L'expansion communiste en Extrême-Orient
Les deux Chines : l’été de 1947 est un tournant dans la guerre civile en Chine. Après avoir progressé au Henan, les nationalistes s’effondrent un peu partout, malgré l’aide américaine. Une fois conquise toute la Chine du Nord en octobre 1948, les communistes entrent à Pékin le 22 janvier 1949 et à Shanghai le 25 mai. Tchang Kaï-Chek se réfugie dans l’île de Formose et abandonne la Chine continentale à Mao Tsê-Tung qui proclame la République populaire de Chine (RPC) le 1er octobre 1949. C’est la naissance d’un autre nœud de la guerre froide en raison de l’opposition idéologique entre les deux Chines et du problème des petites îles côtières restées aux mains des nationalistes dans le Sud, Quemoy et Matsu. et plus au nord, les îles Taschen. Le casse-tête diplomatique des deux Chines va empoisonner les relations internationales pendant un quart de siècle. Faut-il reconnaître la Chine communiste ? Les puissances occidentales hésitent à «lâcher» Tchang Kaï-Chek au profit de Mao Tsê- Tung. Seule, la Grande-Bretagne, implantée à Hong Kong, reconnaît le régime communiste en janvier 1950. A l’ONU, la Chine nationaliste continue d’occuper le siège de membre permanent au Conseil de securité. Aussitôt suivie par toutes les démocraties populaires, l’URSS reconnaît la République populaire et lui procure la sécurité nécessaire.
L’alliance sino-soviétique traduit surtout leur commune opposition à la politique des États-Unis et de leurs alliés. Le 14 février 1950, Mao conclut avec Staline un «traité d’assistance et d’amitié mutuelles». L’URSS s’engage à évacuer la Mandchourie et Port-Arthur et à aider la Chine sur le plan économique, technique et financier. Du coup, la situation est profondé¬ment modifiée en Extrême-Orient où la RPC va désormais jouer un rôle actif en Indochine et en Corée.
L’Indochine, enjeu idéologique. Depuis décembre 1946, les Français mènent un combat ambigu en Indochine. Ils affirment vouloir protéger l’indépendance et l’intégrité des États d’Indochine contre l’agression viêt-minh, mais aucun gouvernement ne veut prendre l’initiative de négociations qui aboutiraient au retrait français. Le combat colonial est une charge de plus en plus lourde pour le budget et de la France qui reçoit une aide toujours plus considérable des États-Unis. À partir de juin 1950, la guerre d’Indochine prend un tournant décisif. La guerre coloniale devient une guerre idéologique entre le camp communiste, avec la Chine comme porte-drapeau, et le camp occidental, représenté par les Français soutenus par les Américains.
En Corée aussi, les tensions nées de la guerre dégénèrent en un conflit idéologique. La Corée était une colonie japonaise depuis 1910. Quand, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’URSS a attaqué le Japon, le 8 août 1945, il avait été entendu que les Soviétiques recevraient la reddition japonaise au nord du 38e parallèle et les Américains au sud. Reste la question de la Corée. La conférence de Moscou (décembre 1945) se prononce pour la formule de la tutelle des grandes puissances, qui devrait favoriser la réunification du pays. Mais le désaccord, qui n’empêche pas Américains et Soviétiques d’évacuer le pays, aboutit rapidement à une impasse politique, à une tension entre le Nord et le Sud et à une instabilité le long de la frontière du 38e parallèle. Le 25 juin 1950, les Nord-Coréens lancent une vaste offensive contre le Sud. Si les origines du conflit sont encore obscures, ses conséquences sont claires. Le déclenchement de la guerre va amener l’intervention des Américains qui avaient dans un premier temps exclu la Corée de leur périmètre stratégique en Extrême-Orient. De fait, ils décident alors de défendre les Philippines (accord de garantie du 30 août 1951) ; ils apportent une assistance économique et militaire à Formose et à la France en Indochine. Surtout ils décident de faire du Japon leur allié.
Le Japon. Au lendemain de la guerre, le général MacArthur, commandant suprême au nom des puissances alliées, avait entrepris de profondes réformes, tendant à démocratiser le Japon sur le plan politique et économique. La guerre de Corée va constituer un test pour le loyalisme japonais, car les forces d’occupation américaines sont réduites au minimum. En septembre 1951, à la suite de la conférence de San Francisco, les États-Unis signent un traité de paix avec le Japon, qui déclare renoncer à divers territoires, Corée, Formose, Pescadores, Kouriles, partie sud de Sakhaline. Du coup, le Japon, État vaincu et occupé, se voit promu au rang de « sentinelle du monde libre » au large de la Chine et de l’URSS. Le traité de sécurité de San Francisco (8 septembre 1951) accorde aux Américains de nombreuses bases militaires en territoire japonais. Une autre ligne défensive est constituée dans le Pacifique par un pacte de sécurité collective signé le 1er septembre 1951 à San Francisco entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis (ANZUS).
L’intervention américaine en Corée se fait sous les auspices des Nations unies, car le Conseil de sécurité dénonce l’agression nord-coréenne et, en l’absence de l’URSS, décide d’intervenir en Corée. L’absence de veto soviétique s’explique par le fait que depuis le 1er janvier 1950, les Soviétiques avaient déclaré qu’ils ne siégeraient pas au Conseil de sécurité tant que la Chine communiste ne remplacerait pas la Chine nationaliste à l’ONU. L’armée des Nations unies, surtout composée de divisions américaines, secondées entre autres par des troupes britanniques et un bataillon français, est dirigée par le général américain MacArthur, le vainqueur de la guerre du Pacifique et commandant suprême au Japon. Dans un premier temps (juin-août 1950), il consolide la tête de pont de Pu-San. Sa contre-offensive de l’automne 1950 amène les troupes des Nations unies à franchir le 38e parallèle et les conduit au voisinage de la frontière chinoise (septembre-novembre 1950). C’est alors que la Chine s’engage dans la guerre. L’intervention de centaines de milliers de « volontaires chinois » force MacArthur à battre en retraite (novembre- janvier 1951) avant qu’il ne parvienne par une contre-offensive à se rétablir sur le 38e parallèle. En avril 1951, MacArthur réclame le droit de bombarder les bases de volontaires chinois, en Mandchourie, au risque d’une guerre ouverte avec la Chine. Du coup, Truman le remplace par le général Ridgway, qui se contente de tenir les positions acquises. Après deux ans de négociations, un accord sur le rapatriement des prisonniers, signé en avril 1953, a bien du mal à être appliqué. La convention d’armistice signée à Pan Mun Jon, le 27 juillet 1953, consacre une « paix blanche ». La frontière entre le Nord et le Sud est très proche de celle de 1950, le long du 38e parallèle ; en Extrême-Orient, aussi, le monde est divisé en deux, entre la Corée du Nord, procommuniste, présidée par le maréchal Kim-Il-Sung et la Corée du Sud, pro-occidentale, dirigée par Syngman Rhee.