Persistance de l’opposition Nord-Sud : des mondes violents
L’homogénéité du Tiers Monde n’existe plus et la frontière avec les pays industrialisés, frappés par des crises économiques récurrentes et l’exclusion, bouge sans cesse. Les mondes extra-européens sont concernés par trois menaces globales : le surarmement, l’endettement et le défi démographique, prouvant la persistance et même l’aggravation du conflit Nord-Sud que, de l’Asie ex-soviétique jusqu’en Afrique, l’intégrisme musulman attise malgré une situation économique tout en nuances. Les États-Unis prennent la tête d’une croisade, qui vise plusieurs pays du Proche-Orient, faisant penser à un conflit de civilisations.
Paradoxalement, le désarmement au Nord conduit à une attitude inverse dans le Tiers Monde, engagé dans une véritable course aux armements.
Frappés par le manque de devises, les États successeurs de l’ex-Union soviétique bradent les produits de leur industrie militaire. Le risque d’une prolifération horizontale existe. Le nombre d’États ayant acquis la capacité de se doter de l’arme atomique s’accroît : outre Israël, après l’Inde (1974), l’Afrique du Sud (1979), le Pakistan (1998) se profilent ceux qui sont en passe de la maîtriser : l’Irak. l’Iran, la Corée du Nord. D’autres sont tentés de recourir à l’arme chimique pour compenser leur infériorité. Les armes et technologies modernes sont susceptibles d’ébranler la stabilité régionale et la sécurité internationale. On l’a bien vu à l’occasion de la guerre du Golfe, dans un Proche-Orient devenu une zone à forte densité d’engins balistiques, malgré le protocole MTCR (Missile Technology Control Regime) de 1987. Le président Bush saisit cette occasion pour proposer un plan tendant à éliminer les armes de destruction massive au Proche-Orient. Cette idée est adoptée par les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, qui se concertent pour la première fois sur le commerce des armes (8-9 juillet 1991) et tentent d’élaborer un code de bonne conduite. Le traité interdisant la production, l’emploi et le stockage des armes chimiques est signé à Paris (15 janvier 1993) par 130 pays, qui devront détruire leurs stocks dans un délai de dix ans et accepter un dispositif de vérification sur pièce et sur place.
L’endettement du Tiers Monde se monte, au début de 1995, à 2 000 milliards de dollars tandis que l’aide publique au développement atteint son niveau le plus bas depuis 1970. Depuis le début des années 1980, une cinquantaine de pays sont en état de surendettement prolongé : plusieurs pays latino-américains, l’Afrique – excepté la Libye et l’Algérie – les Philippines, le Viêtnam et l’Europe de l’Est. Cette situation dramatique contraint les gouvernements à prendre des mesures exceptionnelles, comme le Mexique et le Venezuela qui obtiennent le rééchelonnement de leurs dettes, et la Côte-d’Ivoire qui annonce à ses créanciers en 1987 qu’elle ne peut les rembourser en raison de la chute des cours du cacao et du café. Des manifestations et des grèves éclatent un peu partout. Le FMI devient la bête noire des dirigeants de ces pays. L’allégement de la dette est au centre des travaux de la CNUCED (1987) et du sommet mondial de Copenhague pour le développement social (1995). Malgré les progrès réalisés par certains États latino-américains et les efforts de pays occidentaux qui annulent une partie de la dette des trente-cinq pays africains (mai et juillet 1989) ou qui réduisent les dettes publiques de la Pologne et de l’Égypte (janvier 1991), un malaise persiste. La dévaluation de 50 % du franc CFA (12 janvier 1994) est un choc pour les pays de la zone franc. La crise du peso mexicain contraint les États-Unis et le FMI à intervenir (janvier 1995). Et les pays dits «émergents» membres du G15 (pays en développement) demandent aux pays industrialisés d’ouvrir leurs marchés. Le G7 décide, lors du sommet de Lyon (juin 1996), d’alléger la dette des pays les plus pauvres. A l’occasion de l’an 2000, les pays les plus riches envisagent d’effacer la dette des plus pauvres.
