Les relations internationales depuis 1945: L'Afrique
Jusqu’en 1975, l’Afrique est restée en grande partie à l’écart de la confrontation entre l’Est et l’Ouest, et dans la mouvance des États d’Europe occidentale. Dans la période 1975-1985, l’Afrique, victime des rivalités des grandes puissances, en proie aux famines, ravagée par des conflits armés, connaît une détresse plus profonde que du temps de la colonisation.
L’accession à l’indépendance des dernières colonies:
Certes, en Algérie et au Congo, la décolonisation qui s’est opérée avec violence a provoqué des affrontements. Mais d’une façon générale, la plupart des États ayant acquis leur indépendance dans la paix ont maintenu leurs liens avec leur ancienne métropole, en particulier par le biais de groupements d’États, comme le Commonwealth, la Communauté française ou l’ensemble des États francophones.
Les seuls territoires à n’être pas alors décolonisés sont les colonies portugaises, qui deviennent indépendantes à la suite de la révolution portugaise du 25 avril 1974. Dès le 6 mai, la junte propose un cessez-le-feu général aux colonies. Le 26 août 1974 est signé à Alger un accord sur l’indépendance de la Guinée portugaise (Bissau) et des îles du Cap-Vert ; le 6 septembre, intervient l’accord de Lusaka sur l’indépendance du Mozambique où le Frelimo (organisation armée du Front de libération du Mozambique) s’empare aussitôt du pouvoir. Et le 26 novembre, c’est le tour des îles Sao Tomé et Principe. En Angola, plusieurs mouvements de libération se disputent le pouvoir et proclament la République le 11 novembre 1975. L’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) est aidée par l’Afrique du Sud. L’URSS et Cuba apportent un soutien de plus en plus important en matériel et en volontaires au MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola), ce qui lui permet de prendre le dessus, sans toutefois pouvoir venir à bout de la guérilla menée par l’UNITA. L’Angola accède donc à l’indépendance dans une atmosphère de guerre civile.
Les raisons économiques de l’enjeu africain:
Or le continent africain devient à la fin des années 1970 un enjeu capital pour plusieurs raisons. Il est constitué d’États économiquement faibles et politiquement instables, aux frontières artificielles, souvent déchirés par des conflits sociopolitiques. Il recèle d’immenses richesses minières.
Au début des années 1980, l’Afrique produit une proportion notable des minerais vitaux pour le monde industrialisé, soit 75 % des diamants, 70 % de l’or et du cobalt, 50 % du vanadium et du platine, 30 à 35 % du chrome et du manganèse, 20 % de l’uranium et du cuivre.
En outre, en raison de la multiplication des supertankers, le trafic pétrolier en provenance du golfe Persique vers l’Europe délaisse le canal de Suez et emprunte la route du cap de Bonne-Espérance à l’extrême sud de l’Afrique. Au début des années 1980, 60 % du pétrole à destination de l’Europe et 30 % du pétrole à destination de l’Amérique passent par là. Le contrôle de cette route et de ses étapes est essentiel. C’est pour toutes ces raisons que l’Afrique – notamment l’Afrique australe – devient un enjeu stratégique majeur et une nouvelle zone de compétition entre les deux blocs.
L’implantation communiste:
Le fait nouveau est l’intrusion des États communistes, URSS, Cuba, Chine, sur la scène africaine qui, à la faveur de la décolonisation portugaise et des révolutions malgache et éthiopienne, avancent leurs pions en Afrique.
La percée africaine de Moscou est due à sa solidarité inconditionnelle avec les luttes de libération et à une importante aide financière aux mouvements de rébellion (SWAPO de Namibie, ANC de Rhodésie) ; la tournée en Tanzanie, Zambie, Mozambique, de Nicolaï Podgorny (22 mars-1er avril 1977) est le premier voyage d’un chef d’État soviétique en Afrique noire. L’intervention soviétique, fondée sur des moyens de transport considérables avions gros porteurs à long rayon d’action, puissantes flottes marchandes et militaires , n’est pas exempte d’à-coups, comme le montrent les échecs subis en Egypte, au Soudan et en Somalie. C’est pourquoi son action est le plus souvent indirecte. Elle prend la forme d’envoi de spécialistes, originaires d’Allemagne de l’Est ou de Cuba.
