Décolonisation, guerre froide et anti-impérialisme : L’universalisation du droit
Le système international d’avant 1914 intègre les Etats non occidentaux dominés tout en les maintenant dans une situation de sujétion par le biais du système des capitulations ou des traités inégaux. Comme le droit de conquête existe toujours dans les rapports internationaux, ils sont susceptibles d’être envahis et annexés.
La Première Guerre mondiale bouleverse la situation en supprimant le droit de conquête et en universalisant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tandis que les systèmes de domination indirecte sont condamnés à moyen terme. Le traité de Paris du 27 août 1928, dit pacte Briand-Kellogg, complète le dispositif avec l’engagement pris par les signataires de renoncer à la guerre pour le règlement des différends internationaux et comme instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles.
Les remaniements territoriaux de la fin du conflit sont donc en théorie déterminés par la référence nationale. L’État-nation est l’unique sujet de droit à succéder aux empires. Immédiatement se pose la délicate question des minorités en Europe centrale, c’est-à-dire la nouvelle extension du processus de balkanisation. Les traités de 1919-1920 ont tenté de résoudre le problème en créant un statut des minorités doublé d’un droit d’ingérence dans le cadre de la Société des Nations. Un État membre de la Société des Nations peut saisir la Cour internationale de justice pour savoir si le droit des minorités a été violé. Selon l’avis de la Cour internationale de justice en 1935, le droit des minorités implique une pleine égalité de statut avec les autres ressortissants de l’État et le respect des particularités raciales, nationales et culturelles des minorités. Autrement dit, les politiques d’assimilation sont condamnées. Mais ce statut protecteur ne concerne que les nouveaux Etats issus de la Grande Guerre. Ce droit d’ingérence est étendu à l’Irak lors de son accession à l’indépendance en 1932. Les anciennes puissances ont totale liberté d’agir à leur guise, d’où l’accusation d’hypocrisie portée contre elles.
Dans le domaine du droit humanitaire, la Société des Nations poursuit les efforts du siècle précédent en élaborant, en 1926, une convention qui prohibe l’esclavage ratifiée par 52 États, une autre en 1930 qui interdit le travail forcé ratifiée par 18 États. Mais il n’est pas question d’une Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Japon a été particulièrement meurtri du refus, inspiré par les États-Unis, du principe d’égalité raciale. Il est vrai qu’il impliquait pour les puissances concernées l’abandon de la politique des quotas ethniques pour l’immigration. Or, non seulement les pays d’immigration maintiennent leur prohibition de l’immigration dite « asiatique », c’est-à-dire «jaune », mais encore ils imposent des quotas très restrictifs pour les pays de l’arc Baltique-Méditerranée qui a fourni la plus grande partie des migrants de la première mondialisation. Les années 1920 gèlent les migrations internationales alors que commence très modestement la migration de populations colonisées vers les métropoles européennes, inversant un sens migratoire vieux de plusieurs siècles.
Durant sa courte existence, la Société des Nations intègre pour la première fois des États anciennement dominés avec pleine égalité des droits : Chine, Ethiopie, Turquie, Iran, Irak, Égypte… La légitimité des empires coloniaux n’est pas remise en cause, mais il est entendu qu’il leur est interdit de chercher à s’étendre. En revanche, la poursuite de la « pacification » des espaces coloniaux, en fait de véritables guerres coloniales, et la répression des grandes révoltes anticoloniales, y compris dans l’espace mandataire (révolte syrienne de 1926, révolte palestinienne de 1937), sont parfaitement admises. Quand le Japon s’empare de la Mandchourie et la transforme en protectorat ou quand l’Italie conquiert l’Ethiopie, on se trouve devant des guerres d’agression illégitimes condamnées en tant que telles, même si l’institution internationale se retrouve impuissante à les empêcher.
Dans sa première phase, le nazisme sait admirablement utiliser le droit des peuples à disposer d’eux- mêmes en se posant comme le rassembleur des terres et des peuples allemands à l’extérieur des frontières de l’Allemagne (Autriche, Sudètes). C’est d’ailleurs un facteur supplémentaire de paralysie pour ses adversaires. Il faut attendre 1939, avec l’annexion de ce qui reste de la Tchécoslovaquie, pour que le IIIe Reich dépasse le cadre de la revendication nationale. On entre ensuite dans l’apologie de la conquête fondée sur des justifications raciales, dans le cadre d’un impérialisme continental, le plus criminel qu’ait connu l’Europe.
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