karoly Grosz, le 22 mai 1988, la nouvelle direction se prononçant d’emblée en faveur d’une « réforme radicale », concernant non seulement la gestion économique, mais aussi les méthodes d’exercice du pouvoir. Kâdâr mourra en 1989.
Le gouvernement renonce rapidement au parti unique, au principe du rôle privilégié de l’Ëtat dans l’économie. Deuxième changement de titulaire de la fonction en décembre 1988, Grosz cède le poste de Premier ministre à Miklos Németh. Au début de la deuxième grande phase de l’évolution, l’opposition forme des partis, en mars-avril 1989. Il s’agit du Forum démocratique hongrois (MDF), à l’Alliance des Démocrates libres (SZDSZ), du Parti démocrate-chrétien (KDNP), etc. Le mois suivant, c’est le début de l’ouverture de la frontière entre la Hongrie et l’Autriche (2 mai 1989). Le 16 juin 1989, a lieu une immense manifestation silencieuse, pour les obsèques nationales des victimes de 1956 dont Imre Nagy (exécuté en 1958), les représentants du PC (PSOH) étant exclus– Aux élections partielles de juillet 1989, tous les candidats de ce parti sont battus.
La troisième phase voit une relative accélération de l’histoire : le 8 octobre 1^89, le PSC )l’éclate en deux (un PSI I, Parti socialiste hongrois, et un PSOH m.mileiui). Le 23 octobre 1989, c’est la proclamation de la « République » (Mil court) de 1 longrie. Le 25 mars et le 8 avril 1990, ce sont les premières élections générales libres depuis 1947. Pas moins de douze mouvements politique proposent des candidats. La consultation est marquée par la victoire de la coalition du MDF (Forum) et de deux autres partis modérés, incarnant au n il al le courant de droite, chrétien-démocrate, tandis que la social-démocratie et les communistes orthodoxes sont balayés. Un nouveau Premier ministre est nommé, en la personne de Jozsef Antall. Les socialistes du PSH (ex-commu- ilistes réformateurs) remportent une écrasante victoire aux élections législatives du 29 mai 1994, disposant d’une majorité absolue au Parlement. Au pouvoir depuis quatre ans, les socialistes, anciens communistes réformateurs, emmenés par le Premier ministre, Gyula Horn, sont devancés lors du second tour des élections législatives, le 24 mai 1998, par la droite, unie autour de la Fédération des Jeunes Démocrates-Parti civique hongrois (Fidesz-MPP), dirigée par Viktor Orban. L’alternance s’est donc produite en Hongrie aussi. La Hongrie adhère solennellement à l’OTAN le 12 mars 1999. Elle est, en conséquence, pendant la guerre du Kosovo le seul — et très récent — pays de l’OTAN à avoir une frontière commune avec la Serbie, mais cela ne jouera pas de rôle stratégique.
Pologne
Une fois encore, nous allons remarquer la spécificité d’un pays, la Pologne, et vérifier qu’il n’y a plus d’Europe centrale et orientale. Les Polonais ont les premiers ouvert une brèche dans le « système de Yalta ». « Les changements, polonais ont été préparés, sous forme de plusieurs cycles d’“apprentissage” à l’échelle d’une société entière : L’apprentissage par les élites et les mouvements sociaux de la supériorité du compromis sur l’affrontement violent.
L’apprentissage de la supériorité de l’union sur la division, en tirant la leçon des méfaits des rendez-vous manqués entre les grands acteurs de la société . L’apprentissage de la nécessité d’une rupture radicale avec l’idéologie communiste qui sécrétait sans cesse, telle une araignée, l’illusion que le pouvoir était duel, capable de se soustraire au Mal, car représentant par essence le Bien. »Grandes sont les originalités de la Pologne. Plusieurs cycles, antérieurs, d’« apprentissage », ont préparé la révolution de « 89 » : l’apprentissage de la mobilisation populaire , l’apprentissage de la supériorité du compromis sur l’affrontement violent (cf. 1956, 1968, 1970, 1976, 1981 ), avec impossibilité pour le pouvoir de gouverner durablement par la coercition, et enfin l’apprentissage de la supériorité de l’union sur la division (cf. l’isolement des intellectuels en 1968, celui des ouvriers en 1970, etc.). La révolution s’amorce en Pologne par une entente, une entente réformatrice, entre ennemis. Le pouvoir du général Wojciech Jaruzelski a besoin d’une relé- gitimisation, après les grèves et son dernier raidissement en 1988 : il croit la trouver en partageant le pouvoir avec Solidarité (Solidamosc).
