Méditerranée : Le cadre naturel
Conjuguées à un relief accidenté, des données géologiques et culturelles très diversifiées confèrent à chaque région méditerranéenne une originalité marquée. Ainsi les îles ne sont-elles pas de simples annexes du continent. La Crète, longue de deux cent cinquante kilomètres et large de cinquante, est à elle seule un continent miniature, avec ses chaînes alpines, ses déserts, ses jungles, ses terres gelées, ses gorges tropicales, sa faune endémique — en grande partie éteinte — et sa flore originale. Cette autonomie se vérifie sur le plan culturel : du fait de ses côtes dangereuses, autrefois infestées de pirates, la Crète a traversé le temps repliée sur elle-même. De même, en Sardaigne, la civilisation du Bronze a semé dans les montagnes des milliers de tours massives, les nuraghi, qui n’ont d’équivalent nulle part ailleurs, pas même en Corse. Les paysages de ces deux îles, créés de main d’homme, sont restés très différents jusqu’à notre époque.
Le pourtour de la Méditerranée se présente à l’heure actuelle sous un jour qui ne rend que très imparfaitement compte de son passé. En Europe, les populations ont quitté les hauts pays pour se concentrer dans les villes et sur le littoral, naguère peu accueillant et souvent même malsain. Ce phénomène est lié à la mécanisation de l’agriculture, qui favorise les plaines, où tracteurs et bulldozers peuvent manœuvrer facilement. En même temps qu’elle a généralisé l’irrigation, multiplié les cultures sous serres, imposé l’aménagement de retenues sur la plupart des cours d’eau, l’agriculture intensive a provoqué la déprise de l’ancien espace agricole. Les terres escarpées, autrefois cultivées en terrasses, ont été reconverties en pâturages ou rendues à la forêt.
A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, l’intégration progressive de ces territoires dans l’économie globale avait déjà profondément bouleversé les paysages traditionnels. Une première phase de mécanisation, où les engins à vapeur, mais aussi les bêtes de bât, les moulins à vent, les bateaux à voiles, jouèrent un rôle, fixa dans les campagnes une main-d’œuvre nombreuse : jamais ces régions n’avaient été aussi peuplées. L’Afrique et l’Asie méditerranéennes en sont d’ailleurs pour l’essentiel restées à ce stade : la pression démographique ne cesse d’augmenter et l’agriculture traditionnelle y atteint ses limites.
Un climat qui n’a pas toujours été ce qu’il est
Le climat méditerranéen est très irrégulier. En toute saison, les précipitations peuvent varier du simple au triple. Certaines régions de montagne sont particulièrement exposées aux pluies diluviennes. Le cas de l’Aigoual, dans les Cévennes, est bien connu : il y pleut parfois plus en deux jours qu’en six mois d’une année normale.
Ces épisodes de climat instable sont connus tant par les anciennes chroniques que grâce aux traces diverses qu’ils ont laissées. Nous avons par ailleurs de bonnes raisons de penser que des périodes plus anciennes ont également été caractérisées par des pluies importantes, notamment en 1600 av. J.-C. ou vers l’an 700. Les instruments de mesure dont nous disposons à présent montrent que les cent quatre-vingts dernières années ont constitué une période de stabilité climatique comparable à celle qui avait accompagné l’épanouissement de la civilisation romaine.
Dans tout le domaine méditerranéen, les cours d’eau n’affichent leur débit normal que pendant la saison humide. Dans les zones les plus arides, ils ne sont alimentés que quelques jours par an, ou bien une année sur deux. Rivières et fleuves pérennes, comme le Rhône, sont exogènes : leurs sources sont situées hors du domaine méditerranéen. Lors du « petit âge glaciaire », ils ont sans doute été plus nombreux. De nos jours, à l’inverse, l’irrigation intensive et les barrages ont asséché nombre de rivières et de sources.
Une géologie tourmentée
Sur le plan géologique, la région est une zone de hautes turbulences : la fracture méditerranéenne marque le point où les plaques eurasiatique et africaine entrent en collision, se froissent et se fragmentent. Les montagnes jeunes, de type alpin, dessinent un arc continu du Maroc aux confins de la Turquie, en passant par les Pyrénées et les Alpes, D’autres plissements ont donné naissance aux massifs montagneux d’Espagne, d’Italie et de Grèce, aux volcans de Sicile et aux îles de la mer Egée. La Méditerranée elle-même est tout ce qui reste d’un océan de l’ère tertiaire — voilà soixante-dix millions d’années.