Enfin, le défi démographique réside dans la double disparité, d’une part, entre la croissance de la population et celle, moins forte, des ressources de la planète et, d’autre part, entre des pays nantis, à bas taux de reproduction démographique, et des pays pauvres, fragilisés par l’explosion démographique. Alors que le nombre d’habitants de la planète en 1999 atteint les six milliards d’individus (trois en 1960), la population des pays développés ne représente qu’un quart de la population mondiale et elle dispose en moyenne des trois quarts des richesses produites dans le monde. Aussi la conférence du Caire (septembre 1994) insiste-t-elle sur le nécessaire ralentissement de la croissance démographique. En trente ans, l’écart entre les pays riches et les pays pauvres a doublé. Les inégalités Nord-Sud sont loin d’être comblées par les aides publiques insuffisantes. « Bombe démographique » et migrations de populations constituent des réalités des relations internationales. L’aide est donc une nécessité et le problème d’autant plus délicat à résoudre que le Tiers Monde est multiple et son développement inégal. Certains pays profitent de leur intégration à l’économie mondiale, d’autres en pâtissent : l’effondrement des prix du pétrole, de l’ordre de 40 % en 1998, affecte les économies des pays producteurs, en particulier ceux qui ont fondé leur développement économique sur les hydrocarbures et sont les plus peuplés comme l’Algérie, l’Indonésie, le Nigeria.
Au cours des années 1990, différents facteurs menacent la stabilité de l’Asie, l’Afrique connaît des troubles graves ; au Proche-Orient, concerné par une forte poussée démographique et une baisse des revenus pétroliers investis dans des appareils de défense, le processus de paix israélo-palestinien est dans l’impasse.
En Asie, au début des années 1990, les rivalités territoriales et militaires semblent s’effacer grâce à la stabilité politique, à la croissance du commerce intrarégional et à la prospérité économique. À la fin de ces mêmes années, l’Asie est probablement la région la plus dangereuse de la planète, car les rivalités persistent, même s’il n’y a plus d’affrontement idéologique. Ainsi, la Chine populaire et l’Inde – sans relations diplomatiques depuis 1962 – entament un dialogue (septembre 1993) en passant sous silence leur conflit territorial. En avril 1996, Pékin et Moscou esquissent un rapprochement. La très forte crise économique qui secoue l’Asie en 1997 et 1998 s’étend de Thaïlande à toute la région et provoque un appauvrissement considérable de la population : l’Indonésie est le pays le plus touché. Au Japon, la récession remet en cause les fondements du système de l’emploi même si le taux de chômage (décembre 1998) reste relativement faible (4,4 %). Du fait de la crise, les ambitions nationales s’affirment. En outre, le relatif effacement américain et l’effondrement soviétique laissent face à face l’Inde et le Pakistan, dotés l’un et l’autre de l’arme nucléaire, et promeuvent au rang de puissances régionales l’Indonésie, l’Iran et la Turquie en plus de la Chine, du Japon et des pays de l’ASEAN. Le Japon ne veut plus se contenter de jouer un rôle dans les relations économiques internationales : il revendique le statut d’acteur politique aspirant à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et il ne limite pas son action à l’Asie. Le Japon fait dépendre une normalisation de ses relations avec Moscou de la restitution des Kouriles méridionales (report de la visite prévue au Japon de Boris Eltsine en septembre 1992).