La vocation africaine de Cuba, manifeste dès la tournée de Che Guevara en 1965, se concrétise en 1975 par l’intervention massive des Cubains en Angola. En Angola et au Mozambique, l’intervention des soldats cubains (opération « Carlota »), eux-mêmes appuyés par l’envoi de matériel soviétique grâce à un pont aérien, permet au Frelimo de triompher au Mozambique et au MPLA de remporter en Angola contre les deux autres mouvements de libération proches des Occidentaux. L’implantation militaire de Cuba, en Angola, au Mozambique, en Éthiopie, en Tanzanie, au Congo, en Sierra Leone, fait d’elle la première puissance étrangère sur le continent noir. La relation Moscou- La Havane en Afrique est complexe. Cuba agit à la fois en mercenaire de Moscou et de façon autonome en « missionnaire ». Du 12 au 30 mars 1977, Fidel Castro se rend tour à tour en Libye, Somalie, Éthiopie, Tanzanie, Mozambique et Angola.
En Afrique orientale, VUnion soviétique s’implante d’abord en Somalie, à la suite du coup d’État de Syad Barré en 1969. Elle lui apporte une aide économique et militaire, conclut même un traité d’amitié et de coopération. Puis en 1976, au terme d’un véritable retournement d’alliances, elle délaisse la Somalie pour l’Éthiopie, devenue communiste après la chute de l’empereur Hailé Sélassié (12 septembre 1974), remplacé par de jeunes officiers convertis au marxisme- léninisme. À la suite d’une tentative de coup d’État (3 février 1977), le lieutenant-colonel Mengistu Hailé Mariam devient chef de l’État. Une répression impitoyable s’ensuit. Et surtout, l’Éthiopie se lance à la reconquête de l’Ogaden, vaste plateau semi-désertique peuplé de populations somalis que les troupes somaliennes ont annexé à leur pays. Aidés par 20 000 soldats cubains, les Éthiopiens reprennent l’Ogaden en mars 1978 et viennent à bout de la guérilla menée par les autonomistes de l’Érythrée, colonie italienne jusqu’en 1941, administrée par les Britanniques jusqu’en 1952 et confiée depuis lors à l’Éthiopie par l’ONU.
En quelques années, l’influence soviétique a donc accompli des progrès considérables. L’Angola et l’Éthiopie, membres du COMECON, le Mozambique, le Congo, le Bénin, sont devenus des bastions de la politique de Moscou, qui entretient par ailleurs de bonnes relations avec l’Algérie et la Libye.
Les réactions occidentales:
Face à cette poussée, les réactions occidentales apparaissent limitées. Sous la présidence de J. Carter, les États-Unis ont pris leurs distances par rapport à l’Afrique du Sud ; ils ont favorisé l’avènement au Zimbabwe (ex-Rhodésie) d’un gouvernement dominé par une majorité noire et se sont abstenus d’intervenir directement. En outre, hanté par l’affaire vietnamienne, le Congrès refuse de voter des crédits pour une aide militaire nouvelle. La présidence de Reagan correspond à une reprise de la politique de soutien à l’Afrique du Sud, aux maquis anticommunistes, en particulier en Angola, et aux régimes conservateurs, comme celui du Zaïre. La politique britannique est discrète et dans certains cas, efficace, comme dans la transition du Zimbabwe vers l’indépendance, en 1980. Mais la position du Premier ministre Margaret Thatcher à l’égard de l’Afrique du Sud est jugée trop conciliante et suscite en 1986 une grande crise au sein du Commonwealth.
De son côté, la France a presque sans interruption constitué un frein à la déstabilisation du continent africain et à l’expansionnisme soviétique. De fait, elle y joue le rôle de gendarme régional. La France a conservé des liens privilégiés avec certains États comme le Sénégal, la Côte-d’Ivoire et le Gabon ou en a noué de nouveaux avec le Zaïre. L’implantation militaire de la France (10 000 hommes) se situe en premier lieu dans des départements ou territoires d’outremer : îles de la Réunion et Mayotte (qui, lors du référendum du 8 février 1976, a voté pour le maintien de l’union avec la France à la différence des autres îles de l’archipel des Comores), dans le territoire des Afars et des Issas, devenu indépendant le 27 juin 1977, et dans trois bases françaises, au Sénégal, en Côte-d’Ivoire cl au Gabon. La France a également passé des accords militaires avec la plupart de ses anciennes colonies pour la fourniture d’armes et de conseillers militaires.
