La morphologie des langues : Le mot
Il n’y a rien de plus difficile à définir qu’un mot. Pour nous Européens du 20e siècle, le mot semble, à première vue, facile à définir car il possède une entité graphique : dans une phrase, chaque mot étant séparé du suivant par une espace. Il faut savoir que dans de nombreuses langues il n’en est pas ainsi ; d’ailleurs, en français l’usage de l’espace blanche pour séparer les mots ne s’est généralisée qu’au 16e siècle. Contentons-nous, dès lors, de ne considérer que le mot graphique. En français, le mot peut coïncider avec un morphème (par exemple le gastre ou avec un assemblage de plusieurs morphèmes (par exemple épigastre, gastroscopie). Il peut aussi ne pas coïncider avec un morphème et n’être porteur d’aucun signifié (c’est le cas, par exemple de « leu » dans l’expression « à la queue leu leu » ou encore de « fi » dans l’expression « faire fi de »). Il peut aussi être réuni à un autre mot avec un trait d’union ou collé à celui-ci sans que la raison n’apparaisse clairement à l’honnête homme (bien entendu, s’il s’intéresse à l’histoire de la langue française et à ses formes aux siècles passés il en découvre le sens, mais peut-on demander à chacun de faire un travail historique sur chaque mot qu’il utilise ?). Ainsi, malgré le découpage d’une phrase en divers mots séparés par un blanc, nous devons admettre que ce découpage est souvent arbitraire et que définir un mot n’est guère facile (comment expliquer que « quoique » ne fasse qu’un seul mot alors que « bien que » en fasse deux ?). Pour éviter de multiplier le nombre de mots (les différentes formes : chanter, chantons, chantaient, chanteraient sont considérés comme des mots), les linguistes préfèrent utiliser le terme de lexème. Un lexème est le mot « source », le verbe ou le nom qui est à l’origine des différentes formes. ()n parlera ainsi de lexème nominal (c’est un morphème lexical) et de lexème verbal (c’est le verbe dans sa forme « basique »). En français, la forme de citation des verbes, la forme « basique » est généralement l’infinitif du verbe (chanter, bouger, grommeler, etc.). En latin et en grec, c’est le plus souvent (ainsi que nous le verrons dans cet ouvrage), la première personne du présent de l’indicatif (je chante, je bouge, je grommelle, etc.).
Les mots tronqués
il faut éviter de confondre les mots tronqués avec les morphèmes même si phonétiquement ils sont identiques. Ainsi, le morphème métro(qui désigne la « mère » et est à l’origine de métropolite, métropole) et le mot tronqué métro(pour métropolitain) sont identiques tant du point de vue phonétique que graphique mais l’un permet de former d’autres mots (c’est un morphème génératif) et l’autre n’est qu’un mot tronqué utilisé généralement dans le langage parlé, souvent absent des dictionnaires et dont la forme graphique n’est pas toujours fixée .