On note une montée en puissance militaire de la Chine. Auréolée par la rétrocession de Hong Kong (1997), elle manifeste un activisme en mer de Chine et dans le Sud-Est asiatique, qui est le théâtre d’une course aux alliances, et l’on assiste au resserrement des liens des petits États avec la puissance américaine. A deux reprises (printemps 1996, automne 1998), la Chine manifeste son ambition de récupérer Taiwan et son mécontentement face à toute manœuvre tendant à accroître la capacité défensive de l’île, dans le cadre du système de défense américano-nippon. La transition entre le promoteur de l’ouverture économique de la Chine et responsable de la répression du « printemps de Pékin », Deng Xiao Ping (mort en février 1997), et Jiang Zemin est un modèle de réussite. L’échange de visites entre Jiang Zemin aux États-Unis (octobre 1997) et Bill Clinton en Chine (juin-juillet 1998) marque la normalisation des relations sino-américaines et un tournant dans l’attitude occidentale à l’égard de la question des droits de l’homme en Chine, qui cherche à conforter son influence en Asie du Sud-Est aux dépens des États-Unis, inquiets par ailleurs de la coopération sino-pakistanaise en matière nucléaire. Le contentieux sino-américain s’alourdit à l’occasion de la crise de l’avion- espion (avril 2001) et des ventes d’armes à Taïwan. Après son repli annoncé des Philippines, le maintien de la présence américaine en Corée du Sud et au Japon peut avoir pour objectif de rassurer la région contre tout risque de résurgence d’un impérialisme japonais et de toute menace chinoise.
Plusieurs pays d’Asie sont troublés : le Cambodge ne se remet pas de ses années de feu (1975-1979) et de la sédition des Khmers rouges, et ne retrouve pas sa stabilité politique malgré les élections de juillet 1998 et la mort de Pol Pot. En Afghanistan, confronté à une coalition hétéroclite formée par la résistance modérée qui n’avait pas accepté le cessez-le-feu et les milices islamistes, le régime communiste s’effondre (avril 1992), mais les affrontements entre factions afghanes aboutissent à la prise de Kaboul (septembre 1996) par les « talibans », religieux à majorité patchoune, qui ne parviennent pas à imposer leur loi sur toute l’Afghanistan et la guerre y persiste, à l’initiative du commandant Massoud, symbole de l’opposition assassiné le 9 septembre 2001. En Indonésie, durement frappée par la crise économique, le président Suharto au pouvoir depuis 1967, réélu en mars 1998, est contraint à la démission par les émeutes de mai. Du coup, l’intégrité et l’unité de l’Indonésie semblent menacées, d’où la crise qui secoue le Timor oriental : afin de mettre un terme aux atrocités commises par les milices pro-indonésiennes décidées à s’opposer à l’indépendance, des forces militaires sous la responsabilité de l’ONU y interviennent en septembre 1999. Et ce pays devient indépendant en mai 2002. Après plusieurs mois de tensions, où les États-Unis s’inquiètent des ambitions nucléaires nord coréennes, la corée du Noid s’engage a geler son programme nucléaire (août-octobre 1994) et des pourparlers sur la paix dans la péninsule coréenne sont entamés sous la double égide de Pékin el de Washington (décembre 1997). Avec la rencontre des deux présidents nord et sud-coréens le 14juin 2000, inaugurant une «ère de réconciliation et de coopération », le processus de réunification semble enclenché. L’opposition entre l’Inde et le Pakistan à propos du Cachemire, auquel New Delhi a consenti l’autonomie en 1996, est toujours vive : la guérilla séparatiste se poursuit, les deux armées s’affrontent le long de la frontière commune (août 1997 et mai-juin 1999) ; la tension régionale est vive, aggravée par l’acquisition de l’arme nucléaire par les deux frères ennemis (mai 1998).
