L'Amérique latine, nouvel enjeu entre l'Est et l'Ouest
On pourrait imaginer une Amérique latine pacifique, éloignée des tensions internationales. Effectivement, en 1967, par le traité de Tlatelolco, on convient de la dénucléarisation de l’Amérique latine. Et les États-Unis, à la suite de l’accession de Fidel Castro au pouvoir à Cuba, semblent vouloir se préoccuper davantage de leur continent, mais 1’« Alliance pour le progrès », lancée par Kennedy en riposte au castrisme et aux risques de subversion en Amérique latine, échoue. Le Congrès des États-Unis, préoccupé par le déficit de la balance américaine des paiements, mesure chichement les crédits et les destine de préférence aux régimes les plus conservateurs.
De fait, l’Amérique latine est le théâtre de violents affrontements. Des forces révolutionnaires, confrontées à la misère de leurs pays, poussées par l’exemple cubain et bénéficiant parfois du soutien de certaines fractions de l’Église catholique, se lancent dans la lutte, en ayant recours à la violence.
Face à cette situation trouble, qui menace leur sphère d’influence traditionnelle, les États-Unis sont amenés à soutenir des dictatures comme celle de Duvalier à Haïti ou à intervenir, dans le but d’empêcher une subversion communiste. C’est ainsi qu’à la suite de graves incidents, les États-Unis inter¬viennent en avril 1965 pour rétablir l’ordre en République dominicaine. Le président Johnson entend montrer la détermination des États-Unis à défendre la région contre les tentatives de subversion.
Contrairement à l’objectif recherché, les sentiments anti américains se développent, ce qui favorise les entreprises castristes. Dans plusieurs États (Colombie, Bolivie, Pérou, Chili) naissent des foyers révolutionnaires.
En 1966, Fidel Castro réunit à La Havane la conférence dite « tricontinen- tale », pour créer une organisation de solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Et des leaders cubains, en particulier Che Guevara (tué en Bolivie en octobre 1967), s’engagent dans la guérilla.
Les coups d’État se succèdent, le plus retentissant étant celui du Chili en septembre 1973. L’avènement d’un régime socialiste, dont le président Salvador Allende, élu régulièrement en septembre 1970, perd rapidement l’appui des classes moyennes, aboutit à tendre les relations avec les États- Unis. Le 11 septembre 1973, un coup d’État militaire dirigé par le général Pinochet et soutenu par la CIA renverse le gouvernement de Salvador Allende et provoque sa mort.
Les suites de la décolonisation en Afrique:
Parce que leurs frontières sont un héritage de la colonisation, les États africains sont souvent des constructions artificielles, ne respectant pas l’unité des ethnies. Toute une série de conflits existent potentiellement. Ainsi la république de Somalie, créée en 1960 par la réunion de la Somalie britannique et de la Somalie italienne, revendique un territoire situé au sud-est de l’Éthiopie, l’Ogaden et l’ex-côte française des Somalis, devenue le territoire des Afars et des Issas, convoitée également par l’Éthiopie en raison de l’importance stratégique de Djibouti. Un autre conflit a opposé le Maroc à la république islamique de Mauritanie, devenue indépendante en 1960, et que le royaume chérifien prétendait annexer. Le conflit s’est apaisé, et le Maroc a fini par reconnaître la Mauritanie en 1969, mais les deux États ont des prétentions sur le Sahara espagnol. Il y a également un conflit algéro-marocain, à propos du Sahara dont une partie est revendiquée par le Maroc. À la suite de l’indépendance de l’Algérie, qui se voit reconnaître par la France la souveraineté sur la totalité du Sahara, un bref conflit armé éclate en octobre 1963, sans aucun résultat. Mais depuis la crise du Congo, en 1961, se fait jour la conviction que toute modification des frontières risque d’avoir de graves répercussions dans l’Afrique entière et que la constitution d’États-nations, comme en Europe, pourrait être génératrice de graves troubles. Le principe d’intangibilité des frontières est donc adopté par l’Organisation de l’Unité africaine.
La guerre du Biafra est le plus grave conflit territorial de cette période en Afrique. Le Nigeria (928 000 km’, 55 millions d’habitants en 1963), territoire le plus riche d’Afrique occidentale, grâce notamment à ses ressources pétrolières, est devenu indépendant en 1960. C’est une Fédération dominée politiquement par les Haoussas et les Peuls, musulmans du Nord. Au Sud Est, les Ibos, chrétiens qui habitent en majorité le Biafra, supportent mal celle domination et la répression exercée à la suite de l’assassinat du Premier ministre, sir Abubakar Tafewa Balewa, le 17 janvier 1966, et de celui de son successeur le général Ironsi. La tension monte et aboutit à la proclamation, le 30 mai 1967, de l’indépendance du Biafra et à une guerre civile, puisque le gouvernement fédéral n’accepte pas la sécession de cette région riche en pétrole.
Le gouvernement nigérian, soutenu par la plupart des pays du Tiers Monde, soumet le Biafra à une guerre impitoyable. De son côté, le Biafra est isolé. Il ne réussit à obtenir la reconnaissance internationale que de quatre États africains et de Haïti. Les grandes puissances prennent elles aussi le parti du gouvernement fédéral. Invité à reconnaître le Biafra par certains États africains, le général de Gaulle se prononce pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; et la France ne manque pas d’encourager la sécession biafraise, de même que la Chine populaire ; mais ces appuis limités sont insuffisants à aider efficacement le Biafra qui, vaincu, dépose les armes en janvier 1970.
