Russie
C’est bien sûr le mot d’éclatement qui vient immédiatement à l’esprit à propos de l’ancienne Union Soviétique, l’URSS, qui n’aura donc pas vécu 70 ans, puisqu’elle était née en décembre 1922. On en prendra ici l’essentiel du territoire et des habitants, puisqu’il apparaît que la « République de Russie » chercha vite à récupérer de manière hégémonique l’héritage de l’Union Soviétique.
Les années Eltsine
Revendication et réalité de la démocratie : l’URSS est « démaillotée », selon l’expression d’André Fontaine1. Au début du XXVIIIe Congrès du PCUS (2 au 13 juillet 1990), Gorbatchëviens et conservateurs s’affrontent publiquement. Mais, le 10 Gorbatchev l’emporte en se faisant réélire secrétaire général du Parti. Le 12, Boris Eltsine et d’autre réformateurs « radicaux » annoncent leur départ du parti. Le 13, les instances dirigeantes sont très profondément renouvelées.
Les neuf années de présidéjiefe Eltsine peuvent être rapidement présentées ainsi — elles seront détaillées ensuite : le 12 juin 1991, Boris Eltsine est élu à ia présidence de la Russie (avec 57,3 % des voix), les 20-23 août 1991 échoue un putsch conservateur contre Gorbatchev, au succès duquel pourtant l’Europe occidentale, médias3 et semble-t-il bien quelques dirigeants, crut pendant quelques heures. Organisation nullissime, buts imprécis, idéologie floue, le « coup » — au sens du jjolpe sud-américain — rencontra immédiatement le mépris de la population : « Un coup d’Etat, ça ? » fut, parait-il, une phrase courante de la radio-trottoir ». L’événement fut le détonateur anticommuniste essentiel : à partir de la fin août 1991, les manifestations d’hostilité au parti communiste se multiplièrent en Union Soviétique et dédouanèrent le question de l’indépendance possible de certaines républiques. Dislocation ? Plusieurs républiques interdirent immédiatement l’activité du PC. Républiques baltes, Ukraine 51,8 millions d’habitants au 1er octobre 1990), Azerbaïdjan et Biélorussie 10,2 millions) proclamèrent leur indépendance, aussitôt reconnue par la CEE, rj moins pour ce qui concerne les pays baltes. Sauve-qui-peut général ? Sans coup r’erir, à la suite de l’échec du putsch, Boris Eltsine interdit le Parti communiste
soviétique, qui lui même annonce sa dissolution, l e 8 décembre 1991, les presi dents de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie constatent, à Minsk, que l’Union Soviétique « n’existe plus » et ils décident de fonder une Communauté des Etats indépendants (CEI) ouverte à tous les États de l’ancienne URSS. Douze des quinze anciennes républiques de l’URSS y entrent, c’est donc un succès puisque seuls les trois pays baltes n’adhèrent pas. L’ambition de la CEI est de maintenir une cohésion économique dans l’ex-Union Soviétique.
En fait, l’échec économique de la CEI, avec une faible coopération économique, sera vite patent et on observera rapidement des prises de distance politique. A court terme, c’est le dernier succès de Mikhaïl Gorbatchev, qui démissionne le 25 décembre 1991. Eltsine a le champ libre. Un an plus tard, il l’a davantage quand le 14 décembre 1992, il procède à la mise à l’écart du Premier ministre Egor Gaïdar, symbole de la « thérapie de choc » infligée à l’économie, le remplaçant par Victor Tchernomyrdine. Après la libération des derniers prisonniers politiques à Perm, le gouvernement russe décide le 22 mars 1992 d’indemniser les dissidents. Ils pourront recevoir 180 roubles par mois de détention, avec un plafond de 25 000 roubles.
Le 25 avril 1993, lors d’un référendum, 58 % des votants accordent leur confiance à Boris Eltsine. Le 1er septembre 1993, il procède à son premier « coup d’Etat » : suspension de leurs fonctions du vice-président, Alexandre Routskoï, et du vice-Premier ministre, Vladimir Choumeïko. Trois semaines plus tard, il procède à la dissolution du Parlement et à la convocation d’élections législatives anticipées. Le Parlement réplique en destituant le président et en nommant le général Routskoï à sa place. Le 4 octobre 1993, l’assaut des troupes loyalistes contre la « Maison-Blanche » met fin à l’épreuve de force entre la présidence et le Parlement. Les combats ont fait cent-cinquante morts. Alexandre Routskoï et Rouslan Khasboulatov sont emprisonnés. Le 12 décembre 1993, parallèlement aux élections législatives, les Russes approuvent à 58,4 % une Constitution qui renforce les pouvoirs présidentiels.
