L'expansion communiste en Extrême-Orient:Les deux camps face à face
Le camp atlantique:
La conviction que l’Union soviétique représente un défi mortel pour le monde libre pousse ce dernier à s’unir et à réarmer. Le pacte de Bruxelles conclu entre la France, le Royaume-Uni et le Bénélux était dirigé contre un agresseur, quel qu’il soit. Mais ses participants, qui avaient en tête la menace soviétique, eurent vite fait de constater l’impuissance de l’Union occidentale face aux divisions de l’armée rouge. Aussi demandent-ils parallèlement aux Etats-Unis d’adhérer au pacte de Bruxelles et de leur apporter une aide militaire. Dès le 4 mars 1948, G. Bidault, ministre français des Affaires étrangères, écrit au général Marshall, secrétaire au Département d’État, pour l’inviter à resserrer sur le terrain politique et militaire la collaboration de l’Ancien et du Nouveau Monde.
Depuis la doctrine Truman, les Américains, préoccupés d’endiguer le développement du communisme, augmentent leurs dépenses militaires qui atteignent 13 % du PNB en 1952, tiennent leurs forces militaires en état d’alerte et créent une centrale de renseignements, la Central Intelligence Agency (CIA). Ils ne refusent pas d’entamer des négociations avec les Européens. Mais aux États-Unis, tout traité doit être, aux termes de la Constitution, approuvé par le Sénat à la majorité des deux tiers avant d’être ratifié. Le gouvernement américain a donc estimé qu’il serait plus sage de faire voter par le Sénat une résolution préalable autorisant le pouvoir exécutif à conclure les alliances en temps de paix. C’est la résolution Vandenberg (du nom du sénateur républicain, président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat) votée le 11 juin 1948. Il s’agit d’une véritable révolution dans la politique étrangère des États- Unis, qui ne contractaient d’alliances que pour le temps de guerre. Les pactes vont devenir un instrument privilégié de leur sécurité nationale en temps de paix. Désormais la voie est ouverte à l’Alliance atlantique, négociée à la fin de l’année 1948 et au début de 1949.
Le Pacte atlantique, conclu pour vingt ans, est signé solennellement à Washington le 4 avril 1949 par les représentants de douze nations (États-Unis, Canada, France, Royaume-Uni, Bénélux, Italie, Norvège, Danemark, Islande, Portugal). L’Union occidentale est pratiquement vidée de sa substance, plusieurs de ses organes sont d’ailleurs absorbés par ceux de l’OTAN. Le « standing group » (groupe permanent composé par des représentants des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France), qui siège à Washington, est chargé d’assurer la direction stratégique de l’Alliance.
L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN en français, NATO en anglais) est à ce moment une alliance très souple stipulant qu’une attaque armée contre l’un de ses signataires en Europe, en Amérique du Nord, en Algérie, contre une des îles de l’Atlantique, équivaudrait à l’attaque contre le territoire de tous, aboutissant à l’assistance mutuelle. Cette assistance militaire n’est pas automatique et chaque pays conserve son armée et son commandement. Il n’y a pas d’institutions prévues en période de paix, mis à part un Conseil atlantique aux prérogatives plutôt vagues. Cependant, pour tous les observateurs, l’OTAN place l’Europe occidentale sous la protection américaine. Aussi le Pacte atlantique est-il violemment combattu. L’Union soviétique le considère comme un pacte agressif dirigé contre elle. Dans les pays européens, les communistes y voient l’asservissement de l’Europe occidentale aux États- Unis. Les neutralistes regrettent l’alignement sur l’Amérique .
Peu après, ces campagnes sont relayées par l’appel de Stockholm (19 mars 1950) qui est le point d’orgue d’un vaste mouvement pacifiste animé par des militants communistes dans le monde entier. Destiné à affaiblir la riposte du camp occidental contre l’expansion communiste, le Conseil mondial de la Paix recommande l’interdiction absolue de l’arme atomique.
