Les tensions en Asie du Sud-Est, en Amérique latine et au Proche-Orient
À la laveur de la crise économique, ce n’est pas seulement le dialogue entre les grandes puissances qui est perturbé. Frappé par le surendettement et une croissance démographique non contrôlée, le Tiers Monde aussi s’enfonce dans la guerre et la pauvreté. Contrairement à la période précédente, qui avait vu un relatif regroupement et une certaine solidarité des pays du Tiers Monde, la règle de F égoïsme national semble triompher. Le dialogue Nord-Sud déraille. Le monde arabe se déchire. L’Afrique craque de toutes parts. Et à la conférence des pays non alignés à La Havane (3-9 septembre 1979), le maréchal Tito s’oppose à Fidel Castro qui veut faire du mouvement une simple courroie de transmission des volontés soviétiques. Si l’Amérique a tendance à se replier sur elle-même, l’Union soviétique intervient partout soit directement, soit indirectement. Aux répercussions de leur confrontation s’ajoutent les conflits bilatéraux, que les grandes puissances n’arrivent plus à arrêter ni même à contrôler. Aux régions traditionnelles de tension : Proche-Orient, Asie du Sud-Est, Amérique latine, viennent s’ajouter de nouveaux terrains d’affrontement : océan Indien, Afrique et Pacifique.
Les troubles en Méditerranée et au Proche-Orient:
Permanence du rôle stratégique de la Méditerranée:
Si, du fait des fermetures du canal de Suez et de la construction de superpétroliers, la Méditerranée a vu son rôle diminuer sur le plan économique, en revanche son rôle stratégique demeure très important, et FUnion soviétique y a réussi une percée recherchée depuis toujours.
La Méditerranée draine le sixième du trafic général et le tiers du trafic pétrolier mondial. Elle est devenue un des points d’affrontement potentiel où se côtoient les forces des superpuissances.
Face à la sixième flotte américaine qui peut faire relâche un peu partout, une Hotte soviétique croise en Méditerranée et trouve des côtes accessibles en Algérie et en Syrie.
Pour compliquer les choses, les deux alliés orientaux de l’OTAN sont en conflit à propos de Chypre. Peuplée surtout de Grecs (80 %) et d’une minorité turque ( 18 %) et relevant de la souveraineté de l’Empire ottoman qui en cède l’administration à la Grande-Bretagne en 1878, l’île de Chypre, lieu privilégié de transit entre les différents rivages de la Méditerranée, a acquis une valeur stratégique nouvelle depuis l’ouverture du canal de Suez (1869). La_solution au problème de la cohabitation des populations grecque et turque dans l’île de Chypre ne pouvait être ni l’annexion du pays à la Grèce (l’Enosis), ni l’union à la Turquie. C’est un État indépendant et neutraliste, dirigé par Mgr Makarios, qui voit le jour le 16 août 1960, à la suite des accords de 1959. Sur fond de rivalité américano soviétique en Méditerranée orientale, de graves conflits opposent les deux communautés ( 1963, 1965, 1967) au point qu’une force des Nations unies (UNFICYP) y est présente depuis 1964. Peu après les incidents de novembre 1973, qui ébranlent la dictature des colonels (au pouvoir depuis 1967), le nouveau gouvernement grec téléguide un coup d’État contre Makarios le 15 juillet 1974 et y installe des dirigeants favorables à l’Enosis. Aussitôt, la Turquie décide d’intervenir et en août, les forces turques occupent approximativement 40 % du territoire dans le nord de l’île, ce qui provoque l’exode d’une partie de la population grecque vers le sud et une ligne de démarcation (« ligne verte ») sépare désormais une République turque de Chypre du Nord (proclamée en 1983) du reste de l’île. Une fois de plus, la Grèce et la Turquie sont en guerre ouverte, alors qu’elles sont toutes deux membres de l’Alliance atlantique, plaçant les États-Unis dans l’embarras de devoir choisir entre deux alliés. Sans sortir de l’Alliance, la Grèce quitte alors l’organisation militaire de l’OTAN, qu’elle réintègre en octobre 1980. Malgré les négociations, la partition de l’île en deux États entre peu à peu dans les faits. Les rencontres des chefs de gouvernement turc et grec en janvier et juin 1988 n’ont pas permis de faire évoluer le problème de Chypre.
