Méditerranée : Israël et les Arabes
Dans le monde méditerranée
Les immigrants venus d’Europe de l’Est, que la marine britannique avait empêchés d’entrer en Palestine entre 1945 à 1948, furent rejoints par des centaines de milliers de réfugiés des pays arabes voisins, où la naissance de l’Etat juif entraîna des représailles à l’encontre des communautés israélites établies dans la région depuis deux mille ans. Nasser ne s’en prit pas uniquement aux juifs d’Egypte, mais aussi aux Italiens, aux Grecs et aux autres ressortissants non arabes. Il paraît-difficile de parler d’« étrangers » dans le cas de groupes qui vivaient dans la région depuis aussi longtemps. C’est pourtant ainsi qu’ils furent présentés. Les juifs quittèrent la Syrie, l’Irak et le Yémen pour rejoindre Israël. Cette immigration inattendue conféra au nouvel Etat un caractère différent de celui qu’avaient imaginé les pères fondateurs, pour la plupart des Ashkénazes. Le retour à la terre et les kibboutz, avec leurs principes de vie égalitaires et leurs conceptions novatrices en matière d’organisation du travail, constituaient l’assise du sionisme des débuts.
Ces idées eurent un impact politique et économique considérable. En effet, le kibboutz forma la première génération des soldats et des politiciens israéliens en outre les techniques agricoles développées par les agronomes parvinrent à fertiliser le désert. L’intégration de juifs orientaux dans la société israélienne exigea de leur part une adaptation à une culture occidentalisée et partiellement laïque, attitude qui suscita l’hostilité de certains immigrants. La tension fut exacerbée par l’émigration de l’élite sépharade vers la France et le Québec. Son départ priva de nombreux juifs maghrébins installés en Israël du leadership dont disposaient les autres communautés, occidentales et orientales. Cette situation engendra des problèmes sociaux qui mortifièrent les fondateurs les plus idéalistes de l’Etat hébreu.
La présence de l’État hébreu bouleversa la vie politique de la Méditerranée levantine. Depuis 1948, la question du droit à l’existence d’Israël domine le débat dans la région. Dès sa création, l’État juif fut reconnu par les États-Unis et par l’URSS, bien que Staline ait très vite décrété que les kibboutz n’avaient rien à voir avec son socialisme. Plus tard, les dirigeants soviétiques apportèrent un soutien indéfectible aux pays voisins d’Israël. À l’inverse de la France ou de la Grande- Bretagne, l’Union soviétique ne s’opposa pas à la nationalisation du canal de Suez par Nasser. La crise de Suez, en 1956, n’en fut pas moins humiliante pour l’Egypte dans la mesure où l’armée israélienne réussit à occuper la totalité du Sinaï. Le Premier ministre britannique, Sir Anthony Eden, ne comptait pas parmi les supporters de l’État hébreu, mais il était convaincu que Nasser était une sorte d’Hitler, et son obsession du canal de Suez l’empêcha de prendre conscience du nouvel état du monde : l’accès à l’Inde via le canal n’était plus vital pour l’Angleterre puisque l’ancienne colonie avait accédé à l’indépendance. En outre-, avec l’avènement de l’aviation commerciale (le premier Commet de Haviland décolla en 1952), il devenait plus facile de se rendre dans les territoires les plus éloignés du Commonwealth. Après 1967, le canal fut fermé pendant plus de douze ans sans que le commerce britannique en pâtît.
L’instauration d’une zone d’influence soviétique au Moyen-Orient fit planer une nouvelle menace. Les Américains étaient perçus de plus en plus nettement comme les défenseurs capitalistes et impérialistes de l’État colonial israélien. Cette interprétation était encouragée par la presse arabe et soviétique qui donnait libre cours à des arguments antisémites parfois directement empruntés à la propagande nazie. L’URSS en profita pour se substituer aux États-Unis en finançant le grand projet de construction du barrage d’Assouan. L’Egypte se fit le champion de l’unité arabe. Se présentant comme le leader du monde arabe, Nasser harcela Israël. En 1967, il bloqua le détroit de Tiran, coupant l’accès à la mer Rouge aux convois israéliens. Le blocus conduisit à la guerre des Six Jours, au terme de laquelle Nasser perdit le Sinaï et fut obligé de démissionner temporairement. Au même moment, Israël prit le Golan à la Syrie et annexa la Cisjordanie ainsi que Jérusalem-est.
Le monde arabe vécut ces conquêtes comme une grave humiliation. En réaction, il décida de refuser catégoriquement toute négociation avec Israël et exigea de l’État juif qu’il cède les territoires occupés en échange de la paix. Selon le mot d’un politicien israélien, « les Arabes n’ont jamais perdu une occasion de perdre une occasion ». La guerre du Kippour, au cours de laquelle l’Egypte tenta en 1973 de récupérer le Sinaï, aboutit à une impasse mais permit à long terme au président égyptien Sadate et au gouvernement conservateur de Menahem Begin d’entamer des négociations de paix. L’Egypte récupéra le Sinaï en 1982 et les deux pays procédèrent à un échange d’ambassades. Les États-Unis accordèrent un soutien financier aux deux camps afin de soutenir le processus de paix. Mais pendant des années on n’enregistra aucun progrès significatif sur la question de la Cisjordanie, pas plus que sur celle du Golan.
Au moment de la guerre des Six Jours, on assista à une tentative pour créer une entité arabe unique : la Syrie fusionna officiellement avec l’Egypte pour donner naissance à la « République arabe unie », qui vécut de 1958 à 1961. Des pressions politiques et économiques coupèrent court à cette union. D’autres plans semblables virent le jour, sans la moindre chance de se réaliser. Aucun dirigeant arabe ne souhaitait réellement s’associer à l’intrépide « Jamahiriya arabe libyenne populaire », fondée en 1969 par le colonel Kadhafi. Néanmoins, toutes sortes de traités furent signés dans ce sens. La « révolution verte » libyenne, cocktail de socialisme, d’écologie et d’islam, ne fit que révéler davantage le manque d’unité entre les nations arabes.
Le maître de Tripoli interdit le recours à une langue autre que l’arabe en public. Il imposa des restrictions à la vie hédoniste que menaient nombre de ses compatriotes enrichis depuis le boom pétrolier intervenu sous le règne du roi Idris. Tout cela pourrait sembler dérisoire si Kadhafi ne s’était pas fait le chantre du terrorisme international. Ce n’est qu’en 2000 qu’il sentit la nécessité d’adopter une politique plus coopérative dans l’intérêt de son propre pays. Les événements sanglants survenus en Algérie dans les années-1990, qui firent plus de cent mille victimes, et où les partis islamistes et kabyles, ainsi que des groupes armés, défièrent le régime en place, l’ont probablement incité à infléchir sa politique.
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