Les désordres
L’utilisation de la faim comme arme de conflit localisé
Les guerres se déroulent désormais bien plus souvent à l’intérieur des Etats qu’entre Etats, et dans le cas contraire elles ne concernent en définitive que des zones relativement limitées. Comme l’écrit Sylvie Brunei : « Ce ne sont plus les peuples ennemis, les peuples à conquérir, qui sont affamés, mais les propres populations de ceux qui veulent capter à leur profit les nouvelles mannes des conflits que sont les projecteurs médiatiques et leur corollaire, le déchaînement de la compassion internationale, source inépuisable d’argent, de nourriture et de tribunes publiques pour exposer ses revendications.»
Le flot des réfugiés, gueux des temps modernes
Hommes et femmes en nations : l’une des formes les plus dramatiques du chaos, c’est la multiplication du nombre des plus humbles et démunies victimes, les réfugiés, c’est le « Ilot montant des réfugiés » ». « En matière de réfugiés, les Etats n’ont guère cessé, depuis un demi-siècle, de pratiquer la politique de l’autruche. Leurs jeux de pouvoir et querelles d’intérêts ont aggravé les déséquilibres et l’arbitraire dans de nombreux pays. Ils ont ainsi favorisé la multiplication des exodes. Mais, comme ils ont évité de s’attaquer aux causes profondes — politiques, économiques et sociales — du mal, préférant s’en remettre à d’autres pour traiter les symptômes, le problème n’a fait qu’empirer. Les réfugiés, et avec eux d’autres catégories de déracinés, ont proliféré. A l’heure où le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) fête son quarantième anniversaire, le bilan est plutôt décourageant.
De tout temps des hommes et des femmes menacés dans leur vie, leurs droits et leurs libertés ont cherché leur salut dans la fuite et l’exil ; mais jamais ils n’ont été aussi nombreux qu’en cette fin de siècle. Les années 80 [prirent] fin avec quinze millions de réfugiés : en dix ans le fardeau avait doublé et reposait plus que jamais sur les pays du Sud. Aujourd’hui, le Pakistan, l’Iran, le Soudan, l’Ethiopie et le Malawi, pour ne citer que ces pays, hébergent tous des centaines de milliers de réfugiés, et même, pour les deux premiers, plusieurs millions. C’est également pendant cette décennie que les arrivées de demandeurs d’asile originaires du tiers-monde se sont multipliées en Occident. A la dimension Est-Ouest est venue s’ajouter une problématique Nord-Sud qui a suscité bien des réflexes de rejet. »
Un monde sans boussole
« Il est bien loin le temps où, après la guerre du Golfe (1991), Washington pouvait annoncer la naissance d’un “nouvel ordre mondial”. En fait, en matière de géopolitique, tout s’est effroyablement compliqué. Au point que l’on peut chaos” pour définir cette période que vit • e monde. »Le monde est donc bien la planète des désordres. Le monde est sans boussole : se sont multipliés les conflits régionaux, les conflits internes et les réfugiés sont devenus de par le monde monnaie courante, d’échange le cas échéant ou de massacre, plus souvent. La corruption s’est mondialisée : « Toile le fond de la vie politique française comme italienne, les “affaires” ne représen- :ent que la partie émergée d’un immense iceberg. Un peu partout dans le monde, e crime organisé pénètre progressivement tous les secteurs de l’économie. Avec a complicité de la finance multinationale, voire des pouvoirs publics. »
Les crises ouvertes se sont multipliées, dans l’ex-Yougoslavie, dans le Caucase u l’on a assisté à de véritables « réactions en chaîne », en Asie centrale, l’« onde de choc du génocide rwandais » s’est étendue en Afrique noire :
– Perpétré durant le printemps 1994, le génocide des Tutsis rwandais n’en finit ?as de bouleverser l’Afrique des Grands Lacs, et l’onde de choc atteint désormais le Zaïre. Si elle a permis aux centaines de milliers de réfugiés de regagner le Rwanda, la rébellion des Banyarwandas et des Banyamulenges a aussi accéléré la décomposition du régime du maréchal Mobutu. »
Des « conflits oubliés » ont resurgi dans les années 90 : les appétits rivaux « donnent libre cours en mer de Chine, par revendication par la Chine des îles Senkaku (Diaoyutai), Paracel (Xisha) et Spartly (Nansha), malgré l’apaisement en mer Rouge, le Yémen et l’Érythrée se disputent l’archipel des Hanish, le problème national du peuple albanais a resurgi dans le Sud-Est européen, d’où la guerre du Kosovo (1999). Quant aux poudrières méditerranéennes, elles sont toujours présentes, au moins sous la forme du conflit grécoturc : Athènes et Ankara se disputent la mer Egée, ses significations stratégiques et ses ressources pétrolières20. Dans cette géopolitique du chaos, l’ONU a bien du mal à garder son rôle et même à raison garder.
Vidéo : Les désordres
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Les désordres
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