La détente en Europe et I'« Ostpolitik »
Toute détente reposait sur le règlement du problème allemand et sur l’amélioration des relations de l’Allemagne de l’Ouest avec les États de l’Europe de l’Est.
Trois questions n’avaient guère trouvé de solution pendant la période de la guerre froide : la situation territoriale héritée de la guerre, le statut de Berlin et l’existence de deux entités politiques allemandes, symbole de la division du monde : la RFA et la RDA.
Le règlement du problème territorial:
Jusqu’en 1969, la politique étrangère de la RFA menée par les trois chanceliers chrétiens-démocrates (Konrad Adenauer 1949-1963, Ludwig Erhard 1963-1966, Kurt Kiesinger 1966-1969) est celle qu’avait défini le chancelier Adenauer, qui l’avait fondée sur le choix de l’Occident. Il noue, certes, dès 1955 des relations diplomatiques avec l’Union soviétique et amorce un rapprochement prudent avec la Pologne, mais le poids politique des réfugiés et rapatriés le contraint à une grande prudence et imprime une certaine raideur à la politique étrangère ouest-allemande. Cette politique est fondée sur deux principes en partie contradictoires : la volonté d’ancrer l’Allemagne fédérale à l’Occident et en particulier à la construction euro-péenne et en même temps la revendication d’une Allemagne réunifiée, c’est-à-dire le refus de reconnaître l’Allemagne de l’Est, considérée comme zone d’occupation soviétique, et la prétention de la RFA à représenter tous les Allemands. La doctrine Hallstein (du nom du secrétaire d’État aux Affaires étrangères) consiste à menacer de rompre les relations diplomatiques avec tout État qui reconnaîtrait le régime de Pankow (Berlin-Est).
L’Ostpolitik. À la suite des efforts de détente américano-soviétique et de la politique à l’Est du général de Gaulle, la RFA qui profite des marchés de l’Europe orientale s’ouvre à l’Est. L’Ostpolitik, esquissée dès 1966 par les gouvernements de « la Grande Coalition » (comprenant à la fois des chrétiens-démocrates, des sociaux-démocrates et des libéraux), est développée à partir de 1969 par W. Brandt, qui sort vainqueur des élections, à la tête d’une coalition restreinte aux sociaux-démocrates et aux libéraux. C’est lui qui va mener la politique de rapprochement avec l’Est, à l’imitation de ce qu’a fait le général de Gaulle et de ce que tente le président Nixon.
Le rapprochement des deux Allemagnes est préparé par les entrevues d’Erfurt, le 19 mars 1970, et de Kassel, le 21 mai 1970, entre Willy Brandt et le premier ministre de l’Allemagne de l’Est, Willi Stoph.
L’accord RFA-URSS. Mais c’est avec les Soviétiques que les Allemands commencent des négociations qui aboutissent au traité de Moscou du 12 août 1970. Aux termes de cet accord, Allemands de l’Ouest et Soviétiques déclarent que l’objectif le plus important des deux parties est la paix et la détente, reconnaissent l’inviolabilité des frontiére européenne et maintiennent explicitement les droits des quatre puissances a Berlin.
La reconnaissance de la frontière gennano polonaise. les discussions avec la Pologne achoppaient sur la question de la ligne Oder Ncisse, que les AIle mands de l’Ouest n’avaient jamais voulu reconnaître. Finalement, le traite signé le 7 décembre 1970 affirme l’intangibilité de cette frontière. I .’image du chancelier W. Brandt agenouillé devant le monument élevé à la mémoire des victimes du ghetto de Varsovie donne une dimension humaine à la réconcilia tion germano-polonaise.
Le statut de Berlin. Entre les deux Allemagnes, la difficulté essentielle reste le problème de Berlin, en particulier la liberté d’accès à Berlin-Ouest. De longues négociations permettent la conclusion le 3 septembre 1971 d’un accord quadripartite sur Berlin, stipulant le maintien des droits des quatre puissances occupantes et la mise en place d’un statut spécial. Les Occidentaux acceptent que la ville ne soit plus considérée comme un Land de la RFA ; les voies d’accès sont réglementées avec minutie. De son côté, l’Union soviétique s’engage à ne plus entraver la circulation et à améliorer la situation résultant de l’existence du « mur ». Cet accord permet enfin d’entamer la réconciliation entre la RFA et la RDA.
La reconnaissance des deux Allemagnes. Les conversations aboutissent à un texte aux termes duquel les deux Etats se reconnaissent et vont échanger des représentants diplomatiques. Jusqu’alors, la RFA s’était considérée comme représentante de droit de l’ensemble de l’Allemagne. Le traité avec l’Allemagne de l’Est reconnaît explicitement qu’aucun des deux États n’a de souveraineté en dehors de ses frontières actuelles.
Encore faut-il que le Bundestag, où le parti chrétien-démocrate est majoritaire, approuve le traité. Les traités de Moscou et de Varsovie ne sont votés le 17 mai 1972 que de justesse. Après une dissolution du Bundestag et de nouvelles élections qui donnent une majorité plus confortable au gouvernement de Willy Brandt, le traité fondamental entre les deux Allemagnes est finalement ratifié le 21 décembre 1972.
L’une des conséquences essentielles de ce traité est la reconnaissance de la RDA par de nombreux États occidentaux et l’admission des deux Allemagnes aux Nations unies en septembre 1973. La consécration de la séparation juridique des deux États allemands et Ostpolitik ont le mérite d’humaniser la condition des populations allemandes séparées ; mais le fait d’accéder à la vie internationale consolide les structures de l’État est- allemand.
La conférence d’Helsinki:
La même ambiguïté préside à l’Acte final de la conférence d’FIelsinki, point d’orgue de la détente. Dès 1954, l’URSS, soucieuse de garantir les frontières européennes nées de la guerre, réclame une conférence sur la sécurité européenne. Les Occidentaux, qui n’avaient pas accepté formellement la situation de fait que l’Europe connaissait depuis Yalta et le rideau de fer, posent leurs conditions, en particulier la conclusion d’un accord sur Berlin et la participation des États-Unis et du Canada. La détente donne l’occasion d’ouvrir des pourparlers préparatoires à Helsinki du 22 novembre 1972 au 8 juin 1973, puis du 3 au 7 juillet 1973, enfin de véritables négociations de septembre 1973 à juillet 1975.
Cette Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), à laquelle sont représentés 35 États européens, adopte le 1er août 1975, un acte final signé par de nombreux chefs d’État et de gouvernement, dont Leonid Brejnev et Gerald Ford (qui a succédé à Nixon en 1974). Subdivisé en trois chapitres ou « corbeilles », l’Acte final consacre de grands principes : égalité des États, non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État, autodétermination des peuples, inviolabilité des frontières européennes et renonciation au recours à la force pour régler les conflits. Il prévoit le développement de la coopération économique, scientifique et technique. Enfin, il garantit la défense des droits de l’homme et en particulier la notion de libre circulation des personnes et des idées.