La décolonisation en Afrique du Nord
Le mouvement nationaliste tunisien. Il est encouragé par la situation du pays pendant la guerre ; occupée par les Italiens et les Allemands, la Tunisie est le théâtre de batailles sanglantes et un terrain d’affrontement entre Français. Dès sa libération, le bey Moncef, révoqué pour avoir collaboré avec les Allemands, est remplacé par Lamine Bey. En 1951, le drame se noue. Les revendications du parti traditionnaliste, le Destour, du parti occidentalisé d’Habib Bourguiba, le NéoDestour, et du syndicat UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) sont stimulées par l’accession à l’indépendance (en octobre) de la Libye voisine, le leader de l’opposition, Habib Bourguiba, en appelle à l’autonomie interne, le bey lui même réclame la réunion d’une Assemblée nationale tunisienne et la ; institution d’un gouvernement tunisien responsable.
A partir de décembre 1951, des troubles secouent les campagnes en Tunisie du Sud et la répression s’abat sur les responsables du Néo-Destour (Bourguiba est arrêté) et les ministres du gouvernement tunisien. En juillet 1952, la France propose un système de co souveraineté dans le cadre de l’Union française qui est rejeté. Le terrorisme sévit. Finalement, le nouveau président du conseil, Pierre Mendès France, se rend à Tunis en juillet 1954 et, dans le discours de Carthage, il annonce que la France accorde l’autonomie interne à la Tunisie : celle-ci dispose donc de son propre gouvernement, mais reste surbordonnée à la France en matière de défense, de politique extérieure et de relations économiques internationales. Après trois ans d’exil, Habib Bourguiba. le « combattant suprême », revient dans son pays (1er juin 1955). Les négociations franco-tunisiennes aboutissent à l’indépendance totale de la tunisie le 20 mars 1956.
Le rôle du souverain Mohammed ben Youssef au Maroc. Il a été beaucoup plus marquant. Pendant la guerre, il est encouragé dans sa volonté : indépendance par le président américain Roosevelt. Dès la fin de la ç-erre. les relations avec la France deviennent tendues en raison de la création par Allai el-Fassi de l'<<Istiqlàl », parti de l’indépendance, et du discours du sultan à Tanger en 1947 où il exalte la Ligue arabe. Sous influence d’une partie de la colonie française, la politique des résidents sucessifs (maréchal Juin, général Guillaume) est de plus en plus ferme :
ils insistent pour que le Sultan désavoue l’Istiqlàl. Mais le discours du trone de novembre 1952 est un appel au nationalisme marocain et on entre le cycle agitation-répression. À la suite d’intrigues du pacha de Varrakech, le Glaoui, soutenu par des tribus berbères, des colons français et certains hauts fonctionnaires français, Mohammed ben Youssef est je posé, remplacé par un de ses cousins, et exilé à Madagascar pendant l’été 1953. À partir de ce moment-là, la situation se dégrade, avec en particulier des attentats dans les villes. En 1955, le gouvernement français décide de faire revenir le sultan en France et de négocier avec lui les accords de la Celle-Saint-Cloud. En novembre 1955, Mohammed ben Youssef obtient à la fois son retour sur le trône du Maroc (sous le nom de Mohammed V) et la promesse de l’indépendance. Le 16 novembre, c’est son retour triomphal à Rabat. Le 2 mars 1956, le Maroc accède à l’indépendance, suivi quelques semaines plus tard par la Tunisie.
L’Algérie, déjà secouée à partir du 8 mai 1945 par une vive révolte, est quant à elle un cas à part. Constituée de départements français au statut particulier, peuplée par une importante minorité européenne (1 million sur un total de 9 millions d’habitants en 1954), elle est considérée comme une partie intégrante de la France. Aussi, lorsque la révolte éclate à la Toussaint 1954, les gouvernants successifs tiennent à faire respecter le maintien dans la Répblique, en l’assortissant de quelques réformes, dont le collège électoral unique, c’est-à-dire un corps électoral composé indistinctement de musulmans et d’Européens.
Peu à peu. le Front de Libération nationale (FLN) réussit à étendre la rébellion par la guérilla et le terrorisme. A partir de 1956. le gouvernement Guy Mollet reconnaît la spécificité algérienne et il propose une solution en trois volets : cessez-le-feu, élections et négociation. Mais il renforce son action militaire en Algérie par l’envoi des jeunes appelés du contingent -ce que les précédents gouvernements n’avaient pas osé faire en Indochine et, à l’extérieur, par l’arraisonnement de l’avion transportant les dirigeants de la rébellion (22 octobre 1956) et par l’intervention à Suez (novembre). L’armée française exerce son « droit de suite » en bombardant des unités du FLN réfugiées dans le village tunisien de Sakiet Sidi Youssef (8 février 1958). Les relations avec le Maroc, la Tunisie et les pays arabes sont de plus en plus tendues. Les Etats-Unis et la Grande- Bretagne font pression sur le gouvernement français pour qu’il accepte leurs bons offices afin de trouver une issue au drame algérien, qui menace l’Alliance atlantique.