La situation de l’Afrique est contrastée entre les pays acquis au jeu démocratique et des Etats où la démocratie est à l’épreuve de la misère (coup d’Etat militaire au Nigeria, en Guinée, au Congo). La guerre civile accompagnée de pillages et de massacres concerne particulièrement le Liberia (1996), le Niger (juillet 1996), le Centrafrique (1996 et 1997), le Congo-Brazzaville (juin 1997), la Sierra Leone (1997-1998), la Côte-d’Ivoire (1999-2000). Dans presque tous ces cas, des forces d’interposition, souvent composées d’armées d’États africains, s’efforcent de rétablir l’ordre sous l’égide de l’ONU. Les prétentions de l’Afrique du Sud à se poser en puissance régionale depuis la fin de l’apartheid sont battues en brèche (Lesotho et Congo, 1998).
Un peu partout, des mouvements autonomistes armés sapent l’autorité de 1 ’État et le dogme de l’intangibilité des frontières est remis en cause. L’Éthiopie est ébranlée par la guérilla des Érythréens et Tigréens. Au terme de trente ans de guerre contre l’Éthiopie, les Érythréens accèdent à l’indépendance (24 mai 1993) mais les deux États, qui se disputent une frontière commune, signent un accord de paix (juin 2000). Après le départ (janvier 1991) du général Syaad Barré chassé du pouvoir (qu’il occupait depuis octobre 1969) la Somalie, démembrée entre le Nord et le Sud, sombre dans le chaos et la famine qui suscite l’intervention en décembre 1992 d’une force militaire internationale d’urgence (Rendre l’espoir) sous commande¬ment américain. L’enlisement de ces forces contraint l’ONU à engager 28 000 Casques bleus (4 mai 1993) dans une opération ONUSOM II, la plus importante, par le nombre d’hommes et par le coût, que l’ONU ait engagée. En raison de l’insécurité, l’ONU décide (novembre 1994) de mettre fin au mandat de l’ONUSOM, qui évacue en mars 1995.
La situation la plus grave concerne le centre de l’Afrique. Déclenchés à la suite de l’assassinat des présidents rwandais et burundais en avril 1994, des affrontements entre Tutsis et Hutus ensanglantent le Rwanda (où d’avril à juin les Tutsis sont massacrés par les Hutus). Ce génocide (où plus de 500 000 personnes sont assassinées) amène la France à intervenir (juin-août 1994) dans le cadre d’une opération humanitaire sous mandat de l’ONU (Turquoise). À son tour, le Burundi est le théâtre de violences (mars 1995 et printemps 1996). Une force multinationale d’assistance humanitaire, mise sur pied en novembre 1996, se saborde en décembre. La guerre civile qui s’ensuit, la rébellion qui progresse au printemps 1997 aboutissent à la chute du maréchal Mobutu (mai 1997), après plus de trente ans de pouvoir. Le chef des rebelles, Laurent-Désiré Kabila, se proclame président de la République démocratique du Congo. Mais il ne réussit pas à faire revenir l’ordre dans un pays ravagé par des rivalités ethniques, des affrontements de potentats locaux et les appétits des pays voisins, Rwanda et Ouganda. Lui-même est assassiné en janvier 2001. Toutes les conditions sont réunies pour une implosion du Centre et de la Corne de l’Afrique. Devenue le terrain d’affrontement des armées des pays voisins et des groupes rebelles locaux, la République démocratique du Congo s’enfonce dans une crise inextricable. Alors qu’on avait pu croire la paix revenue en Angola, les accords de paix signés en 1995 à Lusaka sont enterrés, malgré la constitution d’un gouvernement d’union nationale : la guerre civile reprend en Angola. Le Soudan est déchiré entre le Nord musulman et le Sud chrétien et animiste, qui obtient son droit à l’autodétermination. Au Zimbabwe, une crise politique et économique (occupation des propriétés de fermiers blancs) secoue le pays (2001-2002).
