La grande fracture sociale de décembre le grand refus par l'opinion (1995-1997)
Si chômage et exclusion sont les principaux éléments sociaux de la vie de la France dans les années 90 et, à mon sens, l’essentiel de la vie des Français, le plus grand évènement au sens où l’on parle, trente ans après encore, des « évènements de mai 68 » — de l’histoire sociale, et sans doute de l’histoire tout court, est la grande fracture sociale des mois de décembre 1995 et 1997, le « grand refus », comme il a été titré10. Que nombre d’observateurs aient été surpris que l’opinion se « rebiffe » ne prouve rien, sinon qu’ils appartiennent à un monde privilégié, ce qui à l’évidence est de piètre importance, sauf pour eux. Que d’assez nombreux experts des « importants », dira-t-on même parfois, en retrouvant une vieille expression, « proéminents » — aient réagi avec mépris et hargne confirme l’existence de cette « bulle » aseptisée (et scandaleuse) et la valeur historique de l’événement.
Les prodromes : l’opinion commence à se r « rebiffer »(1994-1995)
La préhistoire en avait été l’agitation de mars 1994 contre le ( ‘ontrat d’insci don professionnelle (CIP). Deux décrets parus le 24 lévrier I994 au lonnuil officiel en application de la loi quinquennale sur l’emploi instituent un (‘.outrai d’insertion professionnelle (CIP), qui prévoyait pour les jeunes le versement d’un salaire correspondant à 80 % du SMIC. En réponse, 10 000 étudiants et lycéens manifestent le 3 mars 1994 à Paris. Beaucoup plus extraordinaire, la première manifestation syndicale unitaire depuis trente ans se produisit le 17 mars 1994 et se caractérisa par une forte mobilisation contre le CIP 30 000 à 50 000 manifestants à Paris — et par les violences de « casseurs ». Plusieurs journées nationales d’action des lycéens et des étudiants se produisirent ensuite, et le Premier ministre, Edouard Balladur, remplaça le CIP par un dispo sitif d’aide de PÉtat aux entreprises embauchant des jeunes. Un deuxième mouvement précurseur fut celui des grèves et manifestations du printemps de l’année 1995 : les cinq semaines de grève à Air Inter en mars-avril ; grève à la RATP et à la SNCF le 30 mars 1995 ; nouvelle grève à la RATP les 19 et 20 avril 1995 ; manifestations contre la déréglementation des services publics les 30 et 31 mai 1995.
Le 25 juillet, la commission des comptes de la Sécurité sociale annonça que le régime général était menacé d’un déficit cumulé proche de 180 milliards de francs, pour les années 1994, 1995 et 1996. En fin de l’été 1995 et à l’automne, le climat social devint franchement mauvais. Le 24 août 1995, provoquant un tollé syndical, le ministre de l’Economie et des Finances, Alain Madelin, mit en cause le système de retraite des fonctionnaires et la faible différence entre le RMI (« revenu minimum d’insertion ») et le SMIC, et souhaita que le gouvernement revienne sur les avantages acquis. Le 25, le Premier ministre Alain Juppé annonça qu’il avait accepté la démission présentée par Madelin, et justifia cette éviction par sa volonté de privilégier la « justice sociale ». Le 4 septembre Alain Juppé annonça le gel du pouvoir d’achat des fonctionnaires pour 1996. En réponse, eut lieu une grève générale unitaire de la fonction publique, le 10 octobre, décidée par les sept fédérations de fonctionnaires. Entre-temps, le 4 octobre, à l’occasion des 50 ans de la Sécurité sociale, Jacques Chirac prôna des « réformes profondes » pour la sauver de la faillite. Cela n’empêcha pas le 16 octobre Elisabeth Hubert, ministre de la Santé, d’annoncer la hausse du forfait hospitalier de 55 à 70 francs. Et pourtant, le 30, les huit organisations syndicales acceptent le principe d’une réforme de la Sécurité sociale, initiative sans précédent depuis 1967. Le 15 novembre 1995, Alain Juppé présenta un plan de refonte du système de santé.