L’internationalisation de l’affaire d’Algérie est en marche. Chaque année, à l’Assemblée générale de l’ONU, la France, mise en accusation, doit manœuvrer pour ne pas se trouver condamnée par une résolution afro-asiatique. La perspective de l’ouverture de pourparlers aboutit à la révolte du 13 mai 1958 qui donne au général de Gaulle l’occasion de revenir au pouvoir, car il est considéré comme le seul homme susceptible d’éviter la guerre civile et de restaurer l’unité nationale. Face au gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), créé par le FLN le 19 septembre 1958, tendu dans sa revendication d’indépendance et dirigé par un modéré, Fehrat Abbas, le général de Gaulle est animé du double souci d’éviter une nouvelle défaite coloniale et de se débarrasser du boulet algérien pour avoir les mains libres en politique étrangère. Il formule progressivement une politique de développement économique, de main tendue à la rébellion, d’association, d’autodétermination • (septembre 1959) et enfin d’Algérie algérienne conduisant, à travers des ses politiques et des coups de force (« semaine des barricades » en vier 1960, putsch des généraux en avril 1961), à de longues et difficiles négociations et aux accords d’Évian (18 mars 1962). La France obtient la garantie des droits de la population européenne, le maintien d’une présence militaire pendant trois ans, celui de ses intérêts économiques au Sahara pendant cinq ans, et la promesse d’une étroite coopération franco algérienne Le cessez-le-feu intervient le 19 mars. La plupart des Européens quittent l’Algérie, qui proclame son indépendance le 3 juillet 1962.
La décolonisation en Afrique noire:
Avant 1957, il y a encore très peu de pays indépendants en Afrique noire En l’espace de cinq ans, de 1957 à 1962, presque toute l’Afrique va sortir du statut colonial.
La décolonisation de l’Afrique anglophone:
Elle se fait progressivement, territoire par territoire, en suivant îles étapes, par la procédure de négociations et d’enquêtes, et généralement de façon pacifique.
La première colonie britannique africaine à devenir indépendante (6 mars 1957) est la Gold Coast (Côte de l’Or) qui, sous la direction du leader indépendantiste Kwane N’Krumah, prend le nom de Ghana.
Le Nigeria devient indépendant le 1er octobre 1960, et la Sierra Leone, le 27 avril 1961. Le Tanganyika, ancienne colonie allemande, passée sous le contrôle britannique, accède à l’indépendance le 28 décembre 1961, Julius Nyerere étant Premier ministre. Devenue indépendante en décembre 1963, l’île de Zanzibar qui connaît des troubles ethniques et politiques violents, constitue avec le Tanganyika une république unie sous le nom de Tanzanie le 29 septembre 1964.
Au Kenya, la décolonisation est beaucoup plus difficile, car parallèlement au parti indépendantiste de Jomo Kenyatta, se développe le mouve¬ment terroriste des Mau-Mau. La révolte dure jusqu’en 1955. C’est seulement en décembre 1963 que le Kenya accède à l’indépendance. Enfin, le 9 décembre 1962, l’Ouganda entre dans le Commonwealth comme pays indépendant.
En Afrique australe, outre l’Union sud-africaine, indépendante dans le cadre du Commonwealth depuis 1910 et qui le quitte en 1961, les possessions britanniques comprennent trois territoires : Rhodésie du Sud, Rhodésie du Nord et Nyassaland, réunies dans une Fédération d’Afrique centrale. Celle-ci éclate en raison de l’indépendance du Nyassaland (juillet 1964) qui prend le nom de Malawi, de la sécession de la Rhodésie du Nord, qui devient la Zambie et de la situation particulière de la Rhodésie du Sud où la forte minorité blanche, qui détient le pouvoir, décide de décréter par un geste unilatéral et sans l’accord de la Grande-Bretagne, l’indépendance du pays (avril 1964). Malgré le blocus instauré par les Britanniques cl de nombreux Etats africains, la Rhodésie du Sud persiste dans sa politique.
La décolonisation de l’Afrique noire française:
Elle s’opère de façon tout à fait différente. La politique française est d’abord une politique d’assimilation, puis elle évolue vers une indépendance en suivant des normes générales dans le cadre de l’Union française.
Au terme de la Constitution de la IVe République, toutes les anciennes colonies d’Afrique noire et de Madagascar deviennent les « territoires d’outre-mer », leurs habitants deviennent citoyens français et élisent leurs représentants dans les Assemblées françaises. Tout en étant divisées sur l’idée d’un regroupement fédéral, les élites africaines qui se dégagent peu à peu aspirent à plus d’autonomie à l’égard de la France.