En Algérie, malgré l’état d’urgence instauré par l’armée qui a pris le pouvoir, le terrorisme se développe (assassinat du président M. Boudiaf le 29 juin 1992) et la violence qui ravage le pays n’empêche pas l’élection du président sortant Liamine Zeroual (16 novembre 1995). La multiplication des attentats crée une véritable atmosphère de guerre civile, qui n’épargne pas les étrangers (assassinats de religieux français en mai et août 1996). Le déchaînement de violences en 1997 est tel qu’il suscite l’envoi de missions d’information des pays européens, qui n’ont pas plus de succès que les tentatives de dialogue du président Liamine Zeroual, qui quitte prématurément le pouvoir (avril 1999). Malgré l’espoir qu’elle soulève, l’élection d’A. Bouteflika ne met pas fin aux violences, en particulier en Kabylie (août 2001). La question du Sahara occidental, dont la souveraineté est revendiquée par le Maroc et dont l’indépendance est réclamée par le Front Polisario, n’est toujours pas réglée. Prévu d’abord en janvier 1992 conformément au plan de paix de 1991, le référendum d’autodétermination est toujours ajourné, en raison du différend sur la composition du corps électoral.
Au Proche-Orient, le processus de paix israélo-arabe reste fragile en raison des violences des mouvements islamiques, qui multiplient les attentats (février et mars 1996 en Egypte), des réticences de la Syrie face aux négociations et surtout de la politique intransigeante du gouvernement Nethanyahou (mai 1996-mai 1999). Le nouveau Premier ministre israélien, qui n’a pas reconnu la légitimité des accords d’Oslo, a en effet autorisé la reprise de la colonisation en Cisjordanie et à Gaza, suscitant mécontentement et inquiétude des Arabes (sommet de la Ligue arabe, juin 1996). Les déclarations de Beniamin Nethanyahou sur la Ville sainte et la Cisjordanie en 1996, l’ouverture d’un tunnel archéologique dans la vieille ville de Jérusalem provoquent des affrontements sanglants. Le cycle infernal attentats-répression reprend de plus belle (tirs du Hezbollah sur la Galilée et massacre de Cana, avril 1996). Malgré les efforts et les pressions des Américains (sommet à Washington, octobre 1996), les discours de Jacques Chirac, les mises en garde des capitales arabes, les votes de l’ONU (juillet 1997), le processus de paix lancé à Oslo en 1993 est dans l’impasse et le gouvernement israélien contrôle toujours plus de 90 % des territoires palestiniens occupés. Une nouvelle fois, les Américains s’impliquent en organisant les négociations de Wye Plantation (octobre 1998), qui se terminent par un accord selon lequel les Israéliens doivent se retirer d’une partie de la Cisjordanie en contrepartie de l’engagement palestinien à lutter contre le terrorisme. La visite de Bill Clinton à Gaza (décembre 1998) ne permet pas de relancer le processus de paix. L’espoir naît plutôt de l’élection du candidat travailliste Ehoud Barak (mai 1999) au poste de Premier ministre : il réussit à sortir Tsahal du bourbier du Liban sud, où l’occupation militaire qui dure depuis 1978 cesse en mai 2000, malgré l’absence d’accord avec la Syrie et le Liban.
