Décolonisation, guerre froide et anti-impérialisme : La finalité du projet colonial
Le projet colonial européen comprenait dans son propre discours la détermination de sa fin. Simplement, cette dernière était fixée à un terme très lointain. La question essentielle était de savoir si l’aboutissement du colonialisme serait l’assimilation ou l’indépendance. Le sort du premier empire colonial européen dans le Nouveau Monde rappelait cette évidence avec la curiosité de voir dans sa partie la plus ancienne, les Caraïbes, les Européens conserver des possessions directes.
L’enjeu principal réside dans la disparition croissante de l’hyperpuissance européenne dont le premier facteur avait été le triomphe de l’État moderne, relayé ensuite par la révolution industrielle qui avait prolongé cette supériorité.
Paul Valéry a décrit magnifiquement, au début des années 1930, ce déclin de la force relative de l’Europe :
Ce n’est pas tout. Ces moyens accroissent la production, et non seulement en quantité. Aux objets traditionnels du commerce viennent s’adjoindre une foule d’objets nouveaux dont le désir et le besoin se créent par contagion ou imitation. On arrive bientôt à exiger de peuples qu’ils acquièrent ce qu’il leur faut de connaissances pour devenir amateurs et acheteurs de nouveautés. Parmi elles, les armes les plus récentes. Ainsi l’inégalité artificielle de forces sur laquelle se fondait depuis trois siècles la prédominance européenne tend à s’évanouir rapidement. L’inégalité fondée sur les caractères statistiques bruts tend à reparaître. Or, la politique européenne locale, dominant et rendant absurde la politique universalisée, a conduit les Européens concurrents à exporter les procédés et les engins qui faisaient de l’Europe la suzeraine du monde. Les Européens se sont disputé le profit de déniaiser, d’instruire et d’armer des peuples immenses, immobilisés dans leurs traditions, et qui ne demandaient qu’à demeurer dans leur état.
Il n’y aura rien eu de plus sot, dans toute l’histoire, que la concurrence européenne en matière politique et économique, comparée, combinée et confrontée avec l’unité et l’alliance européenne en matière scientifique. La lutte pour des concessions ou pour des emprunts, pour introduire des machines ou des praticiens, pour créer des
écoles ou des arsenaux, – lutte qui n’est autre chose que le transport à longue distance des dimensions occidentales, entraîne fatalement le retour de l’Europe au rang secondaire que lui assignent ses dimensions, et duquel les travaux et les échanges internes de son esprit l’avaient tirée. L’Europe n’a pas eu la politique de sa pensée.
La « moralité » européenne ne pouvait s’accommoder d’une pure expression de domination égoïste. On n’était pas là pour reproduire en le rationalisant le despotisme militaire des Orientaux ou pour établir une nouvelle économie mercantiliste et esclavagiste. Pour les économistes libéraux, le libre-échange suffirait à lui seul à instaurer la paix et la prospérité dans l’ensemble du monde.
Le différentiel de puissance entre l’Europe et le reste de l’Ancien Monde résidait dans la production et le contrôle des instruments de la modernité. La fin proclamée de la colonisation était l’accession complète des sociétés indigènes à cette modernité. L’interrogation portait sur la définition de cette dernière.
L’expansion coloniale est l’expression d’une domination directe, marquant plus qu’ailleurs la séparation entre dominants et dominés. Si ce caractère est universel dans le monde colonial, il n’en reste pas moins que chaque expérience est spécifique, puisque chacune des métropoles, les européennes, l’américaine ou la japonaise, se projette de façon propre en fonction de sa nature anthropologique.
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