L’année 1994 est la seule année relativement calme pour Eltsine, mais à la fin de l’année se noue un grave problème extérieur quand, le 11 décembre 1994, les troupes russes franchissent les frontières de la Tchétchénie. Elles s’empareront du palais présidentiel de Grozny le 19 janvier 1995. La guerre de Tchétchénie n’empêche pas la reconnaissance internationale du pouvoir eltsinien. C’est ainsi que le 15 juin 1995 Boris Eltsine participe au sommet des pays les plus industrialisés au Canada. Le 17 décembre 1995, avec 22,3 % des suffrages, le PC de Guennadi Ziouganov arrive en tête des élections législatives, loin devant le Parti libéral-démocratique de Jirinovski (11,8 %), « Notre Maison la Russie » du Premier ministre Victor Tchernomyrdine (10,1 %) et les démocrates de Iabloko conduits par Grigori Iavlinski (6,9 %). Profitant de l’éclatement de la représentation parlementaire, et poursuivant un processus de rivalités personnelles aiguës et de formation de clans, le 16 janvier 1996 Eltsine procède à l’éviction du vice- Premier ministre Anatoli Tchoubaïs, pionnier des privatisations. L’Occident ne lui en tient pas rigueur : le 25 janvier 1996, les parlementaires du Conseil de l’Europe se prononcent pour l’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe et le 22 février, le Fonds monétaire international (FMI) annonce l’octroi d’un prêt
( historique) île 10,2 milliards de dollar. (50 milliards île francs) a la Russie.
Enfin, le 29 au il I 990, la Russie obi le lit du ( .’luit île Paris un délai de vingt cinq mis poui rembourser 40 milliards de dollars (200 milliards de francs) de dette extérieure. Quatre jours plus tard, la Banque mondiale annonce l’octroi d’un prêt de 200 millions de dollars (1 milliard de francs), destiné à soutenir les services sociaux.
Revenons sur les coups de force de Boris Eltsine, car ils sont fondamentale- meni caractéristiques de son pouvoir et de l’histoire récente de la Russie. Le premier coup de force de Boris Eltsine date de mars 1993. Du 10 au 13 mars 1993, le Congrès des Députés du Peuple refuse de prolonger les pouvoirs d’exception et d’organiser le référendum que réclame Boris Eltsine pour asseoir .(m autorité, contestée depuis décembre 1992. Le 12, Bill Clinton réaffirme son soutien à Eltsine. Le 16, Mitterrand, en visite en Russie, assure également I Usine de son soutien. Le 20, Eltsine, dans une allocution télévisée, instaure un i cgi me présidentiel direct et un système de gouvernement par décrets jusqu’au 25 avril 1993, date à laquelle il fixe un référendum. Le président russe justifie son coup de force en invoquant la menace d’une « seconde révolution d’Octobre». Le 21, le Parlement qualifie les décisions du président Eltsine il’« attentat aux fondements de la Constitution ». Le 29, le Congrès se termine par un vote approuvant l’organisation le 25 avril d’un référendum.
Le deuxième coup de force de Boris Eltsine (septembre 1993) est suivi du putsch avorté d’octobre 1993. Le 21 septembre 1993, provoquant une épreuve île force avec les conservateurs du parlement, Eltsine dissout le parlement et convoque des élections législatives anticipées pour les 11 et 12 décembre. Le parlement répond en destituant Eltsine ! Le 23, ce dernier décide d’organiser une élection présidentielle le 12 juin 1994. Le 28, les troupes fidèles à Eltsine imposent un blocus total à la « Maison-Blanche », l’immeuble du parlement, où les députés sont retranchés depuis le 24, tandis que les manifestants pro-commu- nistes et les policiers s’affrontent à Moscou. L’épreuve de force, commencée le 21 septembre entre les députés et le président Eltsine, qui a prononcé la dissolution du parlement, se poursuit en octobre.
