Méditerranée : Les étrusques
l’avènement et le déclin des empires, les périples aventureux des premiers marchands, la diffusion des cultures orientales – en particulier de la culture égyptienne – à travers toute une partie de la Méditerranée et jusqu’en Occident : tels sont les grands thèmes qui ont frappé les historiens depuis Hérodote et Thucydide, et auxquels les découvertes archéologiques n’ont cessé de faire écho depuis. Sous le mythe et l’invention poétique, on les reconnaît sans peine dans les épopées d’Homère : c’est l’Empire mycénien à son crépuscule, dilapidant ses dernières forces au siège de Troie, ce sont les pérégrinations d’Ulysse à travers la mer Intérieure, ou encore les aventures de Jason en mer Noire évoquées par d’autres cycles légendaires.
Les traditions étrusques et romaines ont pour leur part conservé le souvenir de migrations parties d’Orient : le voyage d’Énée le Troyen jusqu’au Latium via Carthage, que nous connaissons grâce à l’Enéide de Virgile, semble avoir été un motif légendaire répandu chez les Étrusques, tandis qu’Hérodote raconte comment un prince lydien nommé Tyrsenos entraîna la moitié de son peuple hors de ses terres ravagées par la famine jusqu’en Étrurie où il fonda les cités tyrrhéniennes.
Les historiens se demandent depuis longtemps si les Étrusques, ne fût-ce qu’une partie d’entre eux, étaient réellement d’origine orientale ou s’ils ne furent pas plutôt d’habiles imitateurs des modes venues d’Orient. Mais l’essentiel reste que la fin de l’âge du bronze fut marquée par des mouvements de peuples de grande ampleur. Certains centres de culture raffinée entrèrent alors dans une phase de déclin – ce fut le cas de la civilisation des nuraghi, en Sardaigne, comme celui de la Crète, cœur de la civilisation minoenne puis de la Grèce archaïque -, soit du fait de catastrophes naturelles, soit à la suite de crises économiques et politiques internes ou externes. Les sources égyptiennes font de la fin du 11e millénaire l’époque des Peuples de la mer dont les noms rappellent irrésistiblement ceux de peuples méditerranéens plus récents : les Shardana ont pu être rapprochés des Sardes de Sardaigne, les Tursha des Tyrrhéniens de l’Égée – que le chapitre suivant évoquera plus longuement -, les Peleshet des Philistins de la Bible et aussi des Pélasges, nom utilisé par les Grecs de l’âge classique comme terme générique pour désigner les premiers occupants non grecs de l’Égée.
Des peuples non grecs étaient d’ailleurs certainement présents en Égée à l’époque classique, comme l’atteste une inscription du vie siècle retrouvée à Lemnos et rédigée dans une langue proche de l’étrusque, mais qui n’en est apparemment pas – il s’agit néanmoins du seul indice qui laisse penser que la langue étrusque se trouvait apparentée à d’autres langues parlées dans la Méditerranée ancienne.
La mer Intérieure apparaît ainsi constituée d’une multitude de niches ethniques et linguistiques, ce dont nous ne devons pas nous étonner : c’est là le résultat de siècles de migration, de guerres, de colonisations, de pèlerinages. L’homogénéité ethnique et linguistique fut tardive -à considérer qu’elle se soit jamais réalisée. Il est une immigration qui a laissé peu de traces dans les sources officielles en Egypte ou dans les pays voisins, mais qui allait pourtant revêtir une importance beaucoup plus considérable que les pérégrinations des Philistins, des tyrrhéniens et de quelques autres peuples :Il s’agit de l’arrivée des Israélites en terre de Canaan.
Les Historiens modernes ont tendance à considérer les premiers livres de la Bible plutôt comme des textes littéraires que comme des sources historiques, et l’archéologie, de son côté, n’est pas en mesure d’identifier avec certitude les lieux ont vécurent Abraham, Moïse et les autres héros bibliques, Au début de l’âge du fer, les habitants sémites du haut pays de Canaan se présentaient eux-mêmes comme les douze tribus qui avaient échappé à l’esclavage en Egypte, grâce à l’aide d’un Dieu unique, créateur de l’Univers. Ici encore, les débats restent ouverts pour déterminer à quel moment les israélites ont commencé à considérer ce Dieu unique comme le seul Dieu de l’Univers, bien qu’Élie et d’autres prophètes jettent sur les autres dieux un regard si sévère qu’il est permis de douter que les Israélites de cette époque aient ou a leur existence.
La discussion est également vive pour évaluer à sa juste mesure le royaume fondé par les douze tribus : les sources bibliques exagèrent sans aucun doute la taille du royaume de David. Mais les récits des conflits quotidiens opposant les Israélites, avec leurs armes de bronze, envahisseurs philistins, armés de fer, alors que les Egyptiens, les Assyriens et d’autres grands empires repaient d’établir leur domination sur la région, sont bien réels. Comme le sont aussi les textes concernant différents lieux de culte, tel celui de Silo, et les efforts mis en oeuvre pour centraliser le culte du Dieu unique dans le nouveau sanctuaire de Jérusalem, aux alentours de 1000 av. J.-C. Une élite lettrée se forma alors et adapta l’alphabet phénicien. Au temps de l’exil à Babylone, les prophètes Jérémie et Baruch recueillaient et collationnaient les traditions et les lois des Hébreux.
Si la religion juive attribue les cinq premiers livres de la Bible à Moïse, censé les avoir reçus de Dieu, les historiens modernes, juifs ou chrétiens, les considèrent plutôt comme une compilation tardive, constituée à partir de diverses traditions sacerdotales, et mise en forme par Ezra le Scribe à la fin du vi’siècle, quand les juifs (comme on peut dès lors les nommer) retournèrent à Canaan après leur exil sur les rives de l’Euphrate. Cette terre était propice à la culture du blé et de l’orge, à l’élevage des moutons et des chèvres. Les vestiges anciens, à l’exception de quelques objets de prestige sans doute réservés à la cour d’un prince, laissent penser qu’on y menait une vie simple. Canaan n’a pas produit de richesses matérielles, mais des idées religieuses et sociales. Bien que certains des thèmes moraux présents dans la littérature hébraïque ancienne n’aient pas été inconnus dans les cultures voisines – on a souvent comparé le code d’Hammourabi et le Pentateuque -, l’accent mis à la fois sur le culte d’un Dieu unique et sur les exigences de ce Dieu en matière d’éthique était sans exemple.
Ainsi, la religion des Hébreux et le peuple juif lui-même se sont-ils formés dans le creuset de la Méditerranée orientale, au contact de l’Égypte, de l’Assyrie et de Babylone. Bien qu’ils aient rejeté l’Égypte des pharaons et les tentations de Babylone, les épreuves subies en Egypte et en Mésopotamie sont bien au premier rang des expériences qui conduisirent les juifs à croire à l’intervention de Dieu dans l’histoire humaine.
Vidéo : Méditerranée : Les Etrusques
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