En dépit de ces campagnes, le traité est rapidement ratifié par les douze nations suivies en 1952 par la Grèce et la Turquie. Il entre en vigueur dès août 1949 et il est accompagné par un programme militaire qui va prendre une part croissante dans l’aide américaine à l’Europe. Mais ce n’est encore qu’une alliance, sans automaticité ni organisation intégrée. Les événements d’Extrême-Orient, et en particulier la guerre de Corée, vont profondément modifier le système du Pacte atlantique par le biais de l’intégration militaire.
Le « new-look ». La guerre froide est surtout un affrontement idéologique et la lutte contre le communisme passe par la propagande et la mobilisation idéologique. Aux États-Unis, le sénateur du Wisconsin, MacCarthy, lance une violente campagne anticommuniste (9 février 1950) qui se transforme en une véritable « chasse aux sorcières », mettant en accusation tous ceux qui sont soupçonnés d’activités anti-américaines. En novembre 1952, les républicains remportent les élections présidentielles. Le général Eisenhower est élu. Il a critiqué dans sa campagne électorale la politique de l’administration démocrate qui a consisté à contenir le communisme (containment) et a préconisé une politique de fermeté et de refoulement du communisme (roll-back). En fait, la nouvelle administration républicaine renonce rapidement à cette politique, qui risquerait de mener à une guerre généralisée. Le nouveau visage de la politique américaine, le new-look, se résume alors à un aspect diplomatique : la pactomanie, et à un aspect stratégique : la doctrine des représailles massives.
Depuis 1945, les données stratégiques ont évolué. En 1949, l’URSS a fait exploser une bombe A. Les Etats-Unis n’ont plus le monopole de l’arme atomique et le conflit de Corée apparaît comme le modèle d’une guerre limitée, certes, mais meurtrière, impopulaire et inefficace. Réfugiés dans le sanctuaire mandchou, les Chinois sont hors d’atteinte. L’arme atomique ne permettrait-elle pas d’imposer sa volonté à moindre frais à condition de ne pas limiter les représailles à un seul territoire ? Les républicains adoptent en 1953 la nouvelle stratégie définie par l’amiral Radford, président du Comité des chefs d’Etat-Major, que l’on peut résumer par trois formules : représailles massives (massive retaliation), riposte immédiate (instant retaliation), pas de sanctuaire (no sheltering). A toute attaque, les Etats-Unis répondront immédiatement par l’arme atomique. Nul territoire ne sera épargné. Ainsi les Etats-Unis estiment-ils obtenir le maximum de sécurité au coût le moins élevé.
Le renforcement des alliances. Le nouveau secrétaire d’Etat, J.F. Dulles, consacre tous ses efforts à renforcer le réseau d’alliances conclues par Washington. En Asie, il s’agit de contenir le communisme chinois et de faire échec à la « théorie des dominos » : lorsqu’un pays tombe dans le camp communiste, ceux qui l’entourent risquent à leur tour d’être entraînés. Déjà alliés dans le Pacifique avec les Philippines, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon, les États-Unis signent des traités de défense avec la Corée du Sud (1953), le Pakistan, la Chine nationaliste et le Sud-Viêt-nam (1954). Mais le plus important est le pacte de Manille, qui crée l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE), le 8 septembre 1954. Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, le Pakistan, la Thaïlande, s’engagent à riposter collectivement à une attaque contre l’un de leurs territoires ou contre toute région au sud du 21 30 nord, ce qui inclut l’Indochine, mais non Taiwan, lié par le traité de défense sino- américain (2 décembre 1954) et sujet à une vive tension en 1954-1955. Au Moyen-Orient, le pacte de Bagdad (février 1955) regroupant la Turquie, l’Irak, le Pakistan, l’Iran et le Royaume-Uni crée un cordon protecteur aux frontières méridionales de l’URSS. En Amérique latine, les États-Unis tentent d’entraîner les États latino-américains dans une croisade anticommuniste (conférence de Caracas en mars 1954) et de renforcer la cohésion de l’Organisation des États américains par une conférence qui se tient du 19 au 22 juillet 1956 à Panama. Ils affirment leur étroite solidarité dans les affaires mondiales et favorisent l’invasion du Guatemala (juin 1954) alors dirigé par le gouvernement procommuniste du colonel Arbenz. Le Japon joue un rôle limité et subordonné aux États-Unis. Ceux-ci, par l’article 9 de la constitution du 3 mai 1947, lui ont imposé un pacifisme institutionnel par lequel le Japon renonce au recours à la force et à l’entretien de tout potentiel militaire. Or, à partir de la guerre de Corée, l’Amérique le sollicite de réarmer et conclut le traité de 1951. Les Japonais mettent en place une force défensive, bien qu’ils y soient farouchement opposés et soient aussi hostiles aux expériences atomiques américaines dans le Pacifique. Du côté soviétique, ils réclament les îles Kouriles, la partie sud de Sakhaline, et surtout les îles au nord de Hokkaido (Habomai, Sikotan). Malgré l’impasse des négociations sur le contentieux territorial, Japonais et Soviétiques signent une déclaration commune mettant fin à l’état de guerre (octobre 1956) et permettant le rétablissement de relations diplomatiques normales. Le Japon est d’ailleurs admis à l’ONU le 18 décembre 1956.
