L'oligocéne
La carte du monde à l’Oligocène ne diffère apparemment pas beaucoup de celle de l’Eocène en ce qui concerne la disposition des principales masses continentales.
L’élargissement de l’Atlantique se poursuit et l’Amcrique du Sud demeure isolée des autres continents tandis que la Téthys constitue toujours une barrière entre l’Afrique et l’Europe.
L’Australie, dont l’isolement est complet, poursuit sa dérive vers le nord.
Les relations entre l’Europe et les autres continents ont changé considérablement par rapport à ce qu’elles étaient au début de l’Eocène : si la connexion terrestre nord-atlantique s’est effacée, le retrait de la mer qui occupait la région de l’Oural permet les communications entre l’Europe et l’Asie.
Le continent eurasiatique est de nouveau constitué dès le début de l’Oligocène.
L’Australie
Les données paléontologiques dont nous disposons pour l’Australie durant l’Oligocène sont encore maigres, mais nous savons que dès cette période ce continent était déjà complètement isolé et qu’une faune et une flore endémiques y poursuivaient leur développement sans interférence extérieure. La dérive du continent australien (y compris la Nouvelle-Guinée) vers le nord ne l’avait pas encore rapproché suffisamment de l’Asie pour que des échanges fauniques, même limités, puissent avoir lieu.
On connaît un marsupial oligocène en Tasmanie et les restes de manchots ne sont pas rares dans certains dépôts oligocènes d’Australie. On en a trouvé aussi dans des roches encore plus anciennes (éocènes) en Nouvelle Zélande. Il est clair que l’évolution de ces oiseaux bien particuliers et propres à l’hémisphère austral y débuta tôt dans le Tertiaire.
L’Antractique
L’isolement de l’Antarctique paraît avoir été complet à l’Oligocène. On ne sait que peu de chose de ses habitants à cette époque (si ce n’est que des manchots y étaient déjà présents), mais il semble que c’est alors que commença à se manifester le refroidissement du continent austral. Il culminera avec l’établissement de la calotte glaciaire qui le recouvre aujourd’hui.
C’est à l’Oligocène que, rendu possible par l’ouverture des bras de mer séparant l’Antarctique de l’Australie d’une part, de l’Amérique du Sud d’autre part, commença à s’établir un système de circulation des eaux océaniques autour de l’Antarctique. Un courant froid circumantarctique se mit en place, isolant le continent des courants chauds circulant à des latitudes plus basses. Ceci conduisit à un refroidissement de l’Antarctique, et il est probable que des glaciers commencèrent à s’y développer, au moins en altitude, des l’Oligocène.
L’Amérique du sud
A l’Oligocène, l’Amérique du Sud est un continent isolé sur lequel continue à évoluer une faune endémique très particulière, mais qui n’en reçoit pas moins des immigrants dont l’origine a fait (et fait toujours) l’objet de maintes discussions. Parmi les groupes de mammifères propres à l’Amérique du Sud se développent notamment à l’Oligocène les pyrothères, avec Pvrotherium, animal de grande taille ressemblant à un éléphant, ou plus encore à un mastodonte, avec ses membres massifs, ses défenses et sa trompe. Mais l’événement paléobiogéographique majeur en Amérique du Sud durant cette période est l’arrivée d’immigrants venus sans conteste d’un autre continent, à savoir les rongeurs et les primates. Ils y font alors leur apparition (peut-être même un peu plus tôt dans le cas des rongeurs). Une seule chose est sûre, ils n’ont pas évolué sur place et la grande question est celle de leur origine géographique. Deux possibilités ont été évoquées : ces mammifères peuvent être venus d’Amérique du Nord ou d’Afrique. Dans les deux cas, il leur avait fallu traverser une barrière marine pour parvenir en Amérique du Sud, et on fait généralement appel pour expliquer une telle dispersion à des radeaux naturels, tels que troncs d’arbres ou débris végétaux entremêlés, susceptibles de voguer sur des distances considérables, et de porter des animaux de petite taille. L’Atlantique Sud était déjà d’une largeur
non négligeable, mais les courants qui le parcouraient étaient probablement orientés est-ouest, ce qui facilitait les traversées d’Afrique en Amérique du Sud, mais rendait plus difficiles les passages d’Amérique du Nord en Amérique du Sud.