Avant la grève de décembre 1995, si longue, il n’était question que de « fracture sociale ». Jacques Chirac avait, avec succès, fait campagne sur ce thème. Depuis son élection à la présidence de la République, il était devenu habituel d’opposer ses faits et gestes, puis plus encore ceux de son Premier ministre, à ce diagnostic, par ailleurs indiscutable. Mais, éternisé, le conflit a provoqué, singulièrement en province, des manifestations qui en disent long sur le malaise pernicieux qui a étreint le pays : rancœurs accumulées, incompréhensions ressassées ou, tout simplement, angoisses qui ne demandaient qu’à s’exprimer.
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Est apparue une sorte de solidarité entre ceux qui travaillent et ceux qui sont en dehors des sphères du travail, solidarité active, démontrée lors des événements cie décembre 1995, qui va bien au-delà de la simple compassion et amène à prendre conscience de l’injustice et conduit à la révolte.
La vague de grèves et le mouvement de solidarité : des « grèves par procuration » ?
Au mépris de toute prudence, « droit dans ses bottes » comme il aime à le dire, le Premier ministre était décidé à passer outre. Dès lors que l’on entend passer en force ou que l’on élabore la réforme dans le secret, comme le fit Alain Juppé, on s’expose à des réactions vigoureuses. Ce fut d’abord la présentation par Alain Juppé d’un plan de réforme du financement de la Sécurité sociale (15 novembre), puis, quatre jours plus tard, l’annonce par Jean Arthuis, ministre de l’Economie, qu’il envisageait la suppression de l’abattement fiscal de 20 % en faveur des salariés. Entre-temps, le 17 novembre 1995, la direction de la SNCF et le gouvernement avaient présenté le contrat de plan selon lequel les régions devaient gérer le réseau local de la SNCF.
Le 24 novembre 1995 débutait la grève à la SNCF contre le plan Juppé et le contrat de plan de l’entreprise. La journée d’action des fédérations de fonctionnaires, à l’exception de FO, et la grève interprofessionnelle de la CGT provoquent de fortes perturbations, à la SNCF notamment, qui appelle à la poursuite de la grève en protestation contre le contrat de plan et les réductions d’emploi qu’il prévoit, et contre le plan Juppé. Les manifestations sont massives à Paris et en province grâce aux renforts des étudiants et des salariés en grève. Le 28, pour la première fois depuis la scission de 1947, les secrétaires généraux de FO (Marc Blondel) et de la CGT (Louis Viannet) défilent côte à côte à Paris, avec la Fédération syndicale unifiée (FSU) et le Syndicat des médecins libéraux (SLM), au cours d’une nouvelle journée d’action sur la Sécurité sociale, tandis que la grève touche également la RATP. Le 30, alors que le franc est victime d’un accès de faiblesse face au mark, et que la paralysie est totale à la SNCF et à la RATP, La Poste et EDF-GDF rejoignent le mouvement de grève. Le 2 décembre, la CGT et FO appellent à la généralisation de la grève et il y a 247 défilés le 5. Le 7, des manifestations se produisent partout en France, parfois plus massives qu’en mai 1968. Plus d’un million de personnes, au sein de 320 cortèges, défilent dans le pays. Le 10, Juppé tente de désamorcer le conflit social en proposant un « sommet social ».
Le 12, deux millions de manifestants défilent, à l’appel de la CGT, de FO et de la FSU, dans 270 cortèges. Des slogans réclamant la démission de Juppé apparaissent. Le 18, au 25ejour de grève, la reprise du travail se confirme à la SNCF et à la RATP. Seuls les traminots de Marseille poursuivent leur mouvement. Le 21, la réunion des partenaires sociaux, à l’hôtel Matignon, n’aboutit à un véritable accord ni sur les objectifs ni sur le calendrier présenté par le Premier ministre.« Sitôt présenté à l’Assemblée nationale par le Premier ministre, Alain Juppé, le 15 novembre 1995, le plan de réforme de la Sécurité sociale s’est heurté à l’hostilité d’une gratuit’ majorité de l’opinion publique | ci ri t Clu île Biie »| )…]. Mais si les Français n’approuvaient pas le plan Juppé, ils étaient bien les seuls. En quelques jours, la mobilisation populaire pour “le retrait du plan Juppé” provoquait, dans toute la France, le plus important mouvement de grèves des services et de la fonction publics depuis mai 1968. »
Toutes les conditions d’un conflit entre le peuple et les détenteurs du ponvoii étaient depuis longtemps réunies. Le cri « Tous ensemble, tous ensemble, tous ! » avait fait son apparition chez les supporters de l’Olympique de Marseille (OM) lors de la victoire en coupe ei’Europe au Stade-Vélodrome de Marseille. Le cri deviendra slogan politico-social dans les années 90, dès les manifestations anti-CIP en 1994. Il devient le « logo » du mouvement de 1995, avant de rede venir un slogan de stade en juillet 1998 pour le Mondial12. « La “réforme” — en novlanpfue, l’offensive contre le monde du travail — allait constituer le détonateur. A juste titre : entre la contribution de 0,5 % sur tous les revenus pour le remboursement de la dette sociale ( RDS), la hausse des cotisations maladie des retraités et chômeurs, la réallocation de sommes du Fonds de solidarité vieillesse et la limitation de différentes prestations, les ménages étaient appelés à financer les trois quarts de l’effort, les entreprises 4 % et les revenus financiers 1,5 %. Avec une addition particulièrement lourde pour les retraités et chômeurs aux revenus voisins du SM1C : 3 000 francs supplémentaires par an.