Le 3, Eltsine proclame l’état d’urgence à Moscou pour une semaine. Le même jour, une manifestation violente prend d’assaut, sur l’ordre du général Routskoï, le bâtiment de la mairie et attaque le centre de télévision d’Ostankino. Après une nuit de violents affrontement, les forces loyales au président Eltsine, appuyées par des chars, prennent d’assaut, le lundi 4, la « Maison-Blanche », après avoir tiré au canon sur sa façade. Bilan : 150 morts. Le 6, Eltsine confirme la tenue des élections législatives le 12 décembre. Le 15, il décide d’organiser le 12 décembre, en même temps que les élections, un référendum sur le projet de constitution. Le 28, il rend public un décret ouvrant la voie à une privatisation des terres et au démantèlement des kolkhozes. Mais, après sa victoire sur ses adversaires, B. Eltsine se retrouve, seul ou presque, face aux problèmes de la Russie. Un dessin de Pancho dans Le Monde du 7 octobre 1993 le représente dans une voiture intimant au conducteur l’ordre « Chauffeur, vers la démocratie ! », auquel l’intéressé répond avec décontraction « Vous connaissez le chemin ? ».
Le 12 décembre 1993, les électeurs se rendent aux urnes. Le projet de constitution présidentielle est adopté de justesse, par 58,4 % des votants et avec une faible participation. Les élections au parlement sont marquées par la victoire de l’extrême droite : le parti libéral-démocrate de Russie (LDPR) de l’ultra-natio- naliste Vladimir Jirinovski arrive en tête au scrutin de liste, avec 22,79 % des voix.
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Reprenons le fil chronologique. Le 26 octobre 1995, Eltsine est hospitalisé pour la seconde fois en moins de quatre mois pour un malaise cardiaque, ce qui hypothèque sa participation à l’élection présidentielle. Le 17 décembre 1995, le PC de Guennadi Ziouganov arrive en tête des élections législatives, avec 22,31 % des suffrages, devant le parti ultra-nationaliste (LDPR) de Vladimir Jirinovski (11,06 %) et Notre Maison la Russie (NDR) du Premier ministre Viktor Tcher- nomyrdine (9,89 %), qui devance le parti d’opposition démocratique Iabloko (6,93 %). Le Congrès des communistes russes (KRO), parti nationaliste « éclairé », de Iouri Skokov et du général Alexandre Lebed (né en 1950), ne franchit pas la barre des 5 %, alors qu’il était donné vainqueur par les sondages.
Les élections présidentielles du 16 juin 1996 sont les premières où le peuple russe élit directement son chef d’Etat. Elles illustrent une véritable « résurrection », une « métamorphose » de Boris Eltsine, donné au plus bas par les sondages au début du mois de mars, il a été repris en main par sa famille et par quelques experts des médias. Les deux principaux candidats sont Eltsine et Guennadi Ziouganov, ex-communiste, né en 1944. Les autres candidats sont Vladimir Jirinovski (ultra-nationaliste), Mikhaïl Gorbatchev (ancien président sortant), Grigori Iavlinski (économiste libéral) et Alexandre Lebed (général à la retraite). Au premier tour, Ziouganov (32 %) talonne Eltsine (32 %), et, avec 14,89 % des voix, Alexandre Lebed devient l’arbitre du second tour.
Le réformateur Grigori Iavlinski a obtenu 7,56 % des voix, Jirinovski, avec 5,96 %, réalise son plus mauvais score depuis des années, Gorbatchev obtenant moins de 1 % des voix. Lebed se rallie au candidat Eltsine pour le second tour. Il est aussitôt remercié par une double nomination : conseiller des affaires de sécurité nationale du président et à la direction du conseil de sécurité russe, il est présenté par Eltsine comme son dauphin. Le 20 juin, Eltsine limoge deux « durs » de son entourage, les généraux Korjakov et Barsoukov, après des rumeurs de coup de force à Moscou. La lutte de pouvoir au sein du gouvernement tourne donc au bénéfice des « libéraux ».