La France soutient les pouvoirs en place. Elle apporte son aide au Zaïre pour sauver le régime du président Mobutu menacé en avril 1977 par l’incursion au Shaba de troupes étrangères venant de l’Angola, puis lors de l’opération de Kolwezi (19 mai 1978), cité minière que les Angolais menacent. Elle intervient militairement au Tchad contre les incursions de la Libye et la guérilla du Frolinat (Front de libération nationale du Tchad), et elle aide le Maroc et la Mauritanie dans leur lutte contre le Front Polisario.
Mais l’Afrique n’est pas seulement le lieu de la confrontation des puissances. Elle compte aussi des acteurs régionaux, comme l’Algérie et la Libye.
Les acteurs régionaux:
La Libye, pays très peu peuplé (4 millions d’habitants), mais doté d’immenses ressources pétrolières, est dirigée, depuis la révolution du 11 septembre 1969 qui a renversé la monarchie, par le colonel Kadhafi. Sa politique extérieure, marquée au début par le refus de la politique des blocs et donc par son hostilité aux deux Grands, s’est muée en un rapprochement de plus en plus étroit avec l’Union soviétique. Mais c’est avant tout un nationaliste arabe, qui met les richesses pétrolières de son pays au service de l’Islam et de la propagande révolutionnaire. Au début des années 1980, l’Occident voit la « main de Kadhafi » partout et la tension entre les Américains et les Libyens atteint son apogée lors du bombardement de Tripoli et de Benghazi par une cinquantaine d’avions de chasse et bombardiers américains dans la nuit du 14 au 15 avril 1986. Cependant l’influence de Kadhafi est érodée par l’effondrement des prix du pétrole à partir du début des années 1980 et par ses déclarations intempestives, ainsi que par ses interventions militaires au Tchad.
Les conflits régionaux:
Le Tchad, avec 1 284 000 km2 et moins de 8 millions d’habitants, est composé de populations très variées, chrétiens et animistes au Sud, musulmans au Nord, dont les conflits internes, attisés par la Libye voisine, aboutissent à une situation de rébellion et à une intervention des troupes françaises et libyennes (avril 1978-mai 1980). En 1979, les accords de Lagos reconnaissent le gouvernement de Goukouni Oueddeï comme le gouvernement légitime qui, chassé du pouvoir par un autre leader, Hisséne Habré, en juin 1982, repart à la conquête de la capitale, N’Djamena, aide par les libyens. La partie nord du Tchad est en effet convoitée par la Iibye dont les forces s’emparent de Faya Largeau en juillet 1983. Après beaucoup d’hésitations, le gouvernement français engage des unités parachutistes dans le cadre de l’opération Mauta, qui tourne court (août 1983-novembre 1984) en raison de l’accord réalisé entre Paris et Tripoli concernant une évacuation totale du Tchad (17 septembre 1984). Mais les attaques des troupes prolibyennes de Goukouni Oueddeï se poursuivant, la France intervient à nouveau par le dispositif aérien Épervier (février 1986) et soutient Hissène Habré dont les troupes reconquièrent les régions septentrionales occupées par les Libyens (mars 1987), à l’exception de la bande d’Aouzou (114 000 km2) située dans l’extrême nord du Tchad et annexée par Tripoli depuis 1973.
Le Sahara occidental, au temps de la colonisation, était devenu espagnol par un accord avec la France. Cet espace désertique de 256 000 km2 attire les convoi tises des pays voisins devenus indépendants : Algérie, Mauritanie et Maroc. Pour appuyer ses revendications sur ce territoire, le roi Hassan II du Maroc lance une marche pacifique vers le Sahara occidental (novembre 1975). Au moment de l’agonie du général Franco, des négociations tripartites aboutissent à un accord signé le 14 novembre 1975 entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie en faveur d’une autodétermination du territoire peuplé de 74 000 habitants qui devrait aboutir à un partage entre le Maroc et la Mauritanie. Le mouvement de libération, le Front Polisario (Front populaire de libération de la Saghia el Habra et du Rio de Oro), constitué en 1973, favorable alors à une union avec la Mauritanie, est poussé par l’Algérie à réclamer son autodétermination. Au moment du départ des soldats espagnols, il proclame le 27 février 1976 la « République arabe Sahraouie démocratique », reconnue aussitôt par le gouvernement algérien. Les relations se tendent alors entre le Maroc et l’Algérie jusqu’à de violents affrontements entre leurs troupes respectives au Sahara occidental (janvier 1977). Le Front Polisario, de son côté, mène une guérilla incessante sous forme de raids et de sabotages contre la Mauritanie, qui se retire du conflit après la chute du président Moktar Ould Daddah (10 juillet 1978), et surtout contre le Maroc qui souhaite conserver la partie Nord, riche en phosphates. La reconnaissance par l’Organisation de l’unité africaine de l’Etat sahraoui (février 1982) et son admission à l’OUA (1984) provoquent une crise grave avec le Maroc qui, de plus en plus isolé en Afrique, doit accepter le principe d’un référendum d’autodétermination.