La loi-cadre (ou loi Dejferre). Le mouvement de décolonisation amorcé dans le monde entier, de la conférence de Bandoeng en 1955 à l’indépendance accordée au Ghana en 1957, pousse le gouvernement de Guy Mollet à mettre en place un cadre d’évolution souple pour les pays d’Afrique noire et Madagascar. C’est la loi-cadre votée le 23 juin 1956 qui prévoit une large autonomie interne, avec des assemblées élues au suffrage universel direct et collège unique dans chaque territoire, coiffées par une assemblée générale. Cette loi, dite « loi Defferre », du nom du ministre qui en a assumé la responsabilité, permet l’apprentissage de l’autogestion par les élites africaines, avec l’aide de la métropole et dans la paix. Les territoires du Cameroun et du Togo, attribués par mandat de la SDN en 1922 et devenus des territoires sous tutelle en 1946, accèdent à l’indépendance. La république du Togo reçoit l’autonomie complète en 1956 et devient indépendante le 24 avril 1960. De même pour le Cameroun, le 1er janvier 1960, auquel s’unit le Cameroun anciennement anglais.
La Communauté. Après son retour au pouvoir, le général de Gaulle proclame le droit à l’indépendance des peuples d’outre-mer. Mais il précise que les Africains pourront choisir lors du référendum entre la Communauté avec la France et l’indépendance dans la sécession. Le 23 septembre 1958, 11 territoires sur les 12 anciennes colonies d’Afrique occidentale et équatoriale française acceptent la constitution de la Ve République et de la Communauté qui donne à ces États une large autonomie interne, mais qui conserve les compétences en politique étrangère et défense nationale. Seule la Guinée de Sekou Touré refuse. En fait, au cours de l’année 1960, tous les Etats africains membres de la Communauté demandent à la France le transfert des compétences, accèdent ainsi à l’indépendance et signent ensuite un traité d’association avec la France. C’est le cas du Sénégal et du Soudan s groupés un temps dans la Fédération du Mali), de Madagascar (26 juin 1960), puis des quatre Etats d’Afrique équatoriale, Congo, Gabon, République centrafricaine, Tchad, enfin des pays de « l’Entente », Côte- d’Ivoire, Dahomey, Haute-Volta, Niger, et en dernier lieu (19 octobre 1960) de la Mauritanie, dont une partie du territoire est revendiquée par le Maroc.
La décolonisation du Congo belge:
A la suite des modifications qui affectent l’Afrique noire francophone, la fièvre nationaliste s’empare du Congo belge qui était la plus vaste et la plus riche (grâce aux ressources en cuivre et en uranium de la province du Katanga) de toutes les colonies européennes en Afrique noire. Alors que la Belgique avait jusque-là pratiqué une politique paternaliste, elle accorde brusquement 1 indépendance (30 juin 1960) aux nationalistes congolais, Kasa vubu et Lumumba, qui la réclament. L’un devient chef de l’État, l’autre Premier ministre. Mais dès sa naissance, cet État est la proie d’incidents anti- Belges et d’une guerre civile qui met aux prises les « centralistes » autour de Lumumba, alors chef du gouvernement, et les « fédéralistes » de la province du Katanga conduits par Moïse Tschombé, qui fait sécession et proclame l’indépendance de sa province. L’enjeu congolais est tel qu’on assiste à une internationalisation du conflit. Les menaces soviétiques et l’intervention des Casques bleus s’ajoutent aux conflits internes (opposition entre Kasavubu et Lumumba soutenu par l’URSS) et à l’entrée en scène de l’armée congolaise dirigée par le général Mobutu. La confusion est à son comble, à la suite de 1 arrestation et de 1 assassinat de Patrice Lumumba (février 1961) et de la mort du secrétaire général des Nations unies, Dag Hammarskjôld, (18 septembre 1961) qui se dépensait sans compter pour aboutir à une solution. Finalement les sécessions sont réduites et l’unité du Congo restaurée grâce aux forces de 1 ONU. Mais l’ordre ne revient qu’à l’accession au pouvoir du général Mobutu (novembre 1965).
Deux autres territoires, sous tutelle belge, le Rwanda et l’Urundi (devenu le Burundi) accèdent à l’indépendance le 1er juillet 1962.
Les « résidus » de colonies européennes en Afrique noire en 1962:
Les seuls territoires africains à ne pas avoir acquis leur indépendance en 1962 sont le Sahara espagnol, la Côte française des Somalis devenue territoire des Afars et des Issas, et surtout les colonies portugaises : îles du Cap-Vert, de Sao Tomé et Principe, la Guinée portugaise, l’Angola et le Mozambique. Le Portugal les considère comme des provinces et y applique une politique d’assimilation. L’accession à l’indépendance des autres pays africains y suscite des révoltes plus ou moins larvées.