La faune a petites coguilles
Il est parfois, en paléontologie, des mystères irritants. Ils donnent naissance à des hypothèses controversées pendant des décennies et la découverte d’un seul fossile permet de les résoudre élégamment. Ainsi la nature de la « faune à petites coquilles » du début du Cambrien a-t-elle été durant un siècle l’objet de vastes débats.
Cette faune regroupe de minuscules organismes aux morphologies variées : tubes, aiguilles, plaques, etc., mesurant quelques millimètres de longueur, et que l’on découvre en énormes quantités dans les couches géologiques du début du Cambrien. Pour certains paléontologues, ces petits organismes étaient autonomes et représentaient autant d’expériences avortées de l’évolution. D’autres soutenaient qu’il ne s’agissait pas d’organismes à part entière, mais de fragments d’animaux plus grands, dont le corps devait être recouvert de ces petits objets.
En 1990 la découverte, en Chine, d’un nouveau fossile, a enfin permis de trancher : il s’agissait d’un animal vermiforme au corps mou, long de huit centimètres, qui possédait des petites plaques à la jonction des pattes et du corps.
Ces petites plaques, prises séparément, avaient été classées parmi les « petites coquilles » sous le nom de microdictyon (un nom qui s’applique désormais à l’animal entier). La seconde hypothèse était donc la bonne.
Les grandes royaumes du cambrien
Les grands royaumes fauniques du début du Cambrien étaient donc séparés par le lapetus : sur ses rives occidentales (Amérique du Nord, nord de l’Ecosse et de l’Irlande) ainsi que sur les côtes occidentales de l’Amérique du Sud vivaient des trilobites de la famille des olenellidés tandis que sur ses côtes européennes vivaient d’autres trilobites, de la famille des redlichiidés.
A partir de l’étude des trilobites, les spécialistes délimitent trois royaumes fauniques au Cambrien moyen et supérieur : Columban (Laurentia), Viking (Europe, Turquie, Maroc, Nouvelle Ecosse) et Tollchuticook (Sibéria, Chine, Australie, Antarctique).
Au cours du Cambrien, il y a de plus en plus de similitudes entre les faunes de la Baltica et de la Sibéria, ce qui indique le rétrécissement de l’océan qui séparait ces deux domaines. De même, à la fin de cette période, les faunes d’Europe et d’Amérique du Nord se ressemblent davantage, ce qui révèle un début de fermeture du nord du lapetus.
Les schistes de burgess
L’un des sites fossilifères les plus fameux de la période cambrienne est situé en Colombie britannique (Canada) dans la Formation des schistes de Burgess qui remonte au Cambrien moyen (520 m.a.). Ce gisement, découvert par le paléontologue américain Walcott, en 1909, a livré des restes exceptionnellement bien conservés d’une riche faune d’invertébrés. Parmi eux bien sûr des trilobites comme Olenoides (un fossile typique de la province laurentienne) mais aussi de nombreuses autres formes qui ressemblent à des arthropodes (l’embranchement qui comprend les insectes, les crustacés et les trilobites). Walcott les décrivit en les rapportant à des groupes connus comme les trilobites, les limules et les crustacés.
Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, le réexamen de ces fossiles a permis à une équipe britannique de montrer qu’il s’agissait de représentants de groupes zoologiques inconnus hors de ce gisement et qui ont probablement disparu au cours du Cambrien.
Il en est ainsi d’Opabinia, un petit animal pourvu de cinq yeux et d’une trompe ! Ces animaux étranges représentent autant d’expériences interrompues de l’évolution.
L’étude de la faune de Burgess a permis de mettre en évidence une chaîne alimentaire complexe avec des organismes photosynthétiques, des organismes filtreurs sur tige se nourrissant des particules en suspension, des herbivores à coquilles et épines consommant les organismes photosynthétiques, des parasites, et enfin des prédateurs et des charognards.
Dans la faune de Burgess, une forme assez rare, baptisée Pikaia, offre un intérêt particulier : il s’agit du premier cordé, c’est-à-dire de l’ancêtre de tous les vertébrés, donc notre ancêtre d’il y a 540 millions d’années.