La coopération européenne:
La crainte d’une agression communiste en Europe occidentale est avivée par le conflit de Corée et pousse les Européens à accélérer leur rapprochement sur tous les plans.
La coopération économique. Les premières étapes se font surtout dans le domaine économique. L’OECE organise à partir de 1948 une véritable collaboration commerciale et monétaire entre les seize États européens qui bénéficient du plan Marshall. Un mouvement d’opinion favorable à la création d’une fédération européenne aboutit à la réunion d’un congrès à La Haye en mai 1948, qui exprime le vœu
de créer une Union européenne. Mais le désaccord franco britannique ne permet pas d’aller bien loin. Les Français désirent la création d’une assemblée consultative, embryon d’un futur parlement européen. Les Anglais ne veulent pas entendre parler d’abandon d’une portion de la souveraineté nationale et réclament la création d’un simple comité des ministres. Les uns et les autres parviennent en janvier 1949 à un compromis en créant une Assemblée consultative européenne à compétence limitée. Ce Conseil de l’Europe, ouvert aux dix-sept pays membres de l’OECE, tient sa première session en août 1949 à Strasbourg, mais il ne fait qu’esquisser une coopération politique et culturelle.
Plusieurs initiatives sont prises en vue de dépasser l’antagonisme franco- allemand par la construction d’une Europe occidentale unie. La plus importante d’entre elles est le plan Schuman. Le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, adopte l’idée de Jean Monnet, alors haut commissaire au Plan, consistant à placer l’ensemble de la production franco- allemande de charbon et d’acier sous une haute autorité commune dans le cadre d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe. L’objectif est de proposer des « réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » et aboutissant à éliminer la traditionnelle rivalité franco-allemande.
Le plan Schuman (9 mai 1950) marque le passage d’une simple coopération a une véritable intégration : il propose de mettre en commun la production et la vente des produits sidérurgiques. La France, l’Allemagne occidentale, l’Italie et les pays du Bénélux créent la Communauté européenne du Charbon cl de l’Acier (CECA). Le Royaume-Uni, soucieux de préserver sa souveraineté, se tient à Vécart de cette construction continentale. Le traité de Paris (18 avril 1951) confie un pouvoir supranational à une Haute Autorité composée de neuf membres, indépendants des gouvernements nationaux, chargée de moderniser la production de charbon et d’acier et de développer l’exportation commune. L’Autorité internationale de la Ruhr disparaît.
La coopération militaire. Mais les risques de guerre amènent les Européens à envisager aussi une entente militaire et les Américains les pressent de réarmer. En décembre 1950, l’OTAN décide de faire un effort collectif considérable et de créer une organisation militaire intégrée ayant à sa tête le Quartier général des Forces alliées en Europe, le SHAPE (Supreme Headquarters of Al lied Powers in Europe), commandé par un général américain. C’est le général Eisenhower qui est désigné. À la juxtaposition d’armées nationales se substitue une « force intégrée ». Un effort sérieux est entrepris pour simplifier, coordonner, harmoniser tous les organes de l’OTAN, et l’on convient en 1952 qu’ils s’installent à Paris.
