Les âmes : Religions
Ayant marqué les deux derniers siècles, et tout particulièrement la fin de la guerre froide (1947-1989), qui avait vu s’étendre à l’échelle de la planète le conflit capitalisme/communisme, ont mis en crise les identités politiques et sociales. Cela a sans doute également favorisé la ré émergence, partout, des identités religieuses et ethniques ».
Les religions ont connu, au cours des dernières décennies, en raison notamment des changements démographiques, des évolutions géographiques considérables. Le christianisme (avec ses trois grands courants : catholiques, orthodoxie et protestantisme) demeure la première religion mondiale, avec 1,7 milliard de baptisés et une bonne implantation dans des régions à forte natalité (Amérique latine, Afrique). En outre, le pentecôtisme, moins libéral en matière de mœurs que le luthérianisme ou le calvinisme, créé en 1906, compterait entre 100 et 300 millions de fidèles, soit autant que toutes les Eglises protestantes réunies. Le militantisme pentecôtiste et son prosélytisme agressif en Amérique latine ont encouragé, depuis 1967, la naissance, au sein de l’Eglise catholique, du mouvement charismatique, qui compterait déjà plus de 60 millions de fidèles.
La deuxième religion de la planète est l’islam (sunnites, chiites et autres courants confondus), avec 1,1 milliard de croyants. Cette religion est de moins en moins arabe et proche-orientale, les quatre premiers pays musulmans de la planète étant l’Indonésie, la Pakistan, le Bangladesh et l’Inde. La troisième religion mondiale est l’hindouisme, avec 800 millions de fidèles, dont 95 % vivent en Inde. Le bouddhisme (dans ses diverses écoles : Petit et Grand Véhicule ainsi que bouddhisme tibétain) est la quatrième religion de la planète avec 350 millions de pratiquants, dont 98 % habitent en Asie. L’influence des religions dans le monde ne se mesure pas forcément au nombre de ses fidèles. Ainsi le judaïsme, dont le nombre de croyants (environ 14 millions) reste identique, en raison du génocide commis par les nazis, à ce qu’il était il y a cent ans, a profondément marqué le XXe siècle. Bien plus que les sikhs (18 millions), les mormons (10 millions), les témoins de Jéhovah (6 millions) ou les baha’ïs (6 millions).
Le Vatican et le nouvel ordre moral
Depuis son élection, en octobre 1978, le pape Jean Paul II s’est efforcé de ,] corriger, dans un sens plus conservateur, la ligne moderniste et progressiste qu’avaient fixée les papes Jean XXIII et Paul VI, ainsi que le concile Vatican II ] ( 1962-1965). Le chef de l’Eglise catholique a condamné, à plusieurs reprises, les défenseurs de la théologie de la libération et s’appuie sur des organisations comme l’Opus Dei ou liées au renouveau charismatique.
Les défis de l’islam
« Depuis la fin du communisme, POccident s’est découvert un nouvel i ennemi, l’islamisme [constate François Burgat. De l’Algérie au Pakistan, en passant par l’Egypte et les banlieues européennes, le fondamentalisme religieuxreprésenterait une menace mortelle pour la démocratie. Cette vision simpliste occulte le caractère dictatorial des régimes qui font face à la contestation religieuse ; elle gomme également la diversité du mouvement islamiste dont certaines composantes ont intégré les valeurs du pluralisme et de la modernité.
La première résulte de la réserve, au demeurant légitime, qu’inspire un discours dont l’efficacité repose sur la capacité de rendre à nouveau les Occidentaux… étrangers. Une culture de l’ancienne périphérie coloniale veut retrouver l’accès à l’universalité, notamment politique, sans souscrire à l’entier répertoire de la terminologie occidentale : la réislamisation procède de cette exigence, et c’est bien ce qui dérange.
Un second obstacle obscurcissant la perception des Occidentaux résulte de la propagande de la quasi-totalité des régimes arabes acculés à la défensive. Mais alors qu’en terre arabe la diabolisation systématique de l’islam d’opposition et la tentative de criminaliser chacune de ses manifestations sont en partie atténuées par l’image plus réaliste que les militants islamistes donnent d’eux-mêmes dans les mosquées, dans les associations et dans le mouvement syndical, en Occident, la reproduction du discours de régimes aux abois (y compris, depuis la guerre du Golfe, l’Arabie Saoudite avec sa formidable capacité de mobilisation médiatique) tend à se substituer à l’analyse.
Et la mise en scène médiatique des éléments les plus radicaux achève de brouiller les cartes et de faire croire à l’existence d’un “orchestre islamique” où chacun, du poseur de bombe à l’hypocrite” partisan du jeu parlementaire, répondrait aux mêmes consignes secrètes. %
Cette vision simplificatrice occulte la diversité de la mouvance islamique. Pourtant, les dynamiques internes qui traversent ce courant indiquent des issues possibles pour sortir de l’impasse où s’est fourvoyée la transition du monde arabe vers la démocratie. Il faut pour le comprendre rappeler, tout d’abord, que le débat politique relève beaucoup moins qu’on ne le pense généralement d’un conflit de nature idéologique entre les tenants de la laïcité et ceux de l’islamisme. Plus prosaïquement, il procède d’une lutte pour le pouvoir entre des élites qui tentent de s’y maintenir et ceux qui veulent les en chasser.
Ce serait tomber dans une autre erreur que de percevoir le courant islamiste comme un tout homogène, doté d’une idéologie politique achevée et intangible, d’un programme et de modes d’action déterminés, voire d’une base sociale spécifique. Ce mouvement ne procède pas de l’émergence ou de la résurgence d’une idéologie politique dont les contours seraient aussi intangibles et intemporels que les versets du Coran. Il est l’expression d’un long processus de reconversion à l’univers symbolique de la culture précoloniale endogène (ou perçue comme telle) qui affecte, de manière différenciée, la quasi-totalité de l’échiquier politique arabe, alimentant un large éventail de conduites politiques.
Dans les pays du Nord, la revendication islamiste est parfois désagréable à entendre, car elle remet en cause le confortable monopole occidental de la production “légitime” en matière politique. Mais, dans un seul souci de réalisme, il serait urgent de distinguer entre les valeurs des sociétés occidentales, et que nous sommes fondés à défendre pourvu que nous le fassions partout avec la même ardeur —, et la terminologie qui a servi — dans une conjoncture historique déterminée — à les exprimer, et dont les membres d’une autre culture tentent de se démarquer partiellement. Ainsi, il serait souhaitable de dissocier l’analyse du processus de résurgence de la culture locale (ré islamisation) de celle de la lente émergence de conduites démocratiques ou, au moins, de cesser de percevoir la réislamisation et la démocratisation comme deux phénomènes totalement antinomiques. »
Mais force est de reconnaître la diversité — heureusement — de la mouvance islamique. Tout intégrisme n’est pas musulman et tout l’Islam n’est pas intégriste.
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