D’un côté l’énorme ras-le-bol d’une majorité de travailleurs, après des années de blocage des salaires, de majoration d’impôts ou de cotisations et de baisse du pouvoir d’achat, de détérioration des conditions — et d’augmentation des charges — de travail, de dégraissage des emplois stables et de multiplication des boulots précaires. Le tout sur fond de chômage et d’exclusion massifs, de course à la rentabilité et à la compétitivité, de déréglementation et de privatisation des entreprises et services publics, d’appels répétés à de nouveaux sacrifices adressés à des gens dont la moitié gagne moins de 7 000 francs par mois et un quart moins de 5 500 francs.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le plan Juppé, sous la pression de déficits publics soigneusement entretenus. Entre 1991 et 1993, le déficit budgétaire a presque triplé, passant de 133 à 345 milliards de francs pour se maintenir depuis à ce niveau (350 milliards de francs en 1994, 330 milliards de francs, estimés pour 1995) ; tandis que le déficit de la Sécurité sociale était multiplié par quatre, passant de 15 milliards de francs en 1992 à 56,5 milliards en 1993 (56 en 1994 et 62 en 1995) ; un niveau d’impasse cinq à six fois inférieur à celui de l’État pour des budgets comparables, mais que l’on a cumulé sur plusieurs années pour faire bon poids et dramatiser la situation.
Tout semblait prêt pour faire passer une “réforme” qui s’inscrit dans la droite ligne de ce qui s’est fait ailleurs en Europe . [Le plafonnement des cotisations instaure] dès l’origine un système de prélèvement non pas progressif, ni même proportionnel, mais dégressif, c’est-à-dire dont le taux diminue lorsque le revenu augmente, et dont la charge est donc d’autant plus lourde que le salaire est plus modeste. »
Une société française qui dit « non »
En conséquence, décembre 1995 a été la grande révolte française : la société française a dit “non”, selon le mot de Bernard Cassen. « C’est de France qu’est venu le premier coup de semonce sérieux contre l’avancée d’une mondialisation dont, en Europe, la Commission de Bruxelles et la plupart des gouvernements se sont faits les prosélytes. C’est que l’opinion française, majoritairement solidaire des grévistes du secteur public, commençait, elle, à établir un rapport direct entre le type de construction communautaire actuellement en cours et les projets du gouvernement d’Alain Juppé, massivement rejetés par les centaines et les centaines de milliers de manifestants qui battaient le pavé des rues de Paris et des régions.
Elle avait finalement assimilé le discours qu’on lui tenait depuis des années sur les “contraintes” européennes — qui épousaient parfaitement celles des “marchés” et de la mondialisation — et sur les “engagements européens de la France”, véritables machines de guerre contre les entreprises et les services publics. Jamais, depuis 1968, un mouvement social n’a suscité autant de tentatives d’exégèse, de recherche de sens, de quête de finalités sous-jacentes. Et, paradoxalement, ce sont ses adversaires qui, flairant d’emblée le danger de remise en cause de leur statut et de leurs intérêts dont le mouvement était porteur, ont, en vrais professionnels de la défense de l’ordre établi, d’abord serré les rangs, puis rapidement formulé, parfois la rage au cœur, le diagnostic correct : ce qui était en cause ce n’étaient pas seulement des régimes de retraite ou une “réforme” de la Sécurité sociale, c’était bien un type de société inhumain, soumis aux seuls impératifs de la rentabilité du capital.