Encore faut-t-il des armes ! Les Américains les fournissent. Des crédits ! L’aide économique américaine se transforme graduellement en aide militaire. Des hommes ! L’armée française est alors engagée en Indochine et le gouvernement américain ne veut pas que seuls ses GI (Government Issue, soldat de l’armée américaine) défendent l’Elbe et le Rhin. Pourquoi ne pas réarmer l’Allemagne occidentale ? C’est la suggestion que fait officiellement le gouvernement américain en septembre 1950. I,e refus de la france qui s’oppose catégoriquement au réarmement de l’Allemagne, place l’OTAN dans une impasse. Pour tourner la difficulté, le ministre français de la Défense nationale, René Pleven, propose en octobre 1950 de transposer dans le domaine militaire la philosophie du plan Schuman. Il s’agit de créer une armée commune par l’intégration d’unités des six armées européennes concernées. Cela permettrait d’avoir des soldats allemands et d’accroître les effectifs. Mais il n’y aurait pas d’armée allemande… Les négociations pour l’armée européenne sont longues et modifient le projet initial, puisque l’integration des forces militaires doit se réaliser au niveau de la division. Le traité instituant la Communauté européenne de Défense (CED) n’est signé que le 27 mai 1952. Mais elle n’entrera pas en vigueur en raison des réticences françaises. Pour les gaullistes, les communistes et une partie de la gauche, la CEI) a le tort de constituer un embryon d’armée allemande, de signifier la fin d’une force nationale autonome et enfin de soumettre l’armée européenne au commandement américain de l’OTAN. C’est l’objet d’un débat permanent dans l’opinion française et entre les alliés. Les Américains font pression sur les gouvernements français successifs pour qu’ils honorent le traité de la CED ratifié au demeurant par les Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne. Les gouvernements français mettent en avant des « préalables » à obtenir avant la ratification ou essaient de négocier des « protocoles additionnels ». Le secrétaire au Département d’État, J. Foster Dulles, déclare en décembre 1953 que si la France ne ratifiait pas le traité de la CED, il y aurait une révision déchirante de la politique américaine en Europe. En août 1954, le nouveau président du Conseil, Pierre Mendès France, propose aux cinq partenaires de la France divers aménagements de nature à atténuer le caractère supranational d’un traité pourtant proposé et rédigé par des Français. Face au refus des autres États, l’Assemblée nationale française s’oppose définitivement à la ratification du traité de la CED, par le vote d’une simple question préalable, le 30 août 1954.
La solution de rechange est trouvée dans les deux mois qui suivent. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Anthony Eden, a l’idée de redonner vie à l’Union occidentale et d’y faire admettre l’Allemagne et l’Italie. Ainsi sont assurés à la fois un certain contrôle européen sur la future armée allemande et la participation de la Grande-Bretagne au dispositif militaire ouest-européen. Par les accords de Paris (23 octobre 1954), l’Union occidentale devient l’Union de l’Europe occidentale (UEO) qui accueille l’Allemagne et l’Italie ; l’Allemagne recouvre sa totale souveraineté et en particulier le droit de réarmer. Cette reconstitution d’une force militaire allemande est toutefois assortie de limitations : l’Allemagne doit accepter de ne pas fabriquer d’armes atomiques, biologiques et chimiques, d’engins à longue portée, de navires de guerre de plus de 3 000 tonnes, d’avions de bombardement stratégique. Les Occidentaux abandonnent leur droit d’intervention en Allemagne et déclarent vouloir associer celle-ci sur un pied d’égalité « aux efforts des peuples libres pour la paix et la sécurité ». En mai 1955, l’Allemagne devient le quinzième membre de l’OTAN. Et la Bundeswehr se constitue à partir de novembre 1955.