Le Proche-Orient d’une guerre à l’autre:
Le Proche-Orient est la région du monde la plus enfiévrée. Elle connaît des retournements de situation politique et deux guerres.
La guerre des Six Jours:
La guerre des Six Jours, en juin 1967, apporte à Israël le contrôle de la Cisjordanie et du Golan et crée des problèmes durables. Les Palestiniens affrontent F État hébreu et certains États arabes et n’hésitent pas à recourir au terrorisme international. En 1973, la guerre du Kippour va, par ses conséquences en matière énergétique, contribuer à bouleverser le cours de l’économie mondiale.
A la suite de ¡a crise de Suez (1956), les Casques bleus stationnent d’une part le long de la frontière israélo-égyptienne, du côté égyptien, d’autre part à Charm-el-Cheikh, position fortifiée à l’est du Sinaï dans le golfe d’Akaba proche du port israélien d’Eilat, le seul débouché d’Israël sur la mer Rouge. Cette paix instable voit se confirmer les positions des grandes puissances dans la région. L’Union soviétique renforce ses liens avec l’Égypte de Nasser, et les États-Unis remplacent la France dans son rôle de protecteur de F État d’Israël.
Le 18 mai 1967, Nasser demande au secrétaire général de l’ONU, U Thant, de retirer les forces de l’ONU du territoire égyptien – en particulier de Charm-el-Cheikh – et interdit aussitôt après le golfe d’Akaba à tout trafic israélien. Tandis que l’Égypte reçoit le soutien de l’URSS et des pays arabes (Syrie et Jordanie), le parti de la guerre l’emporte en Israël qui reçoit l’appui des États-Unis.
La guerre préventive, déclenchée le 5 juin par une attaque de l’aviation israélienne, se solde par une éclatante victoire d’Israël. L’armée israélienne fonce vers le Sinaï, s’emparant de Gaza à l’ouest et de Charm-el-Cheikh à l’est, s’installe sur la rive est du canal de Suez et lève le blocus du golfe d’Akaba. Dès le 7 juin commence une offensive vers le nord-est, la Cisjor¬danie et la vieille ville de Jérusalem, qui jusque-là faisait partie de la Jordanie. Les Israéliens prennent le plateau du Golan aux Syriens. Tant que le cessez- le-feu n’est pas accepté, les Israéliens continuent d’avancer ou de fortifier leurs positions le long du canal. L’Égypte se résigne au cessez-le-feu le 8 ; la Syrie, le 10. Au moment où se termine cette offensive, le territoire occupé par les Israéliens passe de 20 300 km2 à 102 400 km2. Dès le 23 juin, malgré l’opposition des Nations unies et des grandes puissances, le Parlement israélien annexe la partie arabe de Jérusalem.
Les négociations au sein et en marge des Nations unies aboutissent le 22 novembre 1967 au vote de la Résolution 242 des Nations unies qui stipule qu’Israël doit se retirer de tous les territoires occupés, selon le texte français, et de certains des territoires occupés, selon une interprétation de la version anglaise, et affirme le droit de chaque État de la région de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues.
Du point de vue israélien, la guerre des Six Jours est ambiguë, car elle se solde par une victoire mais elle pose à Israël le problème de savoir que faire des territoires occupés. Elle est humiliante pour les Arabes, qui entendent bien les récupérer.
Différentes voies sont explorées pour rechercher un règlement. Le général de Gaulle, qui a pris parti d’emblée contre l’agression israélienne et décidé du coup l’embargo sur les avions, puis sur les pièces de rechange, propose une concertation des quatre grandes puissances, idée rejetée à la fois par les Israéliens et par les Arabes. Les Nations unies décident d’envoyer un média¬teur, l’ambassadeur suédois Gunnar Jarring qui propose un plan comprenant le retrait des forces israéliennes, la fin de la belligérance, la liberté garantie de la navigation, y compris des navires israéliens sur le canal de Suez et dans le golfe d’Akaba, et enfin une solution apportée au problème des réfu¬giés palestiniens. En dépit de plusieurs années d’efforts, cette mission échoue en 1971.
Les Américains déploient une grande activité diplomatique car ils estiment que le déséquilibre en faveur d’Israël créé par la guerre des Six Jours est mauvais. Le secrétaire d’État William Rogers mène une négociation limitée pour aboutir à un véritable cessez-le-feu. En effet, de part et d’autre du canal de Suez, Égyptiens et Israéliens continuent une guerre d’usure : fusillades et opérations limitées. La mission Rogers permet la conclusion d’un accord de cessez-le-feu le 7 août 1970, prolongé jusqu’en mars 1971. Cet accord n’est pas renouvelé, mais les accrochages ont à peu près cessé. Il a fallu plus de trois ans pour qu’on aboutisse à un arrêt des combats après la guerre des Six Jours.
L’autre aspect de la politique américaine est la réglementation des ventes d’armes. Les Américains s’efforcent d’obtenir que l’on cesse la livraison d’armes, dans un camp ou dans l’autre et que dans le cas contraire, cela soit dans une perspective d’équilibre. Mais c’est sans grand succès. Ainsi, la France qui prétend ne pas envoyer d’armes dans les pays du champ de bataille (c’est-à-dire les pays limitrophes d’Israël) vend cent avions Mirage à la Libye, provoquant les protestations des États-Unis et l’indignation d’Israël qui fait état de l’utilisation par les Égyptiens de ces Mirage.
Aussi les Israéliens sollicitent-ils des armes américaines très modernes, notamment les avions Phantom, que les Américains ne leur fournissent qu’au compte-gouttes.