Le mouvement de décembre [1995] a cependant mis un très gros grain de sable dans des mécanismes qui fonctionnaient sur un implicite camouflé derrière des impostures terminologiques : la “réforme” pour dire la contre-réforme, les “privilèges” pour désigner l’aspiration légitime de tout être humain à la sécurité, etc. Il a créé un rapport de forces nouveau en France et, par son effet de contagion au-delà des frontières de PHexagone, dans le reste de l’Europe. »
Les syndicats français au défi des « gueux »
Une des principales conséquences de la crise sociale de décembre 1995 a-t- ! elle été une mutation du syndicalisme français ? Réveillés par le mouvement social de décembre 1995, les syndicats français auraient-ils été mis au défi ? « Revenu au premier plan de l’actualité à l’occasion du mouvement 1 social de décembre dernier, le syndicalisme français a beaucoup perdu en puis- î sance depuis près d’un demi-siècle. Sa refondation dépendra de sa capacité à prendre en compte des forces et des aspirations nouvelles. Les grèves du secteur
public et le soutien dont elles ont bénéficié dans l’opinion permettent de préciser l’identité de ces forces et la nature de ces aspirations.
De 1947 à 1958, le pourcentage des syndiqués passe de 50 % à 27 %. De 1958 à 1977, le pourcentage de syndiqués se stabilise, voire augmente légèrement, passant de 27 % à 30 % En 1978 s’amorce une chute brutale : de 30 %, le pourcentage de syndiqués tombe jusqu’à atteindre son niveau actuel de 11 % ; la CGT perd les trois quarts de ses adhérents, ja CFDT près de la moitié, FO environ le tiers. Quant à la FFN (Fédération de l’Education nationale), avant même la scission qui, en 1994, donne lieu à la naissance de la Fédération syndicale unitaire (FSU), elle a perdu près de la moitié de ses adhérents. Et, aux élections aux comités d’entreprise, ce sont les “non-syndiqués” qui désormais se situent en tête, passant de 17 % à 28 % des suffrages.
[…] Et chaque mouvement social apporte à sa manière des éléments de réponse à cet affaiblissement : la forme “coordination”, lors des luttes que mènent les cheminots, puis les infirmières ; la “démocratie des assemblées générales” que généralise le mouvement de décembre 1995. Aucune de ces pratiques ne vise à se substituer au syndicalisme, mais elles signalent des envies auxquelles celui-ci répond mal : souci d’agir dans l’unité, volonté d’indépendance par rapport à des stratégies décidées ailleurs, attente d’un syndicalisme de proximité, où chacun peut contrôler, participer, élaborer. Le tout dans un contexte où tous les sondages signalent un renouveau de l’aspiration à un syndicalisme plus fort, sans pour autant que celui-ci se prolonge par une syndicalisation effective.
C’est dans cet environnement complexe que des éléments nouveaux ont récemment modifié la donne. Et d’abord la création de la Fédération syndicale unitaire (FSU ), qui coïncide avec l’échec du projet de “recomposition syndicale” poursuivi par la FEN. La Fédération de l’éducation nationale envisageait le rassemblement en une seule confédération des organisations constitutives d’un syndicalisme “réformiste” (FO, CFDT, FEN et certains syndicats autonomes, telle la Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF). Pour arriver à ses fins, la direction de la FEN n’hésite pas à chasser de ses rangs les syndicats contestataires. Mais la “recomposition” ne se fait pas : FO boude, la CFDT, divisée, a du mal à s’y insérer. Et, paradoxalement, les syndicats exclus non seulement gardent leurs adhérents, mais en recrutent de nouveaux. Pour la première fois dans l’histoire du syndicalisme français, une scission ne se traduit pas par une perte nette d’effectifs. Grâce à sa capacité à inventer des pratiques nouvelles, la FSU apportera même la preuve aux élections professionnelles qu’elle est majoritaire en milieu enseignant.