Il s’ensuit l’accord du 5 avril 1989, conclu après deux mois de négociations, sur la démo démocratisation des institutions. Les ouvriers ont révolutionné le rapport des forces. Mais notable est le retard de la mise en place de la démocratie en Pologne, par rapport aux pays voisins : un mastodonte hybride, Solidarité, cohabite — mal avec des groupuscules très nombreux. Le poids des paysans est lourd, comme le rôle de l’Église (et le pape est Polonais…). L’antisémitisme est très visible, notamment dans la campagne électorale pour les présidentielles de 1990. Des problèmes sociaux graves se posent : évolution possible vers une législation anti-contraception, place de la femme, etc. Ce retard explique que la Pologne sera un des rares pays d’Europe orientale à encore fonctionner au printemps 1991 avec un Parlement semi-démocratique issu de l’ancien régime (Diète), et le seul à être directement menacé par la réunification allemande.
Les grandes dates de l’évolution sont en conséquence simples à rappeler. Une véritable flamme révolutionnaire brûle jusqu’à la chute du mur de Berlin, puis l’enthousiasme retombe — contrastant vis-à-vis de la facilité avec laquelle, dans les autres pays, on va plus vite ! , mais l’évolution générale de l’Europe de l’Est mine la position du POUP, c’est-à-dire du PC polonais. L’accord du 5 avril 1989 est passé, après deux mois de négociations, sur la démocratisation des institutions. Solidarité remporte un véritable triomphe électoral au parlement en juin 1989, au soir d’élections semi-démocratiques.
Le 19 août 1989, le président de la République, Jaruzelski, désigne Tadeusz Mazowiecki (de Solidarité) comme Premier ministre. Il reçoit le soutien marqué de l’épiscopat, il bénéficie d’un formidable capital de confiance de la part des Polonais, un véritable « état de grâce » s’instaure. La transition polonaise s’effectue avec la bénédiction — quand ? pourquoi ? — du « grand frère » soviétique, ce qui, on l’a vu, pose des questions. A ce moment, le POUP espère encore qu’une désorganisation de la vie sociale et politique lui permettra le retour aux affaires, politique du pire qui traduit la faiblesse des tenants de l’ancien régime. Mais la résistance passive de la population aux changements imposés par la nomenklatura est lourde. De plus, à la fin de 1989, éclate au grand jour le contentieux entre Lech Walçsa et T. Mazowiecki, sur la place de Walçsa. Walçsa critique systématiquement le gouvernement, s’arrogeant une fonction de « tribun », par laquelle il canalise les mécontentements. A ce moment, naissent de nouveaux partis politiques, mais sous la forme de groupuscules, comme le Parti social-démocrate, successeur du POUP, des groupuscules nationalistes, ainsi que les héritiers du grand parti agrarien d’avant-guerre. À l’élection présidentielle de 1990 (25 novembre-9 décembre 1990), Lech Walçsa et T. Mazowiecki sont candidats tous deux. Se manifeste également la candidature très trouble de Stanislaw Tyminski, Polonais de l’étranger, qui promet monts et merveilles et qui arrive en deuxième position au premier tour. Walçsa l’emporte aisément au second tour, avec les trois quarts des voix. Il désigne Krzysztof Bielecki (39 ans) comme Premier ministre. Grâce à ce choix, le nouveau gouvernement va développer une politique de stabilisation économique au relatif succès : L’hyperinflation est freinée.
Les premières élections libres ont lieu le 27 octobre 1991, à la proportion ,es. Suchock.i est nommée Premier ministre le 10 juillet 1992. Le l’ septembre 1993, les élections législatives donnent la victoire à l’Alliance de la niche démocratique (SLD), ex-communiste (20,4 % des suffrages) et à son allié le Loiret paysan (PSL). Les mouvements issus de Solidarité essuient une défaite. I .i majorité est de 303 sièges sur 460. Le 18 octobre, Walçsa désigne Waldemar l’avlak (34 ans, fils de paysan), président du Parti paysan (PSL) comme Premier ministre. Le 19 novembre 1995, le chef de la gauche post-communiste, Alexandre Kwasniewski, remporte le second tour de l’élection présidentielle, avec 1,72 % contre 48,28 % au président sortant, Lech Walçsa. Lors du premier tour, le 5, Kwasniewski avait obtenu 35,11 % des voix, contre 33,11 % à Walçsa. Au lond, l’année 1995 marque l’achèvement d’un cycle d’histoire, en Pologne comme sans doute dans d’autres pays d’Europe orientale et méridionale.
