Le retour de la paix au Proche-Orient et en Extrême-Orient
Le Proche-Orient:
Le retour de la paix est marqué par le réveil du panarabisme illustré par la création au Caire de la Ligue arabe (mars 1945) et le début de la décolonisation dans les territoires sous mandats français et britannique, dans un contexte de rivalité avivée. L’après-guerre sonne la fin des espoirs anglais et français de perpétuer leur influence au Proche-Orient. Du côté français, le général de Gaulle veut tout à la fois amener à l’indépendance la Syrie et le Liban – territoires de l’ancien Empire ottoman qui avaient été confiés à la France par la Société des Nations en 1919 – et obtenir des garanties pour les intérêts économiques, culturels et stratégiques de la France dans la région. Les incidents qui dégénèrent en mai 1945 aboutissent à l’intervention des Britanniques intimant l’ordre aux Français de faire cesser le feu et à une tension entre les deux alliés, la France suspectant la Grande-Bretagne de profiter de son affaiblissement pour l’exclure du Moyen-Orient. Finalement, troupes françaises et britanniques sont retirées dans l’été 1946.
L’Egypte, de son côté, compte obtenir de l’Angleterre la révision du traité de 1936, qui lui avait accordé une complète indépendance, sauf dans le domaine de la politique étrangère, le retrait des troupes britanniques de la zone du canal de Suez et l’intégration du Soudan anglo-égyptien dans l’Etat égyptien. Les négociations entamées en 1946 aboutissent à une impasse. Il en est de même entre l’Angleterre et l’Irak, dont le gouvernement décide de renoncer au traité signé en janvier 1948 qui concédait des avantages stratégiques à la Grande-Bretagne. En définitive, le seul allié sûr des Anglais est l’émir Abdallah de Transjordanie qui, dans le traité d’alliance valable pour vingt-cinq ans signé en mars 1946, accepte le stationnement de troupes britanniques.
En Iran, occupé pendant la guerre par les Britanniques et les Soviétiques, l’évacuation des troupes étrangères suscite bien des difficultés sur fond de rivalités pétrolières. Les troupes anglaises et américaines évacuent, mais les Soviétiques maintiennent les leurs et suscitent des mouvements autonomistes en Azerbaïdjan et au Kurdistan. Dans un climat de vive tension, le gouvernement iranien, soutenu par les Anglais et les Américains, réussit à réduire les mouvements centrifuges et à se débarrasser des Soviétiques.
La Turquie, qui a déclaré in extremis la guerre à l’Allemagne, est l’objet d’une vive pression soviétique pour obtenir des rectifications de frontières en Anatolie, la révision des accords de Montreux (1936) sur la navigation en mer Noire et la défense des détroits, ainsi qu’une « orientation plus amicale » de sa politique. Aux exigences de Staline énoncées le 7 août 1946, Truman réplique aussitôt par l’envoi de puissants moyens navals.
En Grèce – placée sous le contrôle militaire anglais -, les rivalités nées de la guerre et de l’occupation dégénèrent en une véritable guerre civile en Macédoine où Yougoslaves et Bulgares encouragent des mouvements séparatistes. Les Britanniques n’en doivent pas moins employer la force pour restaurer la monarchie, tout en concédant l’effacement provisoire du roi. L’arrivée de l’Armée rouge dans les États voisins, l’implantation de régimes communistes aux frontières nord de la Grèce, l’aggravation de la guerre froide relancent une guerre civile impitoyable. En Méditerranée et au Proche-Orient où leur influence est contestée et leur autorité bafouée, les Britanniques sont contraints de renoncer à leur prépondérance. C’est l’un des aspects de la relève de l’influence européenne dans le monde.
L’Extrême-Orient:
Au Japon, le général MacArthur – commandant suprême au nom des puissances alliées – met en œuvre des réformes radicales tendant à le démocratiser, à y détruire la prépondérance des grands trusts familiaux, les zaibatsu, à prélever les réparations, à assurer l’occupation, à démanteler son potentiel militaire. I ’empereur Iliro-Hito n’est pas traîné comme criminel de guerre devant la Justice alliée. Il est même placé au cœur de la nouvelle constitution, comme symbole d’une nation démocratique. La politique dictatoriale de Mac Arthur aboutit à écarter les autres puissances du règlement de la paix au Japon. Conformément aux décisions des conférences du Caire (1943) et de Yalta, le Japon perd de nombreux territoires : la Mandchourie et l’île de Formose récupérées par la Chine, la Corée qui devient indépendante mais divisée et disputée ; la partie sud de l’île de Sakhaline, la base de Port Arthur et les îles Kouriles cédées à l’URSS, une partie des îles Ryu Kyu, les îles Carolines et les îles Mariannes qui passent sous contrôle des Etats-Unis.
La Chine ne retrouve pas la paix, du fait de l’action soviétique en Mandchourie et de la reprise de la guerre civile. Les accords sino-soviétiques d’août 1945 aboutissent à lier la Chine à l’URSS dans une alliance contre le Japon et à concéder aux Soviétiques des facilités concernant le chemin de fer île Mandchourie et les bases navales de Port Arthur et Dairen. Après la déclaration de guerre au Japon, les troupes soviétiques occupent la Mandchourie, qui était aux mains des Japonais, et s’y installent, favorisant la prise du pouvoir par les communistes chinois. D’ailleurs, un peu partout en Chine la guerre civile se développe. Malgré l’arbitrage de l’ambassadeur américain, le général Marshall, Tchang Kaï-Chek veut réduire les partisans de Mao Tsê-Tung. Les incertitudes de la politique américaine vont mener les dirigeants du parti nationaliste Kouo-min-tang, corrompus et impopulaires, à la défaite face aux communistes en 1949.
La désunion des alliés:
Beaucoup de problèmes ne sont donc pas réglés. Entre les alliés, et singulièrement entre les États-Unis et l’URSS, la désunion succède à l’alliance. La tension s’accroît, et deux blocs vont naître qui s’opposent l’un à l’autre dans tous les domaines. Cette confrontation de deux blocs, l’un mené par les États- Unis, l’autre par l’Union soviétique, semble à tous moments susceptible de dégénérer en un conflit ouvert et généralisé. Mais la troisième guerre mondiale n’éclatera pas. Ce sera la « guerre froide ».
À qui la faute ? On a invoqué le partage du monde à Yalta. En fait, en lévrier 1945, la carte de guerre dicte déjà largement les options de l’après- guerre, les Soviétiques ayant de larges atouts à faire prévaloir. D’autre part, la déclaration sur l’Europe libérée doit permettre une évolution démocratique que les événements vont démentir. Donc, c’est moins les accords de Yalta que leur non-respect qu’il faut incriminer.
Certains historiens attribuent à l’URSS la responsabilité de la rupture. Les Soviétiques n’ont pas tenu tous les engagements pris à Yalta (en particulier la déclaration sur l’Europe libérée) et ils ont mené une politique expansionniste à laquelle les Américains ont dû réagir. D’autres rejettent au contraire les responsabilités sur les Américains. Ils expliquent l’expansionnisme soviétique par la nécessité de contrer la politique hégémonique menée par les Etats- Unis depuis 1945.