I’impérialisme continental : les États-Unis
La migration de population est le mécanisme principal de ce l’on a appelé 1’« impérialisme continental » par opposition à l’impérialisme ultramarin. Ce cas concerne les Etats immédiatement voisins des espaces non européens ou non européanisés. L’exemple le plus caractéristique est la « conquête de l’Ouest » au détriment des Amérindiens d’Amérique du Nord, de l’empire colonial espagnol puis du Mexique. Les guerres indiennes ont pris un caractère génocidaire parfaitement reconnu, voire revendiqué, à l’époque.
Les guerres contre les Espagnols puis les Mexicains se sont faites au nom d’un sentiment de supériorité culturelle, voire raciale, même si la question du maintien de l’esclavage a joué un rôle considérable. La croissance rapide de la production de coton à destination de l’Europe industrielle a redonné une puissante impulsion à l’économie servile de plantation à un moment où elle déclinait partout dans le monde (dans la première moitié du XIXe siècle, le tabac et le sucre cessent d’être des denrées exclusivement « coloniales »). Les États du Sud des États-Unis ont joué la carte de l’expansion territoriale pour maintenir la parité politique avec ceux du Nord. Ainsi la conquête du Texas s’est accompagnée du rétablissement de l’esclavage aboli précédemment par le Mexique.
Le nivellement est tel que, en dehors des maigres réserves laissées aux indigènes, il n’y a pas de diversité de statuts et de territoires, d’où la difficulté de parler d’empire face à ce qui est avant tout une dilatation de la métropole. L’identité américaine s’est construite dans cette histoire spécifique avec l’idéologie du « pionnier » et de la «frontière», triomphe de l’individualisme et de la libre entreprise. Plus encore que la France du xixe siècle, les Etats-Unis ont eu le sentiment d’être la civilisation en marche, au détriment des « sauvages » et des catholiques latins arriérés.
Il n’y est pas question d’ouverture de marchés mais de mise en valeur agricole avec même un moment une résurgence de l’opposition entre nomades éleveurs et agriculteurs sédentaires. Le capital financier n’est pas forcément absent, en particulier à la fin du xixe siècle où les chemins de fer relient l’Ouest américain à l’Est industriel. Il n’en reste pas moins que la principale motivation est l’occupation de l’espace et l’acquisition de la puissance via la migration de masse.
La dilatation de la métropole s’arrête avec les îles Hawaii. Elles ont d’abord été soumises à l’œuvre des missionnaires protestants américains. La décision d’annexion a été prise en raison de la croissance rapide de l’immigration japonaise qui constituait un danger à long terme pour l’influence américaine.
Avec la guerre contre l’Espagne en 1898, les États- Unis deviennent une puissance coloniale de type européen possédant des colonies comme les Philippines et des protectorats de droit ou de fait comme Porto Rico et Cuba. Ils mènent une active politique de la canonnière en Amérique centrale, avec les fameuses « républiques bananières », et entrent en concurrence avec la Grande- Bretagne dans le reste de l’Amérique latine. Theodore Roosevelt théorise le recours à la canonnière en parlant
du maniement nécessaire du « grand bâton » pour se faire comprendre même si l’on parle doucement.
Si l’impérialisme continental appartient à la logique des « pays neufs », il dote les États-Unis d’une idéologie de la « destinée manifeste » dans l’histoire du inonde, ainsi que d’un sentiment de supériorité raciale analogue à celui des colonisateurs européens dans le reste du monde. Partout où il y a peuplement venu de l’extérieur, il y a à la fois mélange des éléments hétérogènes constituant la migration et fermeture par rapport a la population d’origine. La redéfinition raciale des populations devient un facteur majeur d’unification : les Européens deviennent des « Blancs » que l’on définira, curieusement, comme « Caucasiens » avec un rejet absolu des « Noirs » suivis dans le même sort par les « Jaunes » (Chinois ou Japonais) et à un très léger moindre degré par ce qui reste des populations amérindiennes. Les métissages imposent des définitions précises de la composition du « sang » pour déterminer l’appartenance à l’une ou l’autre de ces catégories. La démocratie américaine s’accompagne curieusement de lois sur la pureté du sang que l’on aurait plutôt imaginées dans l’Espagne du xvie siècle.
L’attractivité du modèle américain, fondée sur l’acte volontaire de la migration et la gradation raciale, permet une « métropolisation » rapide des migrants, c’est- à-dire l’adoption par les nouveaux venus de la langue et de la culture du pays d’adoption. La formule de transition étant la constitution des groupes « à trait d’union » (irlando-américains, germano-américains, italo-amé- ricains, etc.) qui participent pleinement à la communauté citoyenne contrairement à ceux qui sont maintenus en état de ségrégation raciale.
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