Le domaine agricole : champs et terrasses
Les systèmes d’aménagement des terres sont très variés. Beaucoup de champs irréguliers sont impossibles à dater. Des études ponctuelles révèlent que plusieurs types de parcelles ont pu se superposer, comme en Crète. Han«; la plaine de Frangokastello. La centuriation est le mode d’arpentage que pratiquaient les Romains : il consiste à tracer, sans tenir compte du relief, des champs de sept cent neuf mètres de côté, orientés nord-sud (avec parfois un angle de 45 degrés . Ce type de champ« subsiste encore dans les plaines du Pô, mais aussi dans les montagnes de Croatie. D’autres systèmes de carroyage, plus anciens ou plus récents que celui des Romains, ont eu cours en Méditerranée : celui de la plaine de la Basilicate, dans le sud de l’Italie, est dû aux colons grecs de l’époque classique ; celui qui quadrille la plaine de Lassithi, en Crète, est l’œuvre des Vénitiens.
Autre type de paysage organisé : les champs dessinés en longues lanières, répartis tout autour des villages. Il s est répandu dans toute l’Europe médiévale, peut-être à partir de l’Angleterre. La terre est divisée en parcelles, longues en principe de deux cents mètres et larges de cinquante, mais souvent plus vastes. Répartis entre différents propriétaires, ces champs s’ajoutaient aux communaux exploités collectivement. Ce système a été strictement appliqué en Sardaigne, où on le rencontre encore. Il s’est répandu sous diverses formes jusqu’en Grèce et en Crète.
Aux XIXe et XXesiècles, la réforme agraire donna aux planificateurs l’occasion de mettre en œuvre des théories rigides. Le principe des communaux ayant été déclaré obsolète, ces terres furent redistribuées. Sous prétexte de prévenir la malaria, les marais furent drainés, quoique l’expérience, tentée en Allemagne, se fût déjà soldée par un échec. L’Etat s’attribua les forêts, qui furent dès lors administrées comme un patrimoine national. Beaucoup de terres durent être réorganisées selon le modèle de la centuriation. Les systèmes écologiques traditionnels se trouvèrent marginalisés : les savanes, notamment, ne rentraient dans aucune catégorie admise. On n’accorda aucune attention aux réclamations des habitants. Ces réformes furent appliquées avec plus ou moins de rigueur selon les pays. Les pratiques antérieures se sont mieux maintenues en Espagne, en Crète ou en Corse qu’en Sardaigne ou en Italie.
Les champs en espaliers se sont multipliés un peu partout à la fin du XIXe siècle. Ils demeurent exemplaires des efforts considérables déployés par les hommes, génération après génération, pour améliorer le rendement agricole des terres méditerranéennes. Des efforts qu’il est devenu aujourd’hui difficile d évaluer à leur juste mesure.
Vivre en lieu sûr : l’habitat humain
Il n’est pas facile de déterminer le rôle joué par le milieu naturel dans la prospérité et le déclin des sociétés méditerranéennes. Les documents sur certains bouleversements manquent cruellement. Alors que les données archéologiques sont irréfutables, les sources écrites ne nous en apprennent pas plus sur la culture raffinée qui s’est développée en Crète à la fin de l’Empire romain, que sur la civilisation minoenne. Nous ne disposons également que de très rares documents écrits sur la magnifique floraison architecturale de l’Espagne romaine.
L’habitat humain peut prendre des formes très diverses. En Sardaigne, de petites villes se dressent au milieu de campagnes désertes. La Grèce est un pays de gros villages, alors qu’en Crète occidentale les hameaux sont minuscules. Certaines campagnes italiennes ne comprennent que des fermes isolées. Ces différences sont liées davantage à des facteurs culturels et sociaux qu’à l’environnement. Elles peuvent d’ailleurs évoluer selon des scénarios imprévisibles. À l’âge du fer, la Sardaigne était un pays de hameaux, comme la Corse de nos jours. Au Moyen Age, une partie de sa population a abandonné les petites agglomérations isolées pour se regrouper dans des bourgs ramassés autour d’un château — c’est l’incastellamento italien. De façon générale, les populations méditerranéennes veulent vivre près des sources. Elles répugnent à passer leur temps à transporter l’eau et, si les sources et les puits font défaut, les villageois creusent des citernes pour stocker l’eau de pluie.
Comme Xerxès et saint Paul l’ont vérifié à leurs dépens, la navigation est longtemps restée un mode de transport dangereux, à cause des tempêtes, des récifs et de la rareté des mouillages sûrs. À l’époque classique, les activités maritimes restent pratiquement au point mort la moitié de l’année. À la fin du Moyen Age, des progrès dans la conception des bateaux et des gréements permettent de réduire les risques.
La piraterie a longtemps constitué un danger, sur terre comme sur mer : les pirates sévissent pendant toute l’Antiquité, jusqu’à ce qu’enfin les Romains se décident à les éliminer. À dater de ce jour, la mer devient plus sûre durant presque un millénaire. Au Moyen Âge, chrétiens et musulmans s’affrontent en Méditerranée. Ils ressuscitent alors la piraterie sous la forme institutionnelle de la guerre de course : l’objectif est de piller la flotte adverse et de razzier les côtes placées sous domination ennemie. En Espagne, en Sardaigne, en Crète, les villageois désertent les rivages, sauf quand des villes fortifiées leur offrent la protection de leurs murs — lesquels ne se montrent d’ailleurs pas toujours efficaces. C’est au XIXe siècle seulement que les riverains se risquent à cultiver les plaines littorales et à reprendre le cabotage.
Vidéo : Le domaine agricole : champs et terrasses
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