Les incidents américano-libyens. Après la chute en 1969 de la dynastie Senoussie qui était étroitement liée aux États-Unis, la Libye établit des liens privilégiés avec l’Union soviétique en 1974 ; elle s’engage dans une politique d’armement effrénée et commence sa politique de déstabilisation systématique en Afrique et au Proche-Orient. Les rapports d’hostilité entre la Libye du colonel Kadhafi et l’Amérique du président Reagan dégénèrent en plusieurs affrontements, dont le raid américain sur Benghazi et Tripoli le 15 avril 1986, à la suite d’actes terroristes libyens.
La guerre toujours présente au Proche-Orient:
Au conflit israélo-arabe s’ajoutent des tensions nouvelles qui contribuent à faire du Proche-Orient une zone dangereuse pour la paix du monde. On assiste en effet au renouveau de l’Islam, à la progression de l’intégrisme musulman et à la volonté d’autonomie des acteurs régionaux. Les richesses considérables tirées des revenus pétroliers permettent à certains États (Libye, Arabie Saoudite, Irak, Émirats arabes unis, Koweit) d’acquérir un armement moderne. Sous l’influence toujours plus grande des musulmans chiites, l’Islam joue le rôle principal dans la révolution iranienne qui institue une « République islamique » (soumission du peuple au Coran et au pouvoir de l’imam Khomeiny). Maître de la Syrie, principal allié des Soviétiques dans la région, le président Hafez el-Assad aspire à être l’unificateur des Arabes et le restaurateur de la Grande Syrie, groupant autour de Damas le Liban, la Jordanie et le futur État palestinien. Riche de ses pétrodollars, le colonel Kadhafi a aussi l’ambition de faire autour de la Libye l’unité du monde arabe. L’Arabie Saoudite, qui s’est taillée la part du lion du boom pétrolier, acquiert une situation prééminente.
Face à ces développements, les superpuissances ont peine à contrôler la situation. L’Union soviétique dote la Syrie d’un matériel militaire considérable et elle soutient les États révolutionnaires, comme FÉthiopie, la Libye et le Yémen du Sud. Surtout, elle marque par son intervention directe en Afghanistan sa volonté de participer au contrôle du golfe Persique. Les États-Unis s’efforcent de contrer les ambitions soviétiques dans la région par une politique mêlant les interventions directes (Liban, golfe Persique) et l’appui aux États modérés comme l’Arabie Saoudite et l’Égypte.
L’action des États-Unis, et en particulier du secrétaire au Département d’État, Kissinger, est décisive dans le rapprochement israélo-égyptien commencé par les contacts entre militaires dans le Sinaï au « kilomètre 101 ». La diplomatie des « petits pas » de Henry Kissinger permet aux États-Unis de retrouver leur influence dans la région. Mais le courage du président égyptien Anouar el-Sadate permet d’aller plus loin encore. Le rapprochement des positions israélienne et égyptienne se concrétise par le voyage étonnant du président Sadate à Jérusalem (19-21 novembre 1977), puis par les accords de Camp David (5-17 septembre 1978) négociés sous l’égide du président Carter par Begin et Sadate, enfin par le traité de paix signé à Washington entre Israël et l’Égypte (26 mars 1979). Grâce à la participation et à l’appui des États- Unis, c’est d’abord la fin de l’état de guerre qui existait depuis trente ans entre Israël et le plus puissant de ses voisins arabes. L’Égypte obtient la restitution de ses terres occupées depuis 1967 : en exécution de ce traité, l’évacuation du Sinaï par l’armée israélienne est chose faite en avril 1982. Mais toutes les tentatives ultérieures pour conduire à une paix générale dans la région se sont révélées vaines.