Mais un nouvel accident de santé affecte Eltsine entre les deux tours : il accroît l’incertitude politique et ramène brusquement au premier plan de l’actualité la santé du chef de l’Etat. Agé de 65 ans, Boris Eltsine souffre du cœur depuis 1987 et cette alerte de 1996 est semble-t-il la sixième connue. Mais au deuxième tour de la présidentielle, le 3 juillet, créant la surprise, Eltsine devance nettement son adversaire, Guennadi Ziouganov, après avoir été talonné par lui au premier tour. Il semble que les électeurs russe n’ont pas voulu plébiscité le président sortant, mais ont refusé de cautionner des hommes du passé. D’ailleurs, Elstine l’emporte dans les villes, mais les communistes restent forts en zones rurales. Au lendemain de l’élection, Eltsine demande au Premier ministre, Viktor Tchernomyrdine, de former un nouveau gouvernement. Le Premier ministre reconduit déclare aussitôt qu’il n’entend céder aucune de ses prérogatives, répondant ainsi aux propos de Lebed, qui tente sans relâche d’augmenter ses pouvoirs depuis sa nomination à la tête du Conseil de sécurité. Aussitôt et après six semaines de trêve, les bombardements reprennent en Tchétchénie.
D’ailleurs, la ceiemonic d’inauguration du second mandat d’Eltsine, le 9 août csi écourtée et oolipséo par les succès militaires des Tchétchènes : les troupes russes sont dans une «situation critique» —selon l’agence Itar-Tass— à Grozny. Quelques milliers de combattants humilient, une fois de plus, l’immense armée russe. La cérémonie permet néanmoins d’observer que le Président russe, une nouvelle fois, ne dispose que d’une autonomie physique médiocre, conséquence d’une insuffisance cardiaque compliquée d’une hypertension artérielle, mais il faut compter aussi avec un alcoolisme ancien, des troubles de l’humeur et, très vraisemblablement, la prise de médicaments psychotropes.
Le lendemain, Eltsine désigne Lebed comme son représentant personnel dans la république de Tchétchénie. Le 15 août, Tchernomyrdine remanie son cabinet, mais le surlendemain Lebed réclame le limogeage du puissant ministre do l’intérieur, Anatoli Koulikov, responsable à ses yeux des erreurs de la poli- tique de Moscou en Tchétchénie. Ce dernier, considéré comme un « faucon » du Kremlin, écrit à Eltsine pour lui demander de décider de son sort. Il obtient d’être maintenu à son poste, premier échec important de Lebed, qui est ensuite chargé de mener de nouvelles négociations en Tchétchénie ; il aboutit à un accord de paix le 31. La guerre a fait 60 000 morts en moins de deux ans…
Le succès de Lebed aiguise la lutte pour le pouvoir à Moscou. Mais tout se trouve suspendu à l’opération du cœur de B. Eltsine, projetée d’abord pour fin septembre 1996, qui ouvre un conflit pour la succession, marqué par des intrigues de palais. La plus spectaculaire est l’accusation, lancée par le ministre de l’intérieur, Anatoli Koulikov, contre Lebed de vouloir fomenter un coup d’Etat «bonapartiste» (16 octobre). Rebondissement total, sinon ultime, Eltsine annonce le 17 octobre 1996, lors d’une allocution télévisée, le limogeage de Lebed, qui occupait depuis quatre mois les fonctions de conseiller présidentiel pour les questions de sécurité, accusé officiellement de nourrir la course à la succession et d’être incapable de travailler en équipe. Le décret met fin à une période de cohabitation difficile au sommet de l’Etat russe et fait passer Lebed dans l’opposition, alors qu’il est candidat déclaré dans la course au Kremlin et donné, d’ailleurs, favori dans les sondages. L’opération d’Eltsine, un pontage coronarien complexe, a finalement lieu le 5 novembre 1996.