En revanche, il échoue dans la solution du problème palestinien. Depuis l’accord de Charm-el-Cheik (septembre 1999), les négociations israélo-palestiniennes sur la mise en œuvre des accords de Wye River (octobre 1998) pour un accord-cadre sur le statut définitif des territoires palestiniens, menées à partir d’avril 2000, ne permettent pas de faire des progrès. Le nombre de colons en Cisjordanie et à Gaza grimpe de 23 000 en 1988 à 200 000 en 2000. La rencontre de Camp David (10-24 juillet 2000) entre Ehoud Barak et Yasser Arafat, organisée à l’initiative du président Bill Clinton – qui jusqu’à la fin de son mandat s’implique à fond dans la solution du conflit -, n’aboutit pas ; bien que pour la première fois les questions de fond (Jérusalem-Est, colonies de peuplement, retour des réfugiés palestiniens) aient été abordées, le désaccord constaté entraîne un pourrissement de la situation, qui dégénère (septembre 2000) dans des affrontements violents. Cette nouvelle Intifada vise à établir un rapport de forces plus favorable lors des négociations, mais l’échec et la démission d’Ehoud Barak (décembre 2000) mènent tout droit à l’élection du chef du Likoud, Ariel Sharon (février 2001) et à une véritable situation de guerre (intervention de l’armée israélienne au Liban, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, recrudescence du terrorisme). Le problème épineux de Y Irak suscite des crises graves. Depuis la guerre du Golfe, l’Irak, qui était un des premiers exportateurs de pétrole du monde, est soumis à un embargo sévère qui touche sa population mais n’entame pas la solidité du régime dictatorial de Saddam Hussein. Les obstacles opposés aux missions des inspecteurs de l’ONU, chargés de surveiller le démantèlement du potentiel militaire irakien et les rodomontades de Saddam Hussein sont un facteur de crise permanent (bombardements aériens en janvier 1993). En novembre 1996, l’ONU accepte une levée partielle de l’ertibargo pour permettre à Bagdad de vendre du pétrole, afin d’acquérir des vivres et des médicaments (Résolution « pétrole contre nourriture »). La rébellion du Kurdistan amène l’intervention de l’armée irakienne et la réaction des Américains, qui veillent au respect des zones d’exclusion aérienne. Surtout, les obstacles opposés aux missions de l’ONU (en particulier l’UNSCOM), chargées de veiller au désarmement de l’Irak et d’inspecter les sites susceptibles de receler des centres de production d’armes de destruction massive, mènent à des crises à répétition en 1996, 1997 et surtout 1998, qui sont résolues au printemps par le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, mais se soldent en décembre 1998 par des frappes américaines et anglaises (opération Renard du désert) et la volonté américaine d’obtenir la chute de Saddam Hussein.
Dégagé de sa période révolutionnaire en politique étrangère depuis la fin de la guerre avec l’Irak, en 1988, l’Iran sort de son isolement en redevenant un acteur régional important, composant avec la Russie à travers les républiques musulmanes, et prête au dialogue avec les États-Unis. En revanche, la Turquie apparaît isolée dans la région. Sa candidature ayant été repoussée par l’Union européenne (décembre 1997), elle compte sur le soutien des États-Unis, son alliance tacite avec Israël, elle combat la rébellion kurde et veille sur la partie turque de Chypre.
À Chypre, les tentatives de relance des pourparlers intercommunautaires achoppent sur la reconnaissance demandée par la République turque de Chypre du Nord, auto-proclamée en 1983, refusée par la République de Chypre (partie chypriote-grecque). La perspective d’adhésion de cet État à l’Union européenne, prévue pour la fin de 2003, pourrait-elle changer la donne et favoriser la réunification de l’île.
En Amérique latine, la croissance économique, manifeste depuis le début des années 1990, est remise en cause par la crise monétaire qui frappe le Brésil en janvier 1999. Le bilan positif est loin d’avoir réduit la fracture sociale : l’écart s’est creusé entre une élite riche et les masses appauvries (5 % de la population y concentre 25 % des revenus), la corruption est le nouveau défi à relever. La guerre civile sévit en Colombie, mais le Pérou et l’Équateur mettent fin à un conflit frontalier vieux de 56 ans (octobre 1998). L’élection d’Hugo Chavez à la présidence du Venezuela (décembre 1998), après celle de l’ancien dictateur Hugo Banzer en Bolivie et la crise politique au Paraguay, manifeste un retour à l’autoritarisme populiste. La militarisation de la lutte contre le narcotrafic, à l’initiative des États-Unis, est parfois perçue comme l’expression de l’hégémonie américaine. Fidel Castro fête en 1999 les quarante ans de sa propre dictature, toujours en butte à l’hostilité des États- Unis qui maintiennent leur embargo malgré la protestation sur place de Jean- Paul II (visite en janvier 1998).