Énée
« Je chante les combats et les vertus de ce Héros qui, obligé par le destin de quitter sa patrie, aborda le premier, du pays des Troyens, en Italie… » C’est ainsi que commence L’Énéide, la grande œuvre du poète latin Virgile, qui vécut au premier siècle avant Jésus-Christ. Selon Virgile, Énée, venu de Troie, était l’ancêtre de Romulus, le fondateur de Rome. Énée est en quelque sorte un trait d’union. Un trait d’union entre la Grèce et Rome.
La nuit ou troie était en flammes
Pour le comprendre, il faut revenir à Troie. Issu de la race royale de cette cité, Énée est le fils d’Anchise, un parent du roi de Troie, Priam. Sa mère n’est autre qu’Aphrodite, la déesse de la Beauté et de l’Amour. Comme beaucoup de héros grecs, Énée a été élevé dans les bois par le centaure Chiron. Après avoir médité les leçons de ce bon précepteur, et lorsqu’il est en âge de se marier, Énée épouse Créüse, la fille de Priam.
Lorsque la guerre de Troie éclate, Énée est désespéré. Il déteste la guerre et pressent les conséquences dramatiques de l’enlèvement d’Hélène par Pâris. Il conseille même de rendre celle qui, il le sent, va causer la perte de sa patrie. Rien n’y fait. Énée doit prendre les armes. Il s’engage dans les rangs des Troyens et se bat avec courage. Au cours de cette guerre interminable – elle durera dix ans , Énée ne perd pas une occasion de montrer sa valeur et sa sagesse.
Pourtant, grâce à la ruse d’Ulysse – le cheval de Troie -, les Grecs seront les plus forts. La nuit où Troie succombe, les hommes sont massacrés, les femmes faites prisonnières. Toute la cité est en flammes : un spectacle de désolation. Cette nuit- là, Énée essaie encore de repousser l’ennemi ; voyant finalement que cela est sans espoir, il décide de charger sur son dos son vieux père Anchise, aveugle et paralysé. D’une main, il maintient le vieil homme ; de l’autre, il traîne son fils, Ascagne, qu’il a eu avec Créüse. Le drame, c’est que dans la confusion générale, Énée a perdu Créüse. Il revient sur ses pas, pour ne pas fuir sans elle. Dans le tumulte de la ville en flammes, il la cherche et la cherche encore. La jeune femme demeure introuvable. Que faire ? C’est alors que l’ombre de Créüse apparaît à Énée et lui révèle qu’il doit partir pour un long périple, à la recherche d’une terre nouvelle, l’Italie. Énée, le cœur serré, décide de s’en remettre à ce présage et se met en route vers son destin.
De troie à rôme en passant par Carthage
Commence alors une longue période d’errance. Énée est parti en bateau avec Anchise, Ascagne et une poignée de compagnons. Pendant sept ans, ils errent sur la mer, bravant les tempêtes à la recherche d’un rivage accueillant. Ils passent par l’île de Délos, puis par la Crète. Plus tard, on les retrouve en Sicile, où meurt le vieil Anchise. Enfin, les voici rejetés par l’orage sur les côtes d’Afrique du Nord. Ils abordent à Carthage, au nord de l’actuelle Tunisie. Énée y est reçu par la fondatrice de cette cité florissante, la reine Didon, qui tombe amoureuse de lui. Virgile a célébré, dans de très beaux vers, la passion amoureuse de la reine. Elle voudrait bien retenir Énée à Carthage, mais les dieux ne l’entendent pas de cette oreille. Obéissant aux forces divines qui le gouvernent, Énée s’éloigne de Didon. Sans même lui dire adieu, il fait voile vers l’Italie. Didon est désespérée. Virgile raconte ainsi la fin de cette amoureuse passionnée : « Frémissante, farouche de sa terrible résolution, les joues tremblantes . Didon se précipite à l’intérieur de son palais. » Là est dressé un bûcher où ont été rassemblés les vêtements d’Énée. Elle y met le feu et se poignarde au milieu des flammes avec l’épée abandonnée par.
D’énée à romulus
Pendant ce temps, Énée et les Troyens ont enfin touché les côtes de l’Italie. Ils remontent le Tibre, le fleuve qui traverse Rome. Énée livre de nom-breuses batailles et finit par gagner le Latium, où règne le roi Latinus qui a donné son nom aux Latins. Latinus a une fille unique, Lavinia. La jeune fille a été fiancée, mais le destin s’est opposé à son mariage. Un oracle a même prédit qu’elle s’unirait à un étranger dont elle doit attendre la venue et qui engendrera une race appelée à régner sur le monde.
L’étranger, c’est Énée, bien sûr. En hommage à sa belle, il fonde une ville appelée Lavinium, le ber-ceau de la future Rome. C’est là, quatre siècles plus tard, qu’un descendant d’Énée, Romulus, tracera avec sa charrue un sillon pour délimiter l’emplacement de la ville. Créée par les descen-dants d’une race divine, Rome ne tardera pas à revendiquer la domination du monde. La mythologie grecque laisse alors la place à l’imaginaire romain.
Mais ceci est une autre histoire.