Un Proche-Orient instable
Le Proche-Orient continue d’être une région fragile et troublée, confrontée à de multiples facteurs d’instabilité : baisse des revenus due aux fluctuations du prix du pétrole, accroissement démographique, faiblesse des structures étatiques, surarmement, terrorisme et montée de l’intégrisme islamique.
Endémique depuis les années 1960, le terrorisme s’est aggravé dans les années 1980. Il frappe le Liban, en particulier en 1983, et d’autres pays du Proche-Orient, s’attaque aux moyens de transport (détournement du Boeing de la TWA en juin 1985, de Y Achille Lauro en octobre 1985, nombreux actes de piraterie en 1986) et aux capitales d’Europe occidentale, à Vienne (décembre 1985), à Berlin (avril 1986), à Rome et à Paris (septembre 1986). Les acteurs sont de petits groupes autonomes en théorie, mais qui à l’occasion se muent en prestataires de service pour des Etats – Libye, Syrie, Iran – qui s’en servent comme d’un instrument politique.
Face à cette nouvelle situation, les grandes puissances font preuve de circonspection. L’Union soviétique abandonne sa politique de soutien à tous les extrémismes et s’efforce même de renouer avec Israël. Les Etats-Unis décident de se désengager du Liban. Mais ils n’entendent pas rester sans réaction face au terrorisme, comme l’attestent l’arraisonnement par la chasse américaine de l’avion transportant les pirates de VAchille Lauro, le raid sur Tripoli et Benghazi en avril 1986 et la destruction de deux Migs 23 libyens (janvier 1989).
Au Liban, après le départ de la force d’interposition en février 1984 et le retrait israélien du sud du pays, on assiste au retour en force (juillet 1986) des Syriens qui avaient dû évacuer Beyrouth en août 1982. Le Liban s’enfonce dans les luttes confessionnelles entre sunnites et chiites et devient un enjeu entre la Syrie et l’Iran, par milices interposées. A l’expiration du mandat d’Aminé Gemayel, en septembre 1988, la situation devient inextricable, les Syriens, qui veulent empêcher la reconstitution d’un véritable État libanais, s’imposent par des bombardements intensifs de Beyrouth-Est. Après six mois de combat, le cessez-le-feu intervient (22 septembre 1989). Par l’accord de Taëf (22 octobre 1989), la Syrie se voit reconnaître son rôle et sa présence au Liban par les pays arabes. Cet accord cautionné par les grandes puissances permet l’élection d’un nouveau président de la République libanaise (novembre 1989), au grand désarroi des chrétiens divisés quant à l’attitude à adopter. La signature d’un traité syro-libanais (22 mai 1991) consacre le rôle prépondérant de la Syrie au Liban.
Espoir de paix dans le conflit israélo-arabe. Jusqu’en 1993, le problème palestinien s’aggrave en raison de l’immobilisme de la politique israélienne et de la radicalisation de l’opposition palestinienne. Une révolte naît en décembre 1987 et gagne en profondeur les territoires occupés : c’est YIntiada. Par la répression qu’elle provoque, elle suscite un trouble profond dans la société israélienne et accentue l’internationalisation du problème palestinien.
L’OLP, qui était affaiblie et en perte de vitesse, en retrouve une nouvelle vigueur (sommet de la Ligue arabe à Alger, 7-9 mai 1988), comme le montre l’invitation adressée à Yasser Arafat à se rendre au Parlement européen à Strasbourg (13-14 septembre 1988). Le 15 novembre 1988, le Conseil national palestinien proclame la création d’un État palestinien en acceptant la Résolution 242 (adoptée après la guerre des Six Jours) et reconnaît implicite¬ment l’existence d’Israël. On observe des modifications significatives du rôle des grandes puissances. Depuis l’arrivée de M. Gorbatchev au pouvoir, l’URSS s’efforce d’ouvrir son jeu vis-à-vis d’Israël. Une mission israélienne exploratoire est reçue à Moscou en juillet 1988 et les Juifs soviétiques sont autorisés à émigrer en Israël.
Quant aux Américains, ils annoncent le 14 décembre 1988 qu’ils sont prêts à ouvrir un dialogue substantiel avec les représentants de l’OLP. Des pour parlers ont lieu à Tunis. Mais, la longue crise gouvernementale israélienne (mars- juin 1990) et l’intransigeance du gouvernement Shamir empêchent tout progrès malgré les efforts égyptiens (plan Moubarak) et américains (plan Baker). Les affrontements sanglants, qui se multiplient, provoquent l’intervention du Conseil de sécurité qui vote une résolution sur la protection des Palestiniens dans les territoires occupés (20 décembre 1990). À la faveur de la guerre du Golfe et de la coalition anti-irakienne, le secrétaire au Département d’État, James Baker, rallie les principaux protagonistes à l’idée d’une conférence internationale sur le Proche-Orient. Coparrainée par les États-Unis et l’Union soviétique, la conférence de la paix, qui s’ouvre à Madrid le 30 octobre 1991, réunit pour la première fois Israël, ses voisins arabes et les Palestiniens. Après la victoire du parti travailliste aux élections législatives (23 juin 1992), le nouveau gouvernement israélien relance le processus de paix au Proche-Orient en admettant la validité partielle de la Résolution 242 et en annonçant un gel partiel des implantations juives dans les territoires occupés, où la tension reste vive.
A la suite de conversations secrètes entre Israël et l’OLP, un accord de reconnaissance mutuelle est signé officiellement à Washington le 13 septembre 1993. La « déclaration de principe sur les arrangements intérimaires d’autonomie » prévoit l’autonomie des territoires occupés et le retrait des forces israéliennes de la « bande de Gaza et de la zone de Jéricho d’abord ». L’autorité palestinienne s’y installe en mai 1994. Israël et la Jordanie signent un traité de paix (26-27 octobre 1994) et établissent des relations diplomatiques (novembre 1994).
