La politique africaine
Philippe Leymarie estime qu’on a assisté à un véritable effritement du pacte colonial. « Les deux septennats de François Mitterrand se sont achevés, pour l’Afrique, sur des drames : le génocide dans un petit pays partenaire de la coopération, dévaluation “ préhistorique du liant CFA par le gouvernement Balladm.
En mai 1981, de nombreux progressistes africains avaient considérc la victoire de la gauche française comme la leur. Des le premier jour, Milieu.uni était allé déposer une rose, au Panthéon, sur la tombe d’un “libérateur Noirs”, Victor Schoelcher. Au gouvernement, il avait nommé deux homnn s partisans d’une relance de la solidarité avec le Sud Claude Cheysson auv Affaires étrangères, Jean-Pierre Cot à la Coopération et au Développement L’affairisme de la “Françafrique” allait en prendre un coup : les “réseaux” de Jacques Foccart, comme les diamants centrafricains de l’ex-président Valéry Giscard d’Estaing semblaient remisés aux oubliettes.
Dans ce climat, on ne s’était guère offusqué qu’une “cellule africaine”, héritière du secrétariat général de la Communauté de Jacques Foccart, poursuive ses activités à l’Elysée. La cellule élyséenne avait été renforcée, par la nomi nation, comme adjoint, de Jean-Christophe Mitterrand, un des fils du président Le jeune ministre Jean-Pierre Cot avait été contraint à la démission, pour avoir irrité les présidents zaïrois, centrafricain et tchadien, et sans doute pour avoir déplu à certains gros intérêts privés français. Avec Jacques Chirac, héritier de la tradition gaulliste, on avait assisté à la réhabilitation du pré carré à l’ancienne : ministère de la Coopération à part entière (et non plus sous la coupe du Quai d’Orsay, comme cela avait été le cas à partir de 1981), et… retour de Brocart.
[C’était revenir à un dispositif que l’on peut résumer ainsi :] une diplomatie personnelle et secrète, des centres publics de décision éclatés, le rôle envahissant des “services”, souvent concurrents, quelquefois privés, la propension aux “affaires”, aux intermédiaires, avec la toile secrète de réseaux parallèles, le maillage serré des bases, accords de défense ou de coopération militaire, qui permet à la France, 35 ans après la grande vague des indépendances, de jouer en alternance le rôle du “gendarme de l’Occident” et celui de “l’humanitarisme kaki”, une aide publique multiforme au continent, qui place la France au premier rang mondial (avec 45 milliards de francs et 0,6 % de son produit national brut en 1995, contre 0,36 % en 1981), mais qui est accaparée en grande partie par le traitement de la dette, le colmatage des déficits, et sert de moins en moins à financer les projets de développement humain.
Mais il y a bien eu fin de partie, trahison, blessure. La disparition, en 1993, du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, pilier de cette “Françafrique”, puis la dévaluation historique du franc CFA, le 12 janvier 1994, et, quelques mois plus tard, la catastrophe rwandaise ont marqué un tournant symbolique.
Pour la nouvelle génération politique africaine, embarquée maigre quelques déconvenues dans l’aventure démocratique, Dieu n’est plus blanc ; en tout cas, plus fiançais. I ‘Amérique séduit de plus en plus, avec son prêt-à-porter « démoc rate”, et impose sa philosophie à travers les conditionnalités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Tandis que, sur le terrain, le lapon, avant garde des “dragons” asiatiques, tisse sa toile commerciale.
Ainsi, la mondialisation des économies aura mis fin, sur le tard, au vieux pacte i olonial, qui se survivait à travers un système privilégié de relations, des barrières douanières, une zone monétaire spécifique. Dans le même temps, les enjeux qui justifiaient l’intérêt géopolitique pour l’Afrique se sont estompés : l’ancien “vote Moqué” de la clientèle africaine francophone à PONU, utile au maintien du siège français au Conseil de sécurité ; la chasse gardée pour les industries de PI lexagone ; les matières premières ; les travailleurs immigrés… »
Essentiel a été le rôle de révélateur du tragique génocide rwandais. «Ce geste tardif [l’opération militaro-humanitaire “Turquoise”, déclenchée fin juin par Paris au Rwanda pour se “racheter une conduite” après trois ans de soutien au régime du président Habyarimana] — les massacres avaient commencé en avril — n’a pas empêché l’exécutif français, singulièrement le chef de l’Etat, d’être accusé au mieux d’un inadmissible aveuglement, au pis d’une complaisance criminelle.
Ainsi s’est trouvé illustré, malgré le caractère outrancier de certaines de ces accusations, le fait que deux septennats socialistes en France, assortis de promesses et d’espoirs, n’ont pas permis de renoncer à la pratique du “domaine réservé”, au clientélisme, au règne de la connivence, aux liaisons dangereuses qui n’auront cessé d’être la marque des relations franco-africaines, depuis la naissance de la Ve République. »
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