Le 23 novembre 1996, Eltsine ordonne le retrait total des troupes russes de Tchétchénie. Au milieu du mois de mars 1997, Boris Eltsine semble vouloir renouer avec l’orientation réformatrice de ses premières années de pouvoir. En effet, il fait entrer au gouvernement Boris Nemtsov, le jeune gouverneur libéral de Nijni-Novgorod (37 ans) : la nomination au poste de premier vice-Premier ministre de ce « jeune loup » vise à contre-balancer la toute-puissance d’Anatoli Tchoubaïs, qui a le même titre (sic) et 41 ans, et à calmer les critiques de l’opposition. Désormais une troïka insolite donne les grandes orientations de la politique économique : le Premier ministre âgé de cinquante ans et proche des , « barons rouges », Viktor Tchernomyrdine, les deux jeunes et réformateurs, Tchoubaïs et Nemtsov. En plus, en multipliant le nombre de ses dauphins possibles, le chef de l’Etat montre qu’il n’envisage pas de passer la main.
En 1998, Eltsine est le jouet des clans qui, dans son entourage, défendent leurs intérêts politiques et financiers. Le 23 mars 1998, B. Eltsine démet bruta
lement de leurs fonctions trois piliers de son gouvernement, le Premier ministre, Viktor Tchernomyrdine, le premier vice-Premier ministre, Anatoli Tchoubaïs, et le ministre de l’intérieur, Anatoli Koulikov. Trois semaines après le renvoi de Viktor Tchernomyrdine, le pays n’a toujours pas de gouvernement. Le Premier ministre est enfin remplacé par Sergueï Kirienko, jeune technocrate libéral de 35 ans. Le 26 avril 1998, Alexandre Lebed, bénéficiant d’un fort vote protestataire, remporte le premier tour des élections régionales de Krasnoïarsk, dont il entend faire une base de départ pour les prochaines présidentielles. Les « oligarques » moscovites et leurs subsides énormes sont entrés dans le jeu, Lebed étant ainsi soutenu par l’ancien mafieux Anatoli Bykov et le financier Boris Berezovski. Le 17 mai, Lebed triomphe du second tour.
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Le 10 septembre 1998. Eltsine propose au poste de Premier ministre le ministre des Affaires étrangères sortant, Evgueni Primakov. La Douma entérine ce choix. Ancien général du KGB, poisson-pilote de Iouri Andropov dans les méandres de la politique arabe de l’ex-URSS, proconsul en Afghanistan et médiateur auprès de Saddam Hussein en 1991, l’Ukrainien Primakov est le premier juif de l’histoire russe à accéder au poste de Premier ministre. Le 20 novembre 1998, Galina Starovoïtova, députée influente de l’opposition libérale, est assassinée. Figure de proue du mouvement démocratique en Russie, elle s’apprêtait à briguer en 1999 le siège de gouverneur de la région de Leningrad. Sa disparition s’inscrit dans une longue liste de meurtres, non élucidés, de responsables politiques depuis 1993. Elle provoque une vague d’indignation dans le pays.
Le 24 décembre 1998, la Douma approuve le budget. La Russie va s’enfoncer dans sa huitième année de récession. Depuis octobre 1998, le maire de Moscou, Iouri Loujkov s’était lancé à corps perdu dans la campagne présidentielle, se posant en successeur de Eltsine. Le 12 mai 1999. Eltsine limoge le Premier ministre (depuis le 11 septembre 1998) Evgueni Primakov, lui reprochant de retarder les réformes. Les députés examinent une procédure de destitution du chef de l’Etat et la rejettent très vite. Et ils acceptent dès le premier tour de scrutin l’investiture de l’homme proposé par Eltsine pour remplacer Primakov, Sergueï Stepachine, ancien des services secrets âgé de 47 ans. Mais les « oligarques » pèsent fortement sur le nouveau gouvernement russe. Le 9 août. Eltsine limoge le gouvernement russe et son Premier ministre Sergueï Stepachine, confiant au chef des services secrets Vladimir Poutine le soin d’exercer les fonctions de Premier ministre par intérim, et il le propose à sa succession pour la présidentielle de 2000. Le 16, Poutine est investi par la Douma. Le 17 août 1999. L’ex-Premier ministre (1998) Evgueni Primakov annonce qu’il prend la tête d’une puissante coalition électorale pour les législatives de décembre, sans exclure de participer à la présidentielle de l’été 2000. Le 9 septembre 1999, Alexandre Lebed annonce sa candidature à l’élection présidentielle. Le 19 décembre 1999 ont lieu les élections législatives (à la Douma), dans un contexte né des maladies et des phases de dépression du président Eltsine, qui rythment la vie d’un pays à l’économie gangrenée par le crime et dominée par un régime de clans. Affairisme et politique se mêlent : le système clanique et « familial » s’étend aussi, bien sûr, à la « vie politique ». Eltsine fait valser conseillers, chefs de l’administration présidentielle, équipes, etc. On parlait autrefois de l’« entourage », on dit maintenant la « famille », au sens sicilien du terme, une 1999. une demi domine de personnes semble I il ( lut un îles membres a son réseau d’alüdés, dirigeants de banques, de médias, île groupes pétroliers. Le « famille » sait qu’elle tombera lorsque Eltsme quittera le pouvoir. Vladimir Poutine a été nommé Premier ministre car considéré comme le meilleur garant de la sécurité de la « famille » et surtout de son immunité après les élections.