C’est un exemple parmi d’autres de l’impuissance de l’Organisation de l’unité africaine, qui non seulement ne réalise pas l’idéal panafricain, mais fonctionne comme un simple cartel de chefs d’Etat. Bien loin de résoudre les différends entre Etats-membres, l’OUA ne fait rien, sous le couvert du principe de « non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats » (article 3 de la charte de l’OUA). La balkanisation menace l’Afrique, où le jeu diplomatique se déploie à l’échelle des différentes sous-régions et où les critères de division entre modérés et progressistes, entre francophones, anglophones et lusophones, entre petits et grands États ne manquent pas. Face au Nigeria, géant de l’Ouest africain (83 millions d’habitants et une armée non négligeable), sept États de l’Afrique occidentale francophone ont conclu un accord de non- agression et d’assistance en matière de défense (ANAD) le 9 juin 1977.
Du coup, l’Afrique reste l’enjeu de la confrontation internationale.
Le problème de l’Afrique du Sud devient dans les années 1970 un problème international. Cet ancien dominion britannique, devenu indépendant, avait développé dans les années 1950, une politique de séparation raciale (apartheid) sous la direction d’Henrick Verwoerd (1958-1966), John Vorster (1966-1978) et Pieter W. Botha (1978-1989).
L’Union sud-africaine est un pays où la minorité blanche (20 %) est confrontée à une forte population noire (près de 70 %), indienne et métisse (10 %). Après les indépendances africaines, la décolonisation des territoires portugais (1974) et la chute de Tsiranana, président de Madagascar (1972), l’Afrique du Sud n’est plus à l’abri des événements extérieurs. Son glacis protecteur disparaît et, à l’intérieur, on assiste à une résurgence du nationalisme noir antiapartheid, sous la direction – parfois contestée – de l’African National Congress (ANC) fondée en 1912. L’Afrique du Sud est de plus en plus violemment critiquée et tenue en quarantaine par l’ensemble des pays africains qui veulent aider leurs frères de couleur. La pression de la communauté internationale sur Pretoria s’accentue. Malgré l’instauration de l’état d’urgence, les violences se poursuivent dans les cités noires, comme à Soweto en juin 1976 et en octobre 1977, à l’initiative de l’ANC.
Washington et Londres continuent de s’opposer à des pressions économiques contre Pretoria. Quelles que soient la solidarité et la sympathie que peuvent éprouver les gouvernements occidentaux à l’égard de la lutte de la majorité noire, ils sont néanmoins sensibles aux enjeux économiques et stratégiques. L’Afrique du Sud est placée à un carrefour géostratégique : la route maritime du Cap est une des routes les plus fréquentées, en particulier par les pétroliers en provenance du golfe Persique. Elle possède des minerais précieux (or, platine, diamant) et des matériaux hautement stratégiques (chrome, manganèse, vanadium). Enfin sa présence s’oppose à l’extension de l’influence soviétique sur le continent noir.
De plus en plus isolée, l’Union sud-africaine essaie de renforcer sa position vis-à-vis des pays africains voisins et multiplie la création d’États indigènes, les Bantoustans : le Ciskei, le Venda, le Bophutha-tswana, le Transkei. Ces pays sont théoriquement indépendants, mais toute leur économie dépend de l’Afrique du Sud. Le régime du président Botha, en imposant sa supériorité militaire à ses voisins, réussit à cadenasser ses frontières. Tout en poursuivant son aide aux mouvements de maquisards qui luttent contre les régimes de Luanda (Angola) et de Maputo (Mozambique), Pretoria ne cesse de se livrer à des incursions armées en territoire angolais, sous prétexte de pourchasser les nationalistes namibiens de la SWAPO. Le cordon protecteur de l’Afrique du Sud comprend aussi la Namibie et la Rhodésie.