Roumanie
En Roumanie, quelques originalités sont antérieures à 1989. Cette nation est un des trois cas, avec la Bulgarie et l’Albanie, où une quasi-inexistence d’opposition) un tant soit peu organisée(s) pouvait être relevée. Le pays connaissait une dictature personnelle, déguisée en pouvoir communiste, celle de Nicolae Ceausescu, aux projets devenus déments dans les années 80. Elle est le seul pays sous-développé de l’Europe de l’Est, pauvre grisaille dans laquelle brille le luxe indécent du « génie des Carpates », Nicolae Ceausescu soi-même, par lui-même. Elle est enfin le seul pays d’Europe orientale à avoir longtemps eu en Occident une cote d’amour, dont la célébration fut inaugurée par le célèbre voyage de De Gaulle en mai 68, qui n’est guère un fleuron de la diplomatie gaullienne. Le pouvoir officiel commence à craquer avec les émeutes de Brasov en novembre 1987, mais la Roumanie n’a-t-elle pas connu une révolution manquée ?
Peut on pour cc pays vraiment parler de révolution ? Pour les premiers évene ments politiques, d’ailleurs, il s’agit vraisemblablement d’un coup d’Etat, préparé depuis plusieurs mois, qui se produit en décembre 1989, à la faveur d’une insur rection populaire, qui provoque l’abandon du pouvoir par Ceausescu, après une sanglante répression. Puis la pseudo-révolution exécute précipitamment Ceau sescu et sa femme. Surtout, l’histoire s’interroge sur le rôle du parti communiste et elle rencontre toutes sortes de problèmes d’investigation, bien mis en lumière par le rôle trouble des médias, et d’interprétation. Révolution constructive ? Dès janvier et février 1990, éclatent de violents affrontements entre partisans et adversaires du FSN (Front de Salut national). Révolution ?
Le mouvement de contestation de juin 1990 est violemment réprimé par des mineurs appelés à la rescousse pour faire régner l’ordre et la terreur. Evolution ? Les permanences sont bien montrées par le rôle personnel de Ion Iliescu, ancien communiste, l’emportant comme président du Front de Salut national (85 % des voix pour l’élection présidentielle !), alors que le FSN est majoritaire à la Chambre (élections législatives et présidentielle du 20 mai 1990). Et pourtant, pendant un très court laps de temps, on avait pu croire que la Roumanie allait rejoindre rapidement, en brûlant les étapes, l’évolution des autres pays de l’Est, proclamant la République — tout court — comme en Hongrie. Criants sont vite l’absence d’unité de l’opposition, l’absence de formation civique de la population, et le poids des problèmes de nationalités (Magyars, Moldaves, Tsiganes, etc.).
Tchécoslovaquie
En Tchécoslovaquie, l’évolution est très rapide, la Tchécoslovaquie partant la « dernière », et évoluant le plus vite vers la démocratie. Le rôle décisif a été la chute du mur de Berlin. Ceci pose un problème d’interprétation : spontanéité ou « révolution par le haut » ? Pour la Tchécoslovaquie, l’héritage de la normalisation d’après 1968 était lourd, fait d’atomisation de la société, de disparition des élites réformistes et de la permanence d’un stalinisme endogène. Mais en arrêtant le dramaturge Vâclâv Havel en janvier 1989, le pouvoir va provoquer une gigantesque protestation. Dans cette optique, la révolution est vécue comme une restauration de la démocratie, que la Tchécoslovaquie avait déjà connue dans l’entre-deux-guerres, puis, sous forme édulcorée, entre 1945 et 1948. La Tchécoslovaquie est le seul pays d’Europe centrale a avoir connu une véritable tradition démocratique, comme d’ailleurs à posséder une tradition industrielle. Vâclâv Havel se coule dans le personnage de Tomas Masaryk, le fondateur de la démocratie tchécoslovaque en 1918, et il y a d’ailleurs une sorte de présidentialisation de la vie politique. Surtout, en Tchécoslovaquie, 1989- 1990, c’est une révolution « douce », « de velours ». Les manifestations de novembre 1989 aboutissent le 24 à une grande purge à la direction du PC. Vâclâv Havel est élu président de la République (par l’Assemblée fédérale) le 29 décembre 1989, à l’unanimité. Et Alexandre Dubcek, grande incarnation de 1968, est élu président de l’Assemblée fédérale. En mai 1990, la Confédération des syndicats de Tchécoslovaquie (CKOS) est admise à la CISL (Confédération internationale des syndicats libres), créée en 1949 en pleine guerre froide pour regrouper les syndicats social-démocrates et anticommunistes !