Cette politique aboutit à isoler complètement l’Egypte, non seulement des pays arabes (Algérie, Libye, Irak, Sud-Yémen, OLP) qui constituent le « front du refus » (décembre 1977), mais aussi des pays modérés comme l’Arabie Saoudite et la Jordanie. Le neuvième sommet arabe de Bagdad exclut l’Égypte de la Ligue arabe et en transfère le siège à Tunis (novembre 1976). Sa politique audacieuse et la poussée des courants conservateurs coûtent la vie au président Sadate, assassiné le 6 octobre 1981 par des intégristes islamiques. Les facteurs religieux s’ajoutent aux causes politiques pour rompre l’unité du monde arabe, plus divisé que jamais par la guerre Iran-Irak. La religion islamique, avec les deux grands courants sunnite et chiite et avec ses nombreuses sectes, s’affirme comme un ferment de division, contribuant à dresser des États les uns contre les autres et à attiser les guerres civiles.
Non seulement la question palestinienne ne trouve pas de solution, mais la situation empire. Depuis sa création en 1964, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’efforce d’obtenir une reconnaissance internationale. En septembre 1974, pour la première fois, l’ONU inscrit à son ordre du jour la question palestinienne et non plus « le problème des réfugiés ». Et le leader de l’OLP, Yasser Arafat, invité à parler devant l’Assemblée générale, prône l’instauration d’un seul État démocratique de Palestine (13 novembre 1974).
La politique israélienne, menée par le chef du parti conservateur Menahem Begin (1977-1983), consiste à nier la nation palestinienne et ne veut pas entendre parler d’une reconnaissance de facto de l’OLP. Elle fait de Jérusalem sa capitale en juillet 1980, annexe le territoire syrien du Golan en décembre 1981 et encourage la colonisation juive en Cisjordanie. Les pays arabes reconnaissent l’OLP comme seul représentant des Palestiniens et la soutiennent moralement et matériellement. L’URSS la reconnaît à son tour et proclame son attachement au maintien d’un État palestinien. Les États-Unis préconisent la solution d’une patrie palestinienne dans le cadre de la Jordanie, comprenant la Cisjordanie. Lors du sommet de Venise (13 juin 1980), les membres de la Communauté européenne recommandant d’associer l’OLP au processus de paix. Et le président Mitterrand se fait l’avocat de la création d’un État palestinien dans son discours à Jérusalem le 4 mars 1982. Entre l’immobilisme israélien et le terrorisme palestinien, c’est l’impasse.
Ancien mandat français, indépendant depuis 1945, et cité comme modèle d’équilibre intercommunautaire, le Liban n’est plus un havre de paix et de prospérité. Il est déchiré par les rivalités traditionnelles entre chrétiens maronites (catholiques de rite syrien) et musulmans (druzes et chiites), mais aussi directement concerné par le conflit israélo-arabe, puisque les organisations palestiniennes y sont implantées depuis leur éviction de Jordanie en septembre 1970. De fait, le Liban est en proie à la guerre civile, ouverte le 13 avril 1975 avec les affrontements entre militants des Phalanges chrétiennes et Palestiniens. Peu à peu l’État libanais se dissout en une série de micro¬communautés, d’autant plus que la Force intérimaire des Nations unies (FINUL) est impuissante et que les États voisins interviennent. La Syrie d’abord s’efforce à partir de 1976 d’arbitrer la situation par un soutien alterné aux palestino-progressistes et aux forces chrétiennes. Israël ensuite, confronté aux raids de Palestiniens réfugiés dans les camps au sud du Liban (Fathaland) exerce des représailles, comme en mars 1978. Mais l’opération « Paix en Galilée » de juin 1982 est d’une autre ampleur. Israël espère chasser les forces de l’OLP et instaurer au Liban un pouvoir fort, qui établirait la paix avec Israël. Le siège de Beyrouth conduit bien à l’élimination de l’OLP du Liban, mais achève de désagréger le Liban dont le nouveau président de la République, chef des milices chrétiennes, Bechir Gemayel, est assassiné (14 septembre 1982). L’intervention israélienne, qui rencontre plus de résistance que prévu, se transforme en déroute et aboutit finalement au retrait des forces israéliennes (juillet 1983). L’état intérieur du Liban amène l’intervention d’une force multinationale « d’interposition » composée de contingents américain, français, italien et anglais. Cette force, qui contrarie les visées de la Syrie, est victime le 23 octobre 1983 d’un attentat qui coûte la vie à 58 soldats français et 241 soldats américains ; elle se retire alors du Liban. La paix paraît plus lointaine que jamais dans un pays dont les structures étatiques se décomposent littéralement, où les grandes puissances n’osent plus intervenir, laissant la maîtrise du terrain à la Syrie.