Le cas de la Namibie est particulier. Ancienne colonie allemande du Sud- ouest africain, confiée en mandat à l’Afrique du Sud, cet immense territoire de 824 000 km2 qui recèle des richesses minières considérables, est agité par un mouvement de libération, la South West African People’s Organization (SWAPO), soutenue par le MPLA et par l’Union soviétique. En Rhodésie, la minorité blanche (4 %) de cette colonie de la Couronne britannique proclame son indépendance contre le Royaume-Uni en 1965 et réussit à s’opposer avec succès aux mouvements d’opposition noirs. La médiation britannique permet de faire évoluer la Rhodésie – sous le nom de Zimbabwe – vers la forme d’une association au gouvernement des noirs et des blancs. Elle accède officiellement à l’indépendance en avril 1980.
Le Pacifique:
L’océan Pacifique est depuis 1945 un des lieux d’affrontement des grandes puissances dont l’importance s’accroît chaque jour davantage. Après la bataille du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide tourne au conflit ouvert, à l’occasion de la guerre de Corée et des conflits de décolonisation. Les archipels accèdent à l’indépendance : après les îles Fidji (1970), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (septembre 1974), c’est le tour des Nouvelles Hébrides, ancien condominium franco-britannique, qui devient un État sous le nom de Vanuatu (juillet 1980). Sous l’impulsion des pôles de puissance et de développement situés sur son pourtour, le Pacifique, qui était « l’espace vide » soumis à l’influence américaine, apparaît comme un gigantesque échiquier où une partie se joue à quatre : États-Unis, Union soviétique, Chine, Japon.
Face à la présence américaine de l’Alaska aux Philippines, grâce en particulier à la concession des bases de Subie Bay et Clarke (jusqu’en septembre 1992), en passant par les avant-postes d’Hawaï et de la Corée, l’Union sovié¬tique multiplie les bases navales, au Kamtchaka, à Sakhaline, à Vladivostock et à Cam-Ranh et Danang, sur la côte du Viêt-nam.
Le Pacifique, au moment où il cesse d’être un « lac américain », suscite un intérêt renouvelé des États-Unis pour cette région, vers laquelle se déplace le centre de gravité du pays et où le commerce transpacifique dépasse en importance les échanges transatlantiques. En outre, la reprise des relations diplomatiques avec la Chine, le programme de modernisation et d’ouverture économique annoncé par Teng Hsiao-Ping relancent la fascination américaine pour l’Asie-Pacifique, malgré la concurrence de plus en plus vive du Japon et des « Quatre dragons ».
Le Pacifique-Sud était par tradition une zone tranquille de micro-États protégés par l’Australie agissant comme « gendarme régional » dans le cadre du pacte de l’Anzus (Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis) signé en 1951. Récemment, les tensions politiques se sont multipliées, entraînant coups d’État comme aux Fidji, émeutes, crises constitutionnelles, et font apparaître que les équilibres hérités de l’époque coloniale sont en train de se lézarder. Les velléités isolationnistes des Néo-Zélandais, qui interdisent les escales de navires nucléaires, remettent en cause l’Anzus, confirmant un peu plus l’Australie dans son rôle de puissance militaire régionale. Les terres du Pacifique ne sont plus à l’abri des convulsions internationales.
La Nouvelle-Calédonie est un des théâtres de ces affrontements. Le sort de ce territoire français d’outre-mer, riche de son nickel et d’une population de 150 000 habitants Mélanésiens et Européens , intéresse les pays riverains du Pacifique. La souveraineté de la France sur la « grande île » y est vivement contestée par le FLNKS (Front de libération kanake socialiste) et l’état d’urgence instauré. Aux élections régionales de septembre 1985, les anti-indépendantistes l’emportent, mais la violence continue. L’adoption par référendum, le 6 novembre 1988, du statut de la Nouvelle-Calédonie et le retour au calme ont apaisé ce conflit. Pour la France, l’enjeu est la présence dans une région clé sur le plan économique et surtout stratégique. La France tient à la libre disposition du Centre d’expérimentation du Pacifique, situé à Mururoa à 1 200 km de Tahiti, dont la perte serait grave pour la force de dissuasion, et à la possibilité d’effectuer des essais nucléaires, contestée par les Etats de la région, et l’organisation pacifiste et écologique, Greenpeace (affaire du Rainbow-Warrior, 10 juillet 1985).
Le poids économique de la région Asie-Pacifique, son importance stratégique en font désormais une région essentielle.