On assiste en outre à un rapprochement temporaire de la Yougoslavie avec l’Occident, par l’intermédiaire du Traité d’amitié et de coopération signé à Ankara (28 février 1953) entre la Grèce, la Turquie et la Yougoslavie, et du traité de Bled (9 août 1954), qui est un accord de défense. Du coup, le contentieux de Trieste est réglé par les accords de Londres (5 octobre 1954) qui prévoient l’évacuation des troupes anglaises et américaines, l’établissement d’une administration italienne et le maintien du port franc à Trieste. Mais le pacte balkanique perd toute cohésion à la suite du rapprochement soviéto-yougoslave de 1956 et du conflit entre la Grèce et la Turquie à propos de Chypre.
Le camp oriental et les premiers signes de dégel Est-Ouest :
La cohérence du bloc oriental se manifeste par l’cmbrigadcmcnt iiléolo gique, dont le Kominform est le chef d’orchestre.
Il dénonce l’impérialisme américain, fauteur de guerre, il monte en épinj’lc le modèle soviétique, encense le génial Staline et vitupère le lourbe Tito. I es opposants sont partout pourchassés en Europe de l’Est. Non seulement la foi et les ecclésiastiques sont persécutés, mais tout déviationnisme esl proscrit, par le biais de purges et de procès qui écartent du pouvoir les dirigeants trop « nationaux », Gomulka en Pologne, Rajk en Hongrie (1949) et Slansky en Tchécoslovaquie (1952). Jouissant de l’audience de nombreux intellectuels cl artistes, les partis communistes d’Europe occidentale sont amenés à participer à la guerre idéologique et à dénoncer l’ingérence des États-Unis dans les affaires européennes.
Sur le plan économique, l’accent est mis sur l’industrie lourde et la collec- |tivisation des terres. Én réplique à la constitution de l’OECE, les États d’Europe orientale (Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchécoslova quie, Union soviétique, suivies par l’Albanie et la République démocratique Allemande) se regroupent le 25 janvier 1949 au sein du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM), ou COMECON, qui facilite leurs relations commerciales, en partie au profit de l’Union soviétique.
Sur le plan militaire, l’Union soviétique a signé avec les démocraties popu-laires et avec la Chine populaire des traités d’assistance mutuelle bilatéraux. Isolé du monde occidental, le bloc oriental s’aligne sur le « Grand Frère ». À la suite de l’entrée de l’Allemagne occidentale dans l’OTAN, il crée le 14 mai 1955 le Pacte de Varsovie, quasiment calqué sur l’OTAN. Cette alliance regroupe, sous un commandement soviétique, toutes les forces armées des pays d’Europe de l’Est, sauf la Yougoslavie, qui avaient auparavant contracté des alliances bilatérales.
La mort de Staline (mars 1953) ne met pas seulement fin, sur le plan politique, à un quart de siècle de dictature personnelle en Union soviétique. C’est en effet une direction collective qui est mise en place, avec Malenkov comme chef du gouvernement et Nikita Khrouchtchev, comme Premier secrétaire du Parti communiste. Elle inaugure une période de « dégel », terme repris d’un roman d’Ilya Ehrenbourg qui a pressenti le relatif courant de libéralisation s’amorçant en Union soviétique. Dégel intérieur, avec une amnistie, des dimi¬nutions de peine et le début d’une déstalinisation qui provoque du même coup une grave agitation : émeutes en Tchécoslovaquie (juin 1953), véritable révolte à Berlin-Est (16 et 17 juin 1953). Partout, dans les démocraties popu¬laires, on assiste au dédoublement des fonctions de président du Conseil des ministres et de Premier secrétaire du Parti. En Union soviétique, l’apparente politique de détente s’accentue avec le remplacement à la tête du gouvernement de Malenkov par le maréchal Boulganine (février 1955).
