Le lien entre le mot francais " ansériforme " et le mot russe "gous " ?
Apparemment ces deux mots ne se ressemblent pas du tout. Et pourtant…
Le mot ansériforme est formé à partir des racines latines anser (qui signifie oie) et -forme. Cet mot désigne donc ce qui se rapporte aux oies et. effectivement, ansériforme est le nom de l’ordre des oiseaux auquel appartient l’oie. La racine anser a pour étymon la racine indo-européenne ghans (qui devient selon les lois phonétiques hans et que le latin élargi au moyen du suffixe -er : ce qui donne hanser puis anser).
En vieux russe (slavon). la racine ghans (toujours selon les lois phonétiques. mais cette fois appliquées au slavon) donne gosi et. par dérivation, en russe gous (ce qui signifie oie).
L’orthographe, un signe visible de l’évolution phonétique
Pour dissiper tout doute concernant l’évolution phonétique d’une langue, il suffit de noter qu’en français (mais cela est également le cas dans d’autres langues), l’orthographe d’un mot est parfois fort éloignée de sa prononciation, ce qui prouve que cette dernière a été différente à un moment donné de l’histoire (contentons-nous, ici, du mot roi pour seul exemple ; ce mot qui aujourd’hui se dit rwa mais continue à s’écrire roi).
On notera, également, au passage, que l’orthographe française garde beaucoup de traces des soucis des grammairiens des 17e et 18e siècles qui souhaitaient refléter dans l’orthographedu mot son étymologie (ce qui a eu pour conséquence certaines aberrations orthographiques mais aussi des règles qu’il est utile de connaître pour ne jamais se tromper dans l’orthographe d’un mot). Antoine Dhem (professeur d’anatomie à l’UCL), lors d’un exposé en 1984 sur le thème L’étude des langues anciennes est-elle encore utile au français, remarquait qu’« étant donné que bon nombre de termes scientifiques contiennent souvent, vu leur origine grecque, des «y » ou des « th », il est de bon ton pour l’étudiant mal préparé à ses tâches universitaires d’en introduire le plus possible et en dépit de toute règle ».
Parmi les nombreux phénomènes découverts par les phonologues, quelques-uns sont particulièrement intéressants et illustrent parfaitement le processus dynamique de l’évolution de la langue populaire Ces phénomènes sont l’épenthèse, le remplacement de certaines voyelles, l’adoucissement de certains sons, l’amuïssement, le rhotacisme et l’assibilation. ils sont surtout significatifs pour certaines langues car, bien entendu, il n’existe pas de loi phonétique qui soit universelle et valable pour toutes les langues. Il est important de retenir qu’une loi phonétique n’est valable que pour une langue ou même un dialecte donnés et à un moment historique précis (une loi valable pour le grec ne sera pas valable pour le latin ou le français et une loi valable pour le français du 16e siècle en Gascogne ne sera pas valable pour le français parisien du 19e siècle).
Les linguistes actuels, même s’ils continuent à appliquer les « lois phonétiques » sont bien conscients aujourd’hui que de nombreux facteurs réduisent l’action de ces lois. Ainsi, les phénomènes décrits ci-après se rencontrent essentiellement dans le langage populaire, celui qui subit la pression d’une partie importante de la population et beaucoup moins dans la langue savante où le mot conserve plus volontiers sa structure d’origine. Ils se rencontrent d’autant plus qu’un mot est fréquent dans le langage (un mot rare, précieux, littéraire a moins tendance à subir la pression de la population). C’est la raison pour laquelle plutôt que de parler de « lois phonétiques », les linguistes actuels préfèrent parler de tendances phonétiques, sachant que les influences sur les mots sont extrêmement nombreuses et, qu’en fin de compte, chaque mot possède sa propre histoire phonétique même si elle s’inscrit dans une tendance générale à un moment historique donné dans un cadre géographique précis.
Outre les différentes modifications dues à la paresse (loi du moindre effort articulatoire), trois autres phénomènes sont également responsables de l’évolution des mots (ici aussi, la surdétermination joue). Ces trois phénomènes sont le substrat, le superstrat et l’adstrat. Il s’agit de mots techniques mais le concept est simple à comprendre. On parle de substrat lorsqu’une population adopte une nouvelle langue tout en gardant ses anciennes habitudes articulatoires (c’est ainsi qu’un français comprendra beaucoup mieux l’anglais parlé par un de ses compatriotes que s’il est parlé par un anglais de pure souche) pour autant qu’elles ne soient pas jugées vulgaires. On parle de superstrat lorsqu’une langue subit pendant une longue période l’influence d’une autre langue jugée supérieure (soit qu’elle soit de culture supérieure, soit qu’elle soit celle du conquérant). C’est le cas, pour le français du superstrat germanique sous les rois francs. On parle d’adstrat lorsqu’une langue subit l’influence d’une langue voisine. C’est le cas du français en Belgique, en Suisse, au Canada, en Alsace, etc. Ce qui explique qu’on trouve en librairie des dictionnaires du français alsacien, du français parlé en Belgique, etc.