La situation en Amérique centrale et en Amérique du Sud:
En Amérique centrale, si marquée par la guerre froide, la situation politique est apaisée. La guerre civile a cessé au Nicaragua, et au Salvador on célèbre la réconciliation nationale. Un peu partout, des élections libres se déroulent sans encombres. Sous l’impulsion du FMI, des réformes de structure commencent à avoir des effets sur la santé économique de pays comme l’Argentine et le Chili. Et des efforts d’unification économique régionale (MERCOSUR) aboutissent.
Le rôle de V Union soviétique y est profondément transformé. La visite que fait M. Gorbatchev à Cuba (avril 1989) ne permet apparemment pas de convaincre Fidel Castro des charmes de la perestroïka. Moscou prend ses distances, retire des troupes (été 1991) et ne lui fournit plus d’aide économique. Quant aux États-Unis, préoccupés au plus haut point par leur « arrière- cour », ils oscillent entre l’immobilisme (ou le multilatéralisme par OEA interposée) et l’interventionnisme, qui ne trouve plus sa justification dans le souci de protéger sa sécurité nationale, mais de combattre le fléau de la drogue.
Au Nicaragua, malgré l’opposition du Congrès, le président Reagan veut aider la rébellion anti sandiniste, les Contras. Des fonds leur sont illégalement versés (Irangate). Finalement l’administration décide de ne plus accorder d’aide militaire aux Contras (mars 1989), mais elle n’accepte pas non plus la poursuite des livraisons d’armes soviétiques aux sandinistes.
La démarche préconisée par les cinq chefs d’État d’Amérique centrale (7 août 1987) indique les voies à suivre : démocratisation, pacification, coopération régionale. Un accord de cessez-le-feu est conclu entre le président Ortega et les Contras (23 mars 1988). Des élections libres ont lieu en février 1990 avec le concours des casques Bleus et donnent, contre toute attente, la victoire à la candidate de l’Union nationale d’opposition, Violeta Chamorro, qui l’emporte sur le candidat sandiniste, le président sortant Ortega. Les Américains lèvent l’embargo. La Contra démobilise. Est-ce la fin de la guerre civile au Nicaragua ?
Au Panama, après deux années de pressions diplomatiques, les États-Unis lancent l’opération militaire « Juste Cause », le 20 décembre 1989, dans le but déclaré de restaurer le processus démocratique. En réalité, elle a pour mission de chasser du pouvoir et d’arrêter le général Noriega qui avait modifié les résultats des élections favorables à l’opposition (mai 1989). Le refus de Noriega de collaborer avec les États-Unis contre le régime sandiniste n’explique pas tout. Le contentieux entre les deux pays concerne la zone du canal de Panama, concédée à perpétuité aux États-Unis par le traité de 1903, où ceux-ci entretiennent 12 000 hommes et dont les accords signés (septembre 1977) entre Carter et le président panaméen Omar Torrijos prévoient la restitution à la république de Panama avant le 31 décembre 1999.
Au Salvador, le gouvernement et les rebelles signent (31 décembre 1991) un accord de cessez-le-feu mettant fin à une guerre civile qui a tué environ 90 000 personnes en douze ans : c’est la réconciliation nationale, scellée en décembre 1992 et contrôlée par une mission des Nations unies (ONUSAL).
En Haïti, l’exil de Jean-Claude Duvalier (1986) n’a permis au pays de retrouver ni la stabilité, ni la démocratie en raison du coup d’État militaire en septembre 1991. Les sanctions décidées par l’ONU, et les pressions exercées par les États-Unis finissent par faire céder la junte (septembre 1994) ; la présence des casques bleus, surtout américains, permet l’élection paisible du successeur du président Aristide.
Un autre aspect dans la recomposition de ce paysage mondial est le renouveau du rôle de l’ONU. Longtemps, l’organisation internationale a été tout à fait impuissante à faire respecter la paix et incapable de prévenir des conflits ; elle a obtenu des résultats minces dans le domaine du désarmement qui, au contraire, a progressé grâce aux négociations bilatérales américano-soviétiques. La coexistence, au sein des Nations unies, d’États énormes par leur superficie et leur population (comme la Chine et l’Inde) et de micro-États (Seychelles, Sao Tomé) aboutit à un éparpillement extraordinaire, renforcé par le principe d’égalité entre États aux contributions financières tout à fait inégales, les États-Unis assumant à eux seuls 25 % du budget de l’organisation.
C’est un forum universel de 185 États membres, qui reflète les tensions d’un monde multipolaire et qui sert de cadre à des négociations et des initiatives multiples. L’ONU est redevenue un lieu de dialogue et l’attribution du prix Nobel de la paix 1988 aux forces de l’ONU sanctionne un prestige retrouvé. Il est significatif que la fermeté manifestée lors de l’invasion du Koweit par l’Irak révèle en particulier une volonté nouvelle de faire respecter une certaine conception du droit international et de faire prévaloir le rôle des Nations unies. Celles-ci sont davantage sollicitées que par le passé dans le processus de résolution des conflits régionaux (accession de la Namibie à l’indépendance, règlement de l’affaire d’Angola, guerre du Golfe, administration du Cambodge pacifié, organisation du référendum au Sahara occidental, affaire du Kurdistan, Somalie, Yougoslavie). De 1988 à 1992, l’ONU a lancé autant d’opérations de maintien de la paix qu’au cours des quarante années précédentes. Quelque 80 000 Bérets bleus (observateurs non armés) et Casques bleus (soldats armés) servent sur tous les continents. L’ONU a néanmoins beaucoup de mal à participer à l’élaboration d’un nouvel ordre mondial.