L’idée selon laquelle les rongeurs hystricomorphes (groupe qui comprend les porcsépics, les cochons d’Inde et les cabiais et autres rongeurs sud-américains) et les primates platyrrhiniens (les singes du Nouveau Monde) vinrent d’Afrique en traversant l’Atlantique, a été notamment proposée par les paléontologues français Robert Hoffstetter et René Lavocat. Un bon nombre de chercheurs y ont adhéré, même si la théorie d’une origine nord-américaine conserve ses partisans. A l’appui de l’hypothèse d’une origine africaine, on peut citer non seulement des ancêtres potentiels pour les deux groupes en Afrique, mais aussi la possibilité de l’existence de chapelets d’îles à travers l’Atlantique, au niveau des « rides » aujourd’hui sous-marines de Walvis et Rio Grande, qui auraient pu servir d’étapes à ces animaux terrestres.
L’Afrique
Les vertébrés oligocènes d’Afrique sont bien connus | grâce aux gisements du Fayoum, au sud-ouest du Caire, en Egypte. Exploités depuis le début du xx siècle, ils ont livré une abondante faune de reptiles (comprenant des tortues et des crocodiles) et de mammifères. Parmi ces derniers, on trouve des formes curieuses, longtemps considérées comme propres au continent africain, tel Arsinoitherium, ainsi nommé d’après la reine Arsinoé, épouse du roi Ptolémée, qui possédait un palais non loin des sites fossilifères.
Arsinoitherium attteignait la taille d’un rhinocéros et son crâne portait une paire d’énormes cornes triangulaires suivie, à l’arrière, d’une seconde paire beaucoup plus petite. Ce grand ongulé appartient à un groupe, les embrithopodes, que l’on a retrouvé ailleurs en Afrique (en Libye), mais aussi jusqu’en Turquie et en Roumanie, ce qui montre qu’il n’était pas vraiment propre à l’Afrique et aussi que des échanges fauniques limités ont dû être possibles entre ce continent et l’Asie au début du Tertiaire.
D’autres mammifères bien connus dans l’Oligocène d’Egypte sont les proboscidiens, dont on a vu qu’ils étaient présents sur ce continent depuis le Paléocène. Les gisements du Fayoum ont livré un représentant primitif du groupe, Moeritherium , dont certaines | incisives commençaient à se développer en défenses. Cet animal au corps allongé et bas sur pattes devait ressembler à un hippopotame et on lui attribue généralement des mœurs amphibies.
Des proboscidiens plus avancés sont aussi connus au Fayoum, avec les genres Palaeomastodon et Phiomia , qui possédaient une paire de défenses à la mâchoire supérieure et une autre à la mâchoire inférieure, et devaient être pourvus d’une courte trompe. Ces animaux annoncent les proboscidiens plus récents, tels que les vrais mastodontes, et témoignent de l’importance du continent africain pour l’évolution du groupe des éléphants, durant sa phase de relatif isolement du début du Tertiaire.
Un autre groupe important bien représenté dans l’Oligocène du Fayoum, et qui a beaucoup attiré l’at-tention des paléontologues, est celui des primates. Même si des primates anthropoïdes sont connus dès l’Eocène en Asie, comme on l’a vu, l’abondante faune oligocène d’Afrique nous renseigne sur les débuts de la radiation évolutive des « singes ».
L’Oligocène inférieur du Fayoum a livré notamment les genres Parapithecus, Oligopithecus et Propliopithecus. Dans l’Oligocène supérieur de la même région a été découvert Aegyptopithecus un primate de la taille d’un gibbon qui a été interprété comme un représentant primitif du groupe des « grands singes ».
D’un point de vue paléogéographique, il est intéressant de rappeler qu’à l’Oligocène la mer Rouge n’était pas encore ouverte, et que la péninsule Arabique faisait donc géographiquement partie de l’Afrique. Rien d’étonnant donc à ce que de récentes expéditions françaises au sultanat d’Oman y aient découvert, dans l’Oligocène, une faune rappelant beaucoup celle du Fayoum, avec notamment des primates très proches de ceux d’Egypte.
L’Afrique au sens large apparaît donc encore, à l’Oligocène, comme un continent plutôt isolé, sur lequel se développent des groupes de mammifères qui joueront plus tard un rôle important non seulement dans cette région, mais dans beaucoup d’autres parties du monde.
L’Europe
A la fin de l’Eocène, comme on l’a vu, l’Europe était devenue une sorte d’archipel isolé des continents voisins par divers bras de mer et sur lequel évoluait une faune particulière. Cette dernière avait eu, au début de cette période, de profondes affinités avec celle d’Amérique du Nord, mais il n’y avait plus, depuis, de connexions entre les deux continents.
Le début de l’Oligocène est marqué en Europe par un changement faunique très profond dont les causes sont multiples.
D’une part, des modifications climatiques, survenues en plusieurs étapes au cours de l’Eocène supérieur et conduisant à un climat plus frais et plus sec, ont transformé l’environnement et provoqué des extinctions (comme par exemple celle des primitifs présents jusque- là en Europe) et remplacements au sein de sa faune.
