Le Royaume-Uni change de visage et de profondeur
Le nouveau visage britannique est la conséquence de la remise en question de l’Etat-Providence et des dénationalisations. Est-il de moins en moins « uni » ?
L’« État-Providence » en question
Thatcher a en Grande-Bretagne et ailleurs opéré une « révolution conservais trice », non seulement en politique mais aussi dans le domaine social ; de plus, Thatcher vise l’aide sociale, souvent gérée par les pouvoirs locaux, qui sont souvent travaillistes, elle a la volonté de « casser » ce qu’elle appelle la « mentalité d’assistés », elle fait appel aux valeurs chrétiennes, revues par Adam Smith, et « à la charité privée, et enfin elle pense avoir le champ libre pour une entreprise progressive de démantèlement du système de protection sociale mis en place 8 après la Seconde Guerre mondiale. Le « thatchérisme » s’appelle donc ici limitais tion du minimum vieillesse garanti par l’État, réduction de l’allocation aux jeunes chômeurs, suppression des repas gratuits servis aux écoliers « indigents », création d’un « ticket modérateur » pour certaines prestations médicales, ce qui a mis fin au principe de la gratuité absolue des soins dans le cadre du National Health Service, réformé de façon à rogner un peu plus les ailes du public et à favoriser les cliniques privées.
Les dénationalisations
Afin de mettre fin aux monopoles et aux « rentes de situation » dont bénéficient les entreprises nationalisées, le gouvernement est allé de l’avant sur la voie de la dénationalisation, avec une véritable doctrine de la privatisation. BP (British Petroleum), British Aerospace, la BNOC, British National Oil Corporation, la plus grande entreprise de transports routiers, National Freight Co, Sealink, Jaguar, British Gaz, British Airways, Rover, la distribution de l’eau, sont, entre autres, dénationalisés en partie ou en totalité dans les années 80, avec tendance à vendre ce qui est intéressant dans les groupes (ex. : Jaguar au sein de British Leyland). En conséquence, l’Etat continue à devoir beaucoup renflouer ce qui reste du secteur nationalisé, et l’État n’est pas véritablement dégagé du secteur industriel, d’autant plus que la crise boursière de l’automne 1987 a provoqué l’échec de la privatisation totale de BP. Le 31 janvier 1994, Rover est racheté par BMW.
Un modèle britannique ?
Le Royaume-Uni est certes devenu la nation la plus dynamique d’Europe, depuis le début des années 80, en termes de croissance (3 % en moyenne) et de créations d’emplois, une révolution dans ce pays longtemps déclinant, mais avec un chômage important sur le long terme (1 million de chômeurs en 1979, forte augmentation jusqu’en 1983, avec 13 % de la population active), une forte sensibilité au niveau du dollar, une taille moyenne des entreprises insuffisante, le retour de l’inflation, le déséquilibre des balances du commerce extérieur, de fortes inégalités géographiques — le contraste Nord-Sud, qui n’est pas neuf, s’est accru — en matière de revenus, de types d’activités : le royaume est de moins en moins « uni » !
Le mouvement s’accompagne aussi d’inégalités sociales très fortes, que le gouvernement Thatcher tenta d’aggraver par la réforme fiscale de 1990, créant un impôt local (poil fax) en Angleterre et au Pays de Galles au 1er avril 1990, en copiant le système introduit à titre expérimental en Ecosse en 1989, soit un impôt égal pour tous, riches et pauvres, ce qui provoqua une véritable révolte des contribuables, avec des manifestations très violentes en mars 1990.
Les traits profonds de la Grande-Bretagne des années 90
La Grande-Bretagne des années 90 est dominée par des paysages de récession, économique, sociale et mentale, bien portés à l’écran dans le film de Mark Herman Les Virtuoses (1997), qui évoque Grimley, une petite ville minière du nord de l’Angleterre. « Pour les conservateurs britanniques, l’année 1992, qui fut celle d’une nouvelle victoire électorale, s’est achevée sur une succession de rebuffades [conclut Serge Halimi]. Confronté à des déficits record, le gouvernement de John Major a dû revoir en catastrophe ses grandes options monétaristes : la livre a été dévaluée de 15 % et la croissance est redevenue la priorité des
discours officiels. Mais l’annonce de la fermeture prochaine des mines de charbon a ruiné la crédibilité de Major et encouragé les syndicats à envisager une contre-attaque sociale. Mais le cas du charbon représente aussi un exemple des dysfonctionnements économiques et sociaux de la loi du marché.
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En effet, que faire des chômeurs dont le nombre ne cesse d’enfler à mesure que les entreprises réduisent leurs effectifs pour être plus “en forme et amincies” (fit and trim). Entre août 1990 et août 1992, le nombre officiel des chômeurs indemnisés a progressé de 1 300 000, pour atteindre 2 900 000. Ecouter les informations, c’est imaginer des secteurs économiques différents interpréter le scénario immuable des licenciements. La curée frappe désormais le sud du pays, les entreprises liées au secteur militaire et les industries de services de Londres. Les banques licencient, des avocats, des médecins se retrouvent au chômage, les sociétés de courtage informent leurs personnels qu’ils doivent aussitôt libérer leurs bureaux.
L’Etat n’est pas en reste. Le ministère du travail “dégraisse” 3 000 fonctionnaires, la Poste veut licencier 16 000 agents, le métro de Londres va supprimer le quart de ses emplois et, pour “ajuster les coûts à une baisse massive des recettes” due à la récession, British Rail parle d’éliminer 20 000 postes de travail. Chaque chômeur coûte 9 000 livres par an (76 500 F) au Trésor britannique en allocations déboursées et en impôts non perçus. Pour l’entreprise qui licencie, cette somme est une “externalité” sans grande importance : ce n’est pas elle mais la collectivité qui la paie. Annoncer des suppressions d’emplois peut même devenir une opération de promotion destinée aux actionnaires»
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