Les mouvements tectoniques, surrections et dépressions locales, provoquent les tremblements de terre qui affectent une bonne partie de l’aire méditerranéenne. De tous les types d’érosion qui ont modelé ses paysages, il s’agit là — après l’action du vent — du plus puissant.
La roche la plus commune est le calcaire dans ses différentes variétés, qui donnent lieu à des paysages étonnamment variés. Dans les plaines, le sol est composé de sédiments produits lors des premières phases de l’orogenèse. Les roches ignées et métamorphiques du paléozoïque sont concentrées dans certaines zones touchées par les bouleversements tectoniques du Tertiaire, tel le centre de l’Espagne, de la Sardaigne, de la Libye et de l’Egypte. Les sols résultent, d’une part, de l’usure du socle rocheux ou de l’émiettement de roches de surface aujourd’hui disparues, d’autre part, de matériaux apportés par l’eau et le vent, cendres volcaniques et poussière du Sahara. Les dépôts glaciaires sont insignifiants. Là où ces différents composants, mêlés par les processus d’érosion, se sont accumulés, ils ont rendu possible l’agriculture.
Le couvert végétal dépend à la fois du volume des précipitations, de la capacité du sol à retenir l’eau et de la possibilité pour les racines de pénétrer la roche. Parmi les déserts qu’abrite le bassin méditerranéen, souvent peu étendus mais remarquables par leur étrange beauté, certains se situent dans des régions où les pluies sont très rares, comme dans le sud-est de l’Espagne ou de la Crète, d’autres là où la nature de la roche lui interdit de retenir l’eau — c’est le cas du désert alpin de l’est de la Crète —, d’autres enfin sont liés à la faible pénétration des racines dans le sol. Le calcaire dur, comme les formations que les géologues nomment le « conglomérat », peut être à l’origine d’étendues désertiques d’un blanc ou d’un rose éclatants. Au demeurant, même sur les calcaires tendres, comme les marnes du centre de la Crète, la végétation apparaît souvent pauvre.
Là où fissures et failles, peu à peu élargies, ont permis à la pluie de pénétrer la roche et de la dissoudre, certains types de calcaire ont formé du karst. Les paysages karstiques sont souvent bien pourvus en végétation. Dans les cuvettes, la terre est même cultivable. Ces formations abritent en outre des cavités qui se sont révélées être d’importants sites préhistoriques.Dernier type de paysage méditerranéen, les bad-lands sont des collines creusées de ravins, qui font la transition entre la haute montagne et les plaines. Modelés dans certains dépôts sédimentaires, en particulier l’argile, par le ruissellement des eaux de pluie et les rivières, ils ont joué un rôle important dans l’histoire des hommes, de la Préhistoire aux Temps modernes.
Des rivages toujours en mutation
La Méditerranée communique avec l’Atlantique depuis au moins cinq millions d’années. Les eaux océaniques qui s’y déversent en surface compensent une évaporation supérieure aux apports d’eau douce. Les détroits du Bosphore et des Dardanelles, qui assurent la communication avec la mer Noire, ont été, quant à eux, creusés par des effondrements qui remontent à l’Holocène.
Les côtes sont également touchées par les événements tectoniques. Ainsi, au VIe siècle, la partie occidentale de la Crète s’est-elle brusquement soulevée de neuf mètres tandis que sa partie orientale s’affaissait. Par ailleurs, les deltas des grands fleuves, tels ceux du Nil, du Rhône et du Pô, ont tendance à s’affaisser. Entre l’affaiblissement progressif des deltas, les apports sédimentaires et les mouvements tectoniques, l’équilibre est fragile, et souvent rompu. Un exemple fameux est celui du défilé des Thermopyles, dans le golfe de Lamia, en Grèce, site de batailles célèbres de l’Antiquité, dont la topographie s’est trouvée totalement bouleversée depuis.
Les rivages méditerranéens ont récemment reculé en beaucoup d’endroits à cause de la multiplication des barrages, qui piègent les sédiments au niveau des retenues. De formation récente à l’échelle géologique, les deltas pourraient ainsi bientôt disparaître.
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