En 1998, le ministère de l’Economie a comptabilisé 600 assassinats commandités pour des raisons économiques. La mafia et les oligarques liés aux milieux politiques se partagent la richesse du pays. Les « barons » de la finance et de l’industrie ont exploité les nationalisations et la déréglementation pour faire fortune. Leurs énormes profits sont le plus souvent blanchis ou investis à l’étranger. Ils figurent dans les principales des 26 listes en présence, déclarant des revenus indigents ! Enfin, comme lors des précédentes élections la guerre fait rage en Tchétchène : bombardements massifs de Grozny, accrochages, afflux de réfugiés…
Les élections législatives pour remplacer les députés élus le 17 décembre 1995 et élire les 450 députés de la Douma (chambre basse), la moitié au scrutin de liste, l’autre moitié au scrutin uninominal à un tour par circonscriptions, ont lieu le 19 décembre 1999. La Douma, qui ne peut être dissoute pendant un an, vote l’investiture du Premier ministre choisi par le président, les lois (mais il y a un veto présidentiel, surmontable à la majorité des deux tiers). Le camp d’Eltsine exploite auprès des 107 millions d’électeurs de la Fédération de Russie la guerre de Tchétchénie pour se maintenir au pouvoir et réussir le premier tour de la présidentielle de 2000. Le résultat est, de manière inespérée, un triomphe pour la « famille » — le clan Eltsine disposera d’une majorité au Parlement — et le Premier ministre Poutine (le cinquième en un an et demi), dauphin désigné encore inconnu des Russes il y a quelques mois, qui fait jeu égal avec les communistes et reçoit l’appui de petites listes. Les grands perdants (liste La Patrie-Toute la Russie) sont l’ancien Premier ministre Evgueni Primakov et le maire de Moscou, Iouri Loujkov. Poutine paraît bien placé pour devenir le deuxième président de la Russie post-communiste, le premier chef du Kremlin depuis Lénine à avoir vécu en Occident et à parler une langue étrangère.
A l’automne 1999, Eltsine et sa « famille » semblent de moins en moins contrôler la scène politique. Miné par les « affaires » qui décompose la présidence, l’entourage présidentiel est suspecté de vouloir utiliser la guerre en Tchétchénie pour retarder les échéances électorales (législatives de décembre et présidentielle de juin 2000). Guerre, corruption, luttes de clans, c’est l’agonie du système Eltsine. Le 31 décembre 1999 se produit la démission surprise de l’imprévisible Eltsine, qui nomme Poutine président par intérim ; l’élection présidentielle sera donc avancée en mars (le 26). Poutine —officiellement candidat le 13 janvier 2000 — part grand favori. Comme en 1996, Russes et Américains voteront la même année, les Américains en novembre. Le 3 janvier 2000, Poutine relève de ses fonctions de conseillère officielle la fille cadette de Boris Eltsine. Le 26 mars 2000, Vladimir Poutine est élu dès le premier tour à la présidence de la Fédération de Russie, avec 52,94 % des voix.
L’histoire de la Russie peut donc être présentée comme l’impuissance à restaurer l’État, ou plutôt à instaurer un véritable État de droit, avec une véritable loi fondamentale, respectée dans son esprit, sa lettre et sa pratique. Comme l’a écrit Marie Mendras, « les rouages d’un Etat fédéral ne fonctionnent pas en Russie ». Les institutions semblent incapables d’assurer une transition démocratique.
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