Les luttes d’influence en Asie du Sud-Est:
On assiste au redéploiement des grandes puissances dans cette région, redéploiement marqué par le désengagement des Etats-Unis de la péninsule indochinoise et relayé par une influence toujours plus grande de l’Union soviétique, l’expansionnisme vietnamien et le développement d’un axe Pékin- Tokyo-Washington, qui s’oppose à l’axe MoscouHanoi.
L’expansionnisme vietnamien:
La fin de la guerre. Le problème essentiel reste celui du Viêtnam : les accords de Paris du 27 janvier 1973 n’ont pas mis fin à la guerre entre le Nord et le Sud, où les forces du GRP gagnent sans cesse du terrain aux dépens des soldats du général Thieu. Le processus de réunification du Viêtnam, au profit du régime d’Hanoi, constitue une étape dans le projet stratégique consistant à unifier l’ancienne Indochine pour mieux la protéger des visées chinoises. C’est d’abord l’absorption du Sud par le Nord. En avril 1975, l’offensive communiste est irrésistible, d’autant plus que le président américain Gerald Ford ne peut apporter l’aide militaire d’urgence sollicitée par le gouvernement de Saigon, mais refusée par le Congrès. La résistance du Sud s’effondre brutalement.
À la chute de Saigon et de Phnom-Penh (avril 1975) succède la transformation du Laos en République populaire par la victoire du Pathet-Lao (décembre 1975). C’est toute l’ancienne Indochine qui passe au communisme. Mais le désordre continue, aggravé par le génocide auquel se livrent les Khmers rouges au Cambodge, rebaptisé Kampuchéa démocratique.
La guerre du Viêtnam s’achève donc par un échec grave pour le prestige américain et le désengagement des puissances occidentales se manifeste aussi par la dissolution de l’OTASE (30 juin 1977). Toutefois la «théorie des dominos » ne se vérifie pas au-delà des frontières de l’ancienne Indochine française : la Thaïlande, malgré de sérieuses difficultés frontalières avec le Cambodge et le développement de maquis communistes au Nord résiste à la poussée révolutionnaire. Elle constitue le 8 août 1967, avec la Malaisie,l’Indonésie, les Philippines el Singapour un groupement régional, l’Association des nations du Sud-Est asiatique, l’ASEAN (Association of South East Asian Nations), organisme de coopération économique cl politique dont la règle est le neutralisme. Il s’agit de constituer en Asie du Sud-Est une zone de paix et de neutralité, libre de toute interférence de la part des puissances exterieures à la région. Mais la crainte de l’expansion vietnamienne amène l’ASEAN à se rapprocher des États-Unis, afin de faire barrage aux menées subversives. Les États-Unis conservent donc un rôle dans la région, grâce a ses relations étroites avec le Japon, la Corée du Sud, les pays de l’ASEAN. qui lui louent les bases de Clark Field et de Subie Bay, et surtout la Chine.