D’autre part, un facteur important d’ordre géographique, à savoir le rétablissement de liaisons terrestres entre l’Europe occidentale et l’Asie à la limite Eocène- Oligocène, du fait d’une baisse du niveau des mers et de mouvements tectoniques dans les régions alpines. Ce phénomène a permis l’immigration en Europe de nombreux animaux d’origine asiatique, qui ont soit rempli des niches écologiques laissées vacantes par les extinctions de la fin de l’Eocène, soit remplacé des espèces propres à l’Europe. L’importance de cet événement faunique a été reconnue depuis longtemps et, au début du vingtième siècle, le paléontologue suisse Stehlin lui attribua le nom de « Grande Coupure », qui est pour le moins éloquent.
Parmi les immigrants qui arrivent en Europe au début de l’Oligocène figurent de grands herbivores comme les rhinocéros et les entélodontes, sortes de phacochères géants, ainsi que des cervidés primitifs. Mais on constate aussi des changements notables parmi les carnivores, ou parmi les petits mammifères tels que les rongeurs, ainsi que chez les amphibiens et reptiles.
L’immigration en Europe des nouveaux venus semble s’être faite via la région de l’Asie Mineure et des Balkans, qui n’était pas en contact direct avec l’Europe occidentale à l’Eocène supérieur; on y a trouvé des restes de mammifères proches des immigrants de la « Grande Coupure ».
La formation une nouvelle fois d’une Eurasie, au début de l’Oligocène, se traduit donc très clairement dans la composition des faunes européennes de vertébrés.
L’Asie
La faune de vertébrés terrestres de l’Oligocène asiatique est assez bien connue grâce à de nombreux gisements, notamment en Mongolie et en Chine. Comme on l’a vu, la faune asiatique fut à l’origine des immigrants parvenus en Europe au moment de la « Grande Coupure» du début de l’oligocéne. Par ailleurs, des possibilités d’échanges fauniques avec l’Amérique du Nord, via la région du détroit de Béring, subsistaient, au moins de façon intermittente. Il n’est donc pas surprenant de trouver des groupes de mammifères communs à l’Asie et au continent nord-américain durant l’Oligocène. On peut citer les titanothères (ou brontothères), ces périssodactyles de grande taille, dont les représentants les plus évolués, tel Brontotherium gigas, possédaient un museau orné d’une forte « fourche » osseuse, ressemblant extérieurement à des rhinocéros, et aussi les rhinocéros, qui connurent une diversification considérable à l’oligocéne.
Parmi les plus remarquables des rhinocéros oligocènes d’Asie figure Indricothérium (parfois aussi appelé Baluchithérium), connu dans toute l’Asie centrale, du Caucase au Baluchistan et à la Chine. Ce rhinocéros au long cou et dépourvu de corne était d’une taille gigantesque, puisqu’il pouvait atteindre plus de cinq mètres au garrot. Il dépassait nettement les plus gros éléphants et l’on considère qu’il s’agit du plus grand mammifère terrestre connu.
L’Amérique du nord
Isolée de l’Amérique du Sud comme de l’Europe à roligocéne, l’Amérique du Nord ne pouvait avoir d’échanges fauniques qu’avec l’Asie.
Parmi les groupes communs aux deux continents à cette époque figurent, on l’a vu les rhinocéros. Si les gigantesques indricothères étaient absents du continent nord-américain, on y trouvait, comme en Asie, des amy- nodontes, c’est-à-dire des rhinocéros semi-aquatiques, sans corne, et ressemblant par ses proportions à l’hippopotame. Le cas des titanothères a déjà été mentionné.
Un groupe de périssodactyles important n’était plus représenté qu’en Amérique du Nord à FOligocène : il s’agit des équidés. Les équidés européens, qui s’étaient diversifiés durant l’Eocène, avec notamment les paléothères, avaient fini par s’y éteindre, eux aussi victimes de la « Grande Coupure ». Cependant, en Amérique du Nord, la famille persista avec en particulier durant l’Oligocène les genres Mesohippus et Miohippus, sortes de chevaux miniatures à trois doigts.
Chez les artiodactyles, on trouve dès l’Oligocène en Amérique du Nord des représentants des pécaris, en plus des entélodontes, ou « phacochères géants ». Mais parmi les ongulés les plus florissants sur ce continent, à l’Oligocène, figure un groupe d’artiodactyles qui lui est propre, les oréodontes, animaux de la taille d’un porc, dont on trouve les restes en très grande abondance dans les « badlands » du Dakota du Sud. Ces animaux, aujourd’hui complètement éteints, vivaient probablement en grands troupeaux.