Presque au même moment, le “Groupe des dix” — qui réunit en réalité près d’une vingtaine d’organisations aux tailles différentes et aux histoires diversifiées — signale la naissance d’un syndicalisme autonome à l’allure inhabituelle. Les piliers de ce groupe sont le Syndicat national unifié des impôts (SNUI) et SUD-PTT, [deuxième syndicat à France Télécom et quatrième à la Poste], Le SNUI et SUD (Solidaires, unitaires, démocratiques) représentent assez bien les deux trajectoires qui caractérisent le Groupe des dix. L’histoire du SNUI est imprégnée du refus de la division syndicale, et une partie de sa tradition est corporatiste. SUD-PTT est né il y a une dizaine d’années de l’exclusion de la CFDT des équipes syndicales PTT d’Ile-de-France. [Un passé commun relie ces équipes syndicales. Flics appartiennent lotîtes a la gauche syndicale cl, plus précisément, a la gauche de la C TD1. La transformation de la centrale, par Nicole Notât1‘, en un syndicat réformateur, principal interlocuteur des pouvoirs publics et du patronat, a déchiré sa gauche, j Unitaire, combatif, présent dans une série de batailles sociétales à Agir contre le chômage (AC !) ou dans la défense des droits des femmes—, SUD a obtenu des résultats flatteurs à La Poste et à France Télécom (27 % des voix, derrière la CGT mais devant la ( D P), prouvant ainsi que, dans ce milieu, une organisation “radicale” pouvait avoir une audience de masse ; l’attelage SNUI-SUD a tourné le bloc des autonomes vers un syndicalisme combatif.
Ces dernières années, un rapport de force relativement équilibré perdure au sein de la CFDT. C’est dans ce paysage syndical que le mouvement social de décembre 1995 a déclenché un véritable séisme. On en connaît les manifestations extérieures : une CFDT déchirée entre une base qui conspue le plan Juppé et une direction qui semble l’approuver ; une CGT très ferme, mais qui refuse obstinément de se laisser porter à la tête du mouvement ; une poignée de main entre Marc Blondel — [élu le 4 février 1989 secrétaire général de FO, succédant ainsi à André Bergeron, au terme d’un congrès houleux] — et Louis Viannet — élu secrétaire général de la CGT le 31 janvier 1992, succédant ainsi à Henri Krasucki —, souvent prolongée par l’unité d’action au niveau local, et qui, à FO, représente une révolution culturelle tant l’anticommunisme a été le premier ciment de l’organisation ; des petits nouveaux, SUD-PTT et la FSU, qui conquièrent une place de choix dans les grèves et dans les manifestations. Mais la mue syndicale, probable, dépendra largement de la capacité des organisations de salariés à répondre à quelques questions de fond.
En décembre [1995], tous les observateurs ont été frappés par la renaissance, à la base, de l’“interpro” : pas une assemblée générale de cheminots sans qu’y assistent, ou y participent, trois postiers, quatre agents des finances, deux employés communaux et quelques gaziers. [… Les] salariés du secteur privé se sont identifiés à ce qu’ils avaient de commun avec leurs camarades du secteur public, et ils n’ont guère été sensibles à ce qui les en distinguait. [… Le] patronat et le gouvernement n’ont pas réussi à opposer chômeurs et grévistes. Les chômeurs ont en effet observé avec sympathie grèves et manifestations. Lorsqu’il a été possible de dépasser ce stade de la sympathie, ce sont presque toujours les chômeurs qui ont fait mouvement vers les salariés, notamment par leur participation aux manifestations des organisations syndicales. Seront-ils payés de retour ? La jonction entre les actifs et les chômeurs est une question décisive pour l’avenir du mouvement ouvrier français. Une réussite comme Agir contre le chômage (AC !) et des efforts faits ici et là ne peuvent dissimuler que le mouvement syndical est largement en retard dans ce domaine.
En décembre [1995], la volonté d’une Europe différente de celle que propose le traité de Maastricht s’est fortement exprimée pendant le mouvement social. Les pratiques européennes des syndicats sont-elles vraiment à la hauteur des enjeux ainsi posés ? Certes, les cheminots ont mené la première grève coordonnée à l’échelle européenne. Mais ce fut aussi la seule. Car les contacts au niveau des branches sont encore largement embryonnaires, la Confédération européenne des syndicats, qui maintient encore à l’encontre de la CGT une exclusive d’un autre âge, n’apparaissant pas comme le lieu naturel de cette concertation. »
Vidéo : La grande fracture sociale de décembre le grand refus par l’opinion (1995-1997)
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : La grande fracture sociale de décembre le grand refus par l’opinion (1995-1997)
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