Les protectorats vietnamiens : Laos et Cambodge. La République démocratique du Viêtnam, unifiée en 1975 par sa victoire et première puissance militaire de la région, impose en juillet 1977 son protectorat au Laos qui devient aussi un satellite de l’URSS. Au Cambodge, la stratégie expansionniste du Viêtnam se heurte au soutien actif de Pékin au régime de Pol Pot. Les combats frontaliers nés de différends territoriaux et la dénonciation des massacres des Khmers rouges fournissent au Viêtnam un prétexte à une intervention militaire (25 décembre 1978-7 janvier 1979) et à l’occupation du Cambodge. Le Viêtnam élimine le régime de Pol Pot et instaure un protectorat de fait. Tout l’ensemble indochinois est reformé sous l’égide politique et militaire du Viêtnam. L’état de guerre endémique qui sévit dans la région, les massacres et les pillages entraînent des migrations de Vietnamiens et de Cambodgiens qui fuient leur pays, surtout par mer (d’où leur nom de hoat- people) et souvent au péril de leur vie.
L’attitude chinoise face à la double hégémonie:
L’Asie du Sud-Est constitue un enjeu dans le conflit sino-soviétique qui persiste. La succession de Mao Tsê-Tung et de Chou En-Lai – morts l’un et l’autre en 1976 – n’apporte guère de changement à la politique extérieure de la Chine ; celle-ci reste dominée par son rejet de la double hégémonie des États-Unis et de l’Union soviétique, mais dans la pratique elle soutient tout ce qui peut contrecarrer l’URSS en Asie et en Afrique et elle revendique des territoires occupés par l’Inde. Considérant que l’URSS est devenue leur « ennemi principal », les dirigeants chinois élaborent « la théorie des trois mondes » : États-Unis et URSS forment le « premier monde », celui des impérialismes ; l’Europe, le Canada et le Japon constituent un monde intermédiaire, susceptible de s’opposer aux deux hégémonies ; enfin le « troisième monde » comprend les pays en voie de développement, dont la Chine se prétend le leader. C’est en fait une rivalité globale qui oppose les deux grandes puissances communistes. En général, la Chine adopte une politique qui fait obstacle à celle de l’Union soviétique. Elle maintient ses revendications sur des régions frontalières de l’URSS, comme le Pamir, ou de l’Inde. Mais surtout elle entend être la grande puissance de l’Asie du Sud-Est.
Face à l’Union soviétique et au Viêtnam, liés par un traité d’amitié signé en novembre 1978, la Chine s’inquiète de l’expansion vietnamienne au Laos et au Cambodge. Craignant d’être prise en tenaille entre l’Union soviétique et son allié vietnamien et voulant infliger une « leçon » au Viêt-nam, elle envahit provisoirement les régions frontalières (17 février-3 mars 1979), sans que l’URSS intervienne autrement que par des livraisons de matériel. Par son •<opération de police », la Chine fait désormais figure de gendarme de la région.
Le rapprochement sinoaméricain. D’autre part, elle poursuit le rapproche¬ment avec l’Ouest, entamé au début des années 1970. Elle conclut en août 1978 un traité de paix et d’amitié avec le Japon, comportant une clause « antihégémonique », qui vise en fait l’URSS. Depuis le voyage de Nixon à Pékin (21-28 février 1972) les négociations sino-américaines butent sur le problème de Taiwan, que les Américains refusent de lâcher. A la suite de l’arrivée au pouvoir de Teng Hsiao-Ping en Chine et de Carter aux États-Unis, la Chine établit le 16 décembre 1978 des relations diplomatiques avec les États-Unis qui reconnaissent la République populaire comme l’unique gouvernement légal de la Chine. Le voyage de Teng Hsiao-Ping aux États-Unis en février 1979 et la crise afghane confirment le rapprochement spectaculaire entre Pékin et Washington. Même si la Chine reste un État marxiste-léniniste, il s’agit d’une véritable alliance de revers avec l’Occident contre l’URSS.
L’amélioration des relations sino-soviétiques. Depuis 1982, Pékin semble rechercher des relations équidistantes entre Moscou et Washington. Après la mort de Mao Tsê-Tung, la Chine tourne le dos à la révolution culturelle ; dès lors, le conflit avec l’Union soviétique perd une partie de sa dimension idéologique. Sous l’impulsion de Teng Hsiao-Ping, le régime se convertit au réalisme. Les relations s’intensifient en 1985, malgré la persistance des « obstacles » à une normalisation, comme l’intervention soviétique en Afghanistan et vietnamienne au Cambodge. Le retour à des relations plus cordiales se poursuit avec le voyage de Gorbatchev en Chine du 15 au 18 mai 1989, qui scelle la normalisation entre les deux pays après trente ans de brouille.