Les élections législatives des 8 et 9 juin 1990 voient la victoire du Forum civique de V. Havel (46 % des voix et majorité absolue des sièges), une formation « centriste », face à une opposition communiste (13,6 %, un vote conservateur de gens attachés au statu quo) et nationaliste. On enregistre l’échec des partis politiques ayant un profil idéologique défini, l’échec relatif des démocrates-chrétiens, avec une dérive vers le nationalisme, surtout en Slovaquie. Se oose vite le problème du sort de la fédération, à cause des velléités de divorce de la part des Slovaques. Une tentative transitoire est traduite par le nom officiel qui est donne an pays en avril 1990 : République fédérative tchèque et slovaque.
Yougoslavie
Dernière, mais non la moindre, et tragiquement, la Yougoslavie présente deprolondes originalités. D’abord, le modèle marxiste-léniniste stalinien n’y avait duré que jusqu’en novembre 1949, après la rupture avec l’URSS de Staline.
Ensuite, l’histoire de la Yougoslavie est celle d’une décomposition du communisme yougoslave depuis la mort de Tito (1980), et elle aboutit en fait à la révélation que la synthèse titiste était très fragile, malgré sa réputation et ses remaniements. Elle pose le problème du sort d’un Etat fédéral, à cause de l’impor- tance du heurt entre nationalités — et de la carte du pays —, un problème remontant à 1918, c’est-à-dire à la fondation même du pays, sous la forme première du royaume serbe-croate-slovène » ! Au début des années 20 s’était construite la fiction d’une « Yougoslavie », d’autant plus irréelle que les Hongrois de Voïvodine et les Albanais du Kosovo (capitale : Pristina) ne sont pas des Slaves. Elle a toujours simffèrt du vieux clivage entre Serbes et Croates, d’autant plus que des Serbes habitent dans la République de Croatie (capitale : Zagreb), que les Hongrois et les Albanais sont loin d’être les seuls habitants des régions évoquées plus haut, elle a souffert du conflit entre Serbes et Albanais dans les années 80, de la tension entre Serbes et Slovènes. Ce problème des nationalités débouche sur des revendications, puis des proclamations de l’indépendance, la première étant celle de la Slovénie (capitale : Ljubljana, 20 251 km2, 1 943 000 habitants) et de la Croatie (capitale : Zagreb, 56 538 km2, 4 681 000 habitants) le 25 juin 1991. Tout au long de l’année 1990, des élections parlementaires libres avaient eu pour la première fois lieu dans les six républiques fédérées. Ce problème des nationalités menace le PC (la « Ligue des communistes yougoslaves ») de désintégration. Vite, le progrès politique, réel dans certaines républiques, distingue Slovénie et Croatie du reste de la fédération, et il contribue à opposer Europe centrale et Europe orientale.
Comme partout ailleurs se posent des problèmes économiques, ici doublés par une tradition d’émigration et par la gravité des problèmes révélés après la mort de Tito (comme l’hyperinflation, de 250 % en 1988, 2 600 % en 1989, mais se ralentissant en 1990). Les formes, ce sont des élections libres, les premières dans des Républiques populaires (Slovénie et Croatie en avril et mai 1990), amenant au pouvoir des coalitions anticommunistes. Des manifestations réclament des libertés, en mars 1991, tandis que s’effectue une ouverture économique, ici aux capitaux étrangers. Bien sûr, nous reviendrons sur les développements tragiques de la crise yougoslave.
Vidéo : Les voies nationales
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Les voies nationales
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