les Phéniciens, les Carthaginois, les Étrusques et les Grecs
la Méditerranée évoquée par Mario Torelli, dans laquelle les Phéniciens, les Carthaginois, les Étrusques et les Grecs s’affrontèrent pour le contrôle des circuits marchands, changea radicalement de nature avec la montée en puissance de Rome, cité née de la rencontre entre la culture étrusque et la culture latine, à l’embouchure du Tibre. L’influence des Étrusques sur Rome peut être mesurée en comparant les noms des dieux et des héros grecs et romains : c’est en passant par la langue étrusque que Perséphone devint Proserpine et qu’Odysseus devint Ulysse, alors qu’Athéna s’appelait Minerve en latin comme en étrusque (Menrva).
Les exigences du commerce conduisirent aussi les Romains à adapter leur alphabet à celui des Étrusques. Pourtant, personne n’aurait pensé, au ive siècle avant notre ère, que l’avenir appartenait aux Romains. Ils avaient réussi à détruire Véies, leur puissante rivale étrusque, en 396, mais l’invasion gauloise de 390 laissait penser que les guerres entre les Romains et les Étrusques n’étaient pas la seule cause d’instabilité. Trois campagnes militaires contre Carthage, l’autre grande puissance méditerranéenne, furent nécessaires pour que soit écartée la menace que représentait l’influence punique au cœur de la Méditerranée. Le lent processus de colonisation des territoires soumis, l’affirmation de la culture latine par-delà la diversité ethnique et culturelle de la péninsule Italique, et la prise de contrôle des îles, conférèrent l’enracinement indispensable à une autorité politique qui s’étendait largement sur les terres méditerranéennes. Pourtant, Rome demeurait une culture tournée vers les modèles grecs, comme l’avaient été les Étrusques. À tel point que les plus anciens témoignages littéraires romains comprennent des traductions de tragédies grecques, et que les poètes latins tentèrent d’adapter le système prosodique grec, conçu pour une langue musicale, au latin, plus âpre.
En Orient, d’autres bouleversements majeurs s’opéraient. La guerre du Péloponnèse, au vesiècle, avait illustré l’enjeu capital que représentait le contrôle des routes commerciales reliant la Grèce à l’Italie et à l’Adriatique. Elle avait aussi marqué l’affirmation des valeurs démocratiques athéniennes face à celles, aristocratiques et farouches, défendues par Sparte. Mais la Grèce des cités-États allait bientôt connaître une évolution radicale. Dans le passé, Athènes avait combattu les empereurs perses. Pourtant, un nouveau danger menaçait en Grèce même : le royaume de Macédoine, dont les habitants étaient considérés comme des demi-barbares par les populations des cités helléniques, devint un État puissant, d’abord à l’échelle de la Grèce, avec Philippe V de Macédoine, puis à l’échelle du monde, quand Alexandre, son fils, lança ses armées contre la Syrie, l’Égypte, Babylone, la Perse et l’Inde. Alexandre mourut jeune et son royaume fut alors partagé entre trois dynasties rivales. Mais il laissa un héritage capital.
La culture grecque, mêlée aux anciennes cultures perse et égyptienne, s’implanta solidement en Méditerranée orientale. La période hellénistique fut marquée par l’édification de villes, par des activités commerciales florissantes et par la propagation des cultes grecs et égyptiens, préparant le terrain pour une nouvelle religion née du judaïsme et affichant une vocation universelle, le christianisme paulinien. Même la conquête de la Grèce par Rome, au milieu du Ier siècle, et la prise du pouvoir par les Romains en Égypte, sous Jules César et Marc Antoine, ne mirent pas un terme au rayonnement de la Grèce hellénistique.
Envisagés conjointement, l’expansion de Rome – qui en vint à englober les territoires carthaginois d’Espagne et d’Italie – et l’avènement de l’oikoumene – la « communauté » – hellénistique, transformèrent la Méditerranée en lui conférant une unité culturelle et politique. La distinction entre un Occident latin et un Orient grec allait encore persister pendant des siècles, mais les deux régions étaient désormais liées. La dynastie des Ptolémées d’Égypte, celle des Séleucides de Syrie, d’autres encore, menaient des campagnes militaires les unes contre les autres, perpétuant les rivalités anciennes. Leur appréhension des affaires locales pouvait, à l’occasion, se révéler consternante, comme lorsque Antiochus IV Epiphane voulut faire célébrer son culte dans le temple juif, en 167 av. J.-C., provoquant le soulèvement des Macchabées. Mais les intérêts des cités-États, comme Athènes et Sparte, se trouvaient désormais subordonnés à ceux d’entités politiques plus vastes. L’unité politique de la Méditerranée apporta la prospérité au commerce, permit de réprimer la piraterie et facilita la circulation sur les longues distances de produits d’importance vitale, comme le blé égyptien ou sicilien.
Les effets de cette unification étaient également visibles dans l’architecture et la sculpture, qui se répandirent d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Les Romains montraient un tel attachement pour l’art classique grec que les empereurs décoraient leurs palais avec des copies de Praxitèle et de Phidias. Au chapitre suivant, Geoffrey Rickman rapporte comment Polybe, l’historien grec de Rome, se rendit compte, au IIe siècle avant notre ère, que tous les événements survenant autour de la mer Intérieure étaient en relation les uns avec les autres. La Méditerranée ne formait plus désormais qu’un seul monde.
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