Naissance et confrontation d'un monde bipolaire (1945-1955)
Le monde qui naît à la suite de la Seconde Guerre mondiale est profondément différent de celui d’avant guerre.Sur le plan des relations internationales en particulier, cette période marque une césure capitale dans l’histoire de l’humanité. C’est la fin de la prépondérance européenne. L’ère des superpuissances commence.
La puissance se déplace du Vieux Monde vers les mondes extra-européens. Certes, dès la Grande Guerre, cette dérive s’était amorcée. La Seconde Guerre « mondiale » a d’abord été une guerre européenne. Ruinée, dévastée, l’Europe est hors d’état de jouer le rôle prééminent qui était le sien. Les Etats qui se disputaient la primauté en Europe et dans le monde, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, qu’ils sortent vainqueurs ou vaincus, ne sont plus des puissances. Les nouveaux Grands, les vrais vainqueurs, sont les États-Unis d’Amérique et la Russie soviétique. En 1945, leur suprématie se mesure à la dissémination de leurs forces sur le globe. Les Américains sont partout, en Europe comme en Asie ; les Russes en Europe orientale, en Extrême-Orient. Pour un grand nombre d’habitants de la planète, Américains et Russes deviennent des modèles.
Le changement des pôles de la vie internationale par rapport à l’avant-guerre constitue, à l’évidence, un bouleversement; mais la transformation va plus loin. Elle concerne la nature même des rapports de force. Les grandes puissances européennes étaient des États moyens par leur population, leur superficie et leurs ressources. Les nouvelles grandes puissances sont des États géants.
De plus, plusieurs pays d’Europe avaient trouvé dans l’expansion coloniale un prolongement qui faisait d’eux non seulement des puissances mondiales, mais aussi des États plus riches et plus peuplés. La guerre fait perdre à l’Europe son prestige auprès des peuples coloniaux et relance les mouvements d’émancipation qui existaient çà et là.
An concert européen succède un directoire des<< trois grands>>, Américains, Anglais et Russes qui renforcent leur concertation a partir de 1943 ‘et vont régler le sort du monde d’après-guerre par les conférences de Yalta et de Potsdam. Mais l’alliance étroite de la guerre fait place à la méfiance de l’immédiat après-guerre et à la confrontation brutale. Ce n’est pas un monde uni qui sort de la guerre, c’est un monde bipolaire.
La paix manquée (1945-1947):
Après six années de guerre, les Alliés veulent perpétuer la solidarité entre les «Nations unies », régler les questions nées du conflit et assurer la paix du monde par la création d’un organisme international. Mais la naissance d’une nouvelle hiérarchie mondiale ne signifie pas pour autant le retour à la paix, car si la grande alliance américano-soviétique permet certaines décisions communes, elle cède bientôt à la méfiance.
Une nouvelle organisation mondiale:
Il s’agit de créer un organisme en profitant de l’expérience de la Société des Nations (SDN), qui avait échoué dans sa mission au cours de l’entre-deux- guerres. Dans la charte de l’Atlantique (14 août 1941), le président américain, F.D. Roosevelt, avait esquissé les principes fondamentaux d’un nouvel ordre international. Le 1er janvier 1942, à Washington, une vingtaine de dirigeants, dont Churchill et Roosevelt, adoptent une déclaration aux termes de laquelle les « Nations unies » s’engagent à mettre en place, sitôt la guerre finie contre l’Axe, un système de paix et de sécurité. A la conférence de Moscou (19-30 octobre 1943), les représentants de la Grande-Bretagne, des États-Unis, de la Chine et de l’URSS proclament la nécessité d’établir aussitôt que possible « une organisation générale fondée sur le principe d’une égale souveraineté de tous les Etats pacifiques ». Lors de la conférence de Téhéran (8 novembre- 2 décembre 1943), les trois Grands -Churchill, Roosevelt et Staline- conviennent de mettre sur pied cette organisation, ce qui est fait par des experts à la conférence de Dumbarton Oaks (septembre-octobre 1944).
Quatre mois plus tard, à la conférence de Yalta (4-11 février 1945), Churchill, Roosevelt et Staline résolvent certaines questions épineuses, comme celle de la représentation de l’URSS. Celle-ci, prétextant que l’Empire britannique avec les dominions (comme le Canada, l’Australie, etc.) constitue une entité unique dont néanmoins chacun des États est membre à part entière, veut avoir autant de sièges dans la nouvelle organisation qu’il y a de Républiques fédérées, c’est-à-dire 15 ; en fait, elle en obtient 3 : pour la Fédération, l’Ukraine et la Biélorussie (ou Russie blanche). Les trois Grands conviennent de tenir une conférence constitutive de l’Organisation des Nations unies à San Francisco en avril-juin 1945.
La création de l’ONU:
L’ONU est définitivement fondée par la charte de San Francisco, signée le 26 juin 1945 par cinquante États, où transparaissent les préoccupations de ses créateurs. Il s’agit de créer une organisation efficace, réellement représentative et dotée de larges compétences.
À Yalta, les trois Grands ont introduit dans le projet les dispositions qui garantissent le maintien de leur prééminence. La Société des Nations était paralysée par le principe d’unanimité. La nouvelle organisation doit être dirigée par un directoire de grandes puissances, membres permanents du Conseil de sécurité et disposant d’un droit de veto (États-Unis, URSS, Royaume-Uni, Chine, France). L’Assemblée générale incarne la démocratie à l’échelle internationale, limitée par l’exercice du pouvoir des membres permanents à condition qu’ils restent solidaires ou qu’ils aboutissent à un compromis.
Sa paralysie:
Très vite, cependant, la rupture du front des vainqueurs paralyse le fonctionnement de l’ONU. Le 19 janvier 1946, la Grande-Bretagne et les États- Unis soutiennent une plainte adressée au Conseil de sécurité par le gouvernement iranien contre l’URSS qui continue d’occuper l’Azerbaïdjan iranien, en contradiction avec tous ses engagements.
A la Commission de l’énergie atomique de l’ONU, créée le 14 janvier 1946 les États-Unis présentent le plan Baruch qui propose de remettre à un organisme international l’autorité pour le développement atomique, la propriété des mines d’uranium et la mise en place d’un contrôle efficace, préalable l’arrêt de la production de bombes. Les Soviétiques repoussent le projet et préconisent l’interdiction de l’usage de l’énergie atomique à des fins militaires et la destruction des bombes existantes. L’atmosphère est d’autant plus lourde que les affaires d’espionnage entretiennent une vive méfiance.