Le rôle du Japon et de l’Inde:
Le Japon, devenu une superpuissance économique, est resté un nain politique. Les relations extérieures d’un pays qui a longtemps limité son effort militaire et s’est reposé sur l’alliance américaine pour sa sécurité ont été essentiellement commerciales et financières. Les relations diplomatiques ont été rétablies avec l’URSS en 1956, mais n’ont pas abouti à un traité de paix, en raison de la revendication par le Japon des îles les plus méridionales des Kouriles (au nord de Hokkaido) occupées par les Soviétiques depuis 1945. Avec la Chine, le Japon a signé le 12 août 1978 un traité de paix et d’amitié. Le Japon est d’ailleurs devenu un partenaire commercial privilégié de l’URSS et de la Chine. Depuis peu, le Japon veut se dégager de son alignement traditionnel sur Washington et mettre sur pied une politique régionale indépendante. Il conquiert l’un après l’autre les marchés sur le dos des Américains, qui sont plus nombreux à croire en une menace économique japonaise qu’en une menace militaire soviétique ; le Japon inquiéte aussi les Européens par son expansion commerciale dans plusieurs secteurs industriels clés, comme l’acier, l’automobile et l’électronique. Enfin, si le programme de défense et mené à son terme, le Japon est en passe de devenir une puissance militaire majeure dans l’Asie-Pacifique.
Quant à l’Inde, elle jouit encore d’une certaine autorité morale, grâce au rôle historique joué par Nehru dans la création du mouvement des non alignés, et cela bien qu’elle ait à maintes reprises sacrifié des positions neutralistes en s’alignant sur la diplomatie soviétique (traité d’alliance de 1971 ) afin d’obtenir son soutien contre ses deux principaux rivaux : le Pakistan cl la Chine. Mais elle est surtout préoccupée de résoudre ses contradictions nationales et religieuses. Le mécontentement des sikhs, minorité religieuse implantée au Pendjab et qui réclame une plus grande autonomie, se trans forme en révolte et provoque l’assassinat du Premier ministre, Indira Gandhi (31 octobre 1984).
La percée des pays de I’« arc du Pacifique »:
L’Asie est aussi la région des conflits « dormants ». La question de Corée, qui n’est pas réglée par l’armistice de 1953, ressurgit en septembre 1983 lors de la destruction d’un avion de ligne sud-coréen par l’aviation de chasse- soviétique.
La situation de la Corée symbolise à la fois la division d’une nation en deux Etats, le reflet de la division du monde et un risque permanent de reprise des hostilités entre Pyong Yang et Séoul. C’est enfin un enjeu stratégique pour les quatre grandes puissances présentes dans la région Asie-Pacifique : les Etats- Unis qui y maintiennent des forces militaires depuis les années 1950, l’Union soviétique au rôle croissant en Asie, la Chine et le Japon qui ont longtemps rivalisé pour le contrôle de la Corée. Les intérêts parallèles aboutissent à perpétuer le statu quo. La Corée du Sud est devenue une puissance industrielle et commerciale qui connaît des tensions dues à la persistance d’une menace militaire du Nord et au régime dictatorial.
La question de Taiwan est celle d’un pays, modeste par sa superficie et sa population, isolé par la volonté de l’Occident. Elle est rendue d’autant plus paradoxale que l’extraordinaire essor économique de Taiwan en fait une des nouvelles puissances industrielles d’Asie, un des quatre « dragons ». La solution au problème de Taiwan est dans l’impasse car l’intégration à la Chine populaire est refusée par Taipei.
Les pays de l’« arc du Pacifique », la Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et Singapour qui ont réussi une remarquable percée sur les marchés mondiaux, rivalisent avec les anciens centres industriels d’Europe et d’Amérique du Nord, et participent ainsi à la redistribution des pôles de puissance dans le monde.