Le dégel de l’URSS en politique étrangère. Les signes de bonne volonté se multiplient. Le 20 juillet 1953, les relations diplomatiques avec Israël, rompues cinq mois plus tôt, sont rétablies. Le 27 juillet est signée la convention d’armistice en Corée. L’Union soviétique accepte la réunion proposée par Churchill d’une conférence des quatre ministres des Affaires étrangères à Berlin (du 23 janvier au 18 février 1954) qui n’aboutit pas. Le 31 mars 1954, l’Union soviétique propose la conclusion d’un pacte européen de sécurité collective. Elle apporte une contribution à la conférence de Genève sur l’Indochine (26 avril-21 juillet 1954). Le 11 octobre 1954, les forces soviétiques évacuent Port Arthur. Le 26 janvier 1955, Moscou met fin à l’état de guerre avec l’Allemagne.
Au printemps 1955, l’URSS promet de retirer toutes ses troupes d’occupation de l’Autriche, à la condition que ce pays reste neutre. Désormais, un traité de paix est possible. Le 15 mai 1955, les quatre grandes puissances signent à Vienne le traité d’État qui met fin à l’occupation de l’Autriche qui s’engage à rester neutre et à refuser toute union avec l’Allemagne. L’Autriche peut être membre de l’ONU et adhérer aux organisations non militaires. À la suite du traité d’État, l’esprit de la détente permet la tenue à Genève d’une conférence au sommet (18-23 juillet 1955) qui réunit le président Eisenhower, le maréchal Boulganine accompagné de Khrouchtchev, le Premier ministre britannique Eden, et le président du Conseil français, Edgar Faure. Les résultats en sont maigres et le désaccord est total sur l’Allemagne, mais « l’esprit de Genève » laisse espérer que la détente remplacera désormais la guerre froide. De fait, les ouvertures soviétiques à la République fédérale allemande se concrétisent par le voyage du chancelier Adenauer à Moscou (9-13 septembre 1955) et l’établissement de relations diplomatiques entre l’URSS et la RFA.
Le problème allemand n’en reste pas moins le principal pôle de tension entre l’Est et l’Ouest. L’URSS réagit avec vigueur à l’éventualité de la création d’une Communauté européenne de Défense, qui comprendrait des unités militaires allemandes, et à l’élaboration de l’Union de l’Europe occidentale consécutive à l’échec de la CED. Elle multiplie les appels au désarmement et à la sécurité de l’Europe et convoque à Moscou une conférence (29 novembre-2 décembre 1954) à laquelle seules assistent les démocraties populaires. Les Soviétiques répondent à l’intégration de l’Allemagne de l’Ouest dans l’OTAN par la création du pacte de Varsovie, le 14 mai 1955. Regroupant autour de l’URSS sept démocraties populaires (Pologne, Tchécoslovaquie, Allemagne orientale, Roumanie, Bulgarie, Albanie, Hongrie), le pacte de Varsovie est un traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle qui comporte un commandement militaire unique confié à un maréchal soviétique. Il confère au bloc oriental une structure solide et assume désormais un rôle de gardien du bloc.
La conférence au sommet des 18-23 juillet 1955 et la conférence des ministres des Affaires étrangères réunissant Dulles, MacMillan, Molotov et Pinay (27 octobre-16 novembre 1955) butent sur le problème allemand. Molotov récuse toute réunification de l’Allemagne si ce n’est par l’absorption de la RFA dans la RDA. Le dialogue Est-Ouest semble bloqué. D’ailleurs, le 20 septembre 1955, l’URSS reconnaît la pleine souveraineté de la république Démocratique Allemande.
La relative libéralisation permet un rapprochement de ¡’Union soviétique avec la Yougoslavie. Depuis la rupture en juin I948 et malgré l’isolement forcé de la Yougoslavie, traitée comme un pays schismatique et coupée du camp socialiste, Tito avait réussi à maintenir, à la grande fureur de Staline, le cap d’un pays indépendant et attaché au socialisme, sans toutefois rejoindre le camp occidental. En se rendant à Belgrade avec Mikoyan et Boulganine (26 mai-3 juin 1955), Khrouchtchev fait un geste de réconciliation. Il reconnaît la diversité des voies conduisant au socialisme. Dans le même temps, la compétition Est-Ouest se transporte hors d’Europe, où l’Union soviétique exploite la volonté d’émancipation coloniale qui se répand dans le Tiers Monde.