Iphigénie
Son nom seul est synonyme de tragédie : il évoque d’emblée une histoire extrêmement triste et barbare. Mais qui est donc Iphigénie ? C’est la fille d’Agamemnon, le roi d’Argos et de Mycènes, un des rois les plus puissants de toute cette région du sud de la Grèce (celle qui ressemble à trois doigts qui s’avancent dans la mer). Pour comprendre l’histoire d’Iphigénie, il faut remonter un peu en arrière, aux origines de la guerre de Troie.
Une guère pour une pomme
Au nord de la mer Égée, sur les côtes de l’actuelle Turquie, Troie est une cité riche et puissante. Une rivalité stupide entre trois déesses jalouses va déclencher la guerre entre les Troyens et les Grecs, sans doute au XIIe siècle avant Jésus-Christ.
Lors d’une noce, Éris, la déesse de la Discorde, découvre qu’elle n’a pas été invitée. Furieuse, elle vient quand même et jette une pomme d’or parmi les convives. Sur le fruit, on lit cette inscription : « À la plus belle. » Aussitôt, Aphrodite, Athéna et Héra se disputent la pomme (d’où l’expression « la pomme de discorde »). Quelle est celle qui la mérite vraiment ? Quelle déesse est la plus belle ? Zeus demande à un berger, Pâris, qui vit non loin de Troie, de les départager. S’il la choisit, Athéna promet à Pâris la sagesse et la victoire à la guerre, Héra lui dit qu’il régnera sur l’Asie entière et Aphrodite lui fait miroiter la plus belle femme du monde. Pâris juge : il choisit Aphrodite. La plus belle femme du monde, il ne va pas tarder à la rencontrer. C’est Hélène, la femme du roi grec Ménélas, le frère d’Agamemnon. Pâris, en effet, en tombe instantanément amoureux : il l’enlève et l’emmène à Troie. Alors, tous les grands guer¬riers grecs décident de venger Ménélas, ainsi que l’affront fait aux Grecs par les Troyens. Une guerre de dix ans va commencer.
Plus un souffle sur l’eau lisse
Dans le port d’Aulis, au nord de Thèbes, les bateaux grecs sont prêts. Cela fait plusieurs mois qu’on construit des navires et qu’on lève des armées qui convergent vers Aulis. Le voyage va être long : il faudra traverser toute la mer Égée, en remontant vers le nord. Les Grecs sont des navi-gateurs fameux : plus de mille six cents navires n’attendent qu’un signal pour hisser les voiles. À bord, on compte six mille hommes avec, à leur tête, Agamemnon, le commandant en chef de la guerre de Troie, bien décidé à venger son frère Ménélas, et aussi les grands héros grecs, Odysseus (Ulysse) et Achille.
Tout est prêt. Au moment précis du départ, sur-vient pourtant un événement étrange. Le vent qui .milflait jusqu’alors tombe d’un seul coup. Plus nu soufflait jusqu’alors tombe d’un seul coup. Plus un souffle, plus une brise. Que se passe-t-il ? Les voiles des navires pendent piteusement le long des mâts. La flotte grecque est clouée au port ! Comme souvent lorsqu’ils ne comprennent pas une situation, les Grecs consultent l’oracle ou font appel à un devin. Cette fois, ils interrogent Calchas, l’un des plus célèbres devins de la mythologie. Calchas, qui excelle à prédire l’avenir en étudiant le vol des oiseaux, est un peu leur « conseil officiel » pour la guerre de Troie. Il leur révèle qu’Artémis, la déesse de la Chasse, est en colère. Et que, pour manifester son mécontente-ment, elle a ordonné ce calme platPourquoi Artémis est-elle en colère ? Selon Calchas, elle en veut à Agamemnon de s’être vanté de la surpasser au tir à l’arc. En effet, sur le point de lever l’ancre, Agamemnon vient de raconter comment il a tué une biche avec une adresse telle que même Artémis n’aurait pas pu faire mieux. Quelle erreur ! Agamemnon ne sait- il pas qu’Artémis est la plus redoutable chasse-resse, et que ses flèches sont toujours précises et foudroyantes ? Comment a-t-il pu fanfaronner aussi bêtement ? Et que faire désormais ?
Sauvée par une biche
Calchas propose une solution. Un sacrifice humain, qui seul pourra chasser la mauvaise humeur d’Artémis. Et pas n’importe lequel : celui d’Iphigénie, la propre fille d’Agamemnon, le seul qui puisse apaiser la colère de la déesse. Avec sa femme Clytemnestre, Agamemnon a eu quatre enfants, trois filles Chrysothémis, Électre et Iphigénie et un fils, Oreste. À quinze ans, Iphigénie est de loin la plus gracieuse et la plus charmante des filles. Comment son père pourrait-il accepter un sacrifice aussi horrible ?
Malgré toute sa tristesse, Agamemnon va pourtant s’y résoudre. Son ardeur politique et son ambition l’emportent sur son amour de père. Il avant de la mettre à mort. Il lui fait dire qu’ildésire, avant de partir, la marier au valeureux Achille. Iphigénie obéit et rejoint les troupes grecques. Elle ne sait pas qu’elle s’avance, innocente et joyeuse… vers le couteau du sacrificateur. L’armée entière est en pleurs. La reine Cly- temnestre, à qui Agamemnon a bien sûr caché son projet, l’apprend néanmoins par la rumeur du royaume. Elle entre dans une rage folle, mais rien n’y fait. Agamemnon est inflexible : Iphigénie doit être sacrifiée.
C’est alors qu’Artémis est prise de pitié. Devant tant de beauté et de charme, elle renonce à imposer le meurtre d’Iphigénie. D’un seul coup, elle enlève la jeune fille, la faisant disparaître dans un nuage. À la place, Artémis lui a substitué… une
Sordides histoires de famille
Clytemnestre est hors d’elle. Même si Iphigénie a finalement échappé au sacrifice, Clytemnestre n’a jamais pardonné la trahison d’Agamemnon. Elle a soudain découvert son époux sous un jour qu’elle ne soupçonnait pas. Ensuite, Agamemnon est parti à la guerre et, non loin de Troie, il s’est amouraché d’une jeune fille, Chryséis. Cela non plus, Clytemnestre ne lui a pas pardonné.
Pendant qu’Agamemnon assiège Troie, la reine s’est laissé séduire par le précédent roi de Mycènes, Égisthe. Ce dernier a autrefois été chassé du trône par Agamemnon : inutile de dire que, comme Clytemnestre, Égisthe rêve de punir Agamemnon.
Du reste, l’occasion approche. Après une guerre de dix ans, Agamemnon s’apprête à rentrer dans son royaume. Il a depuis longtemps oublié Chryséis. Après sa victoire, il a obtenu en partage la princesse Cassandre, dont il aura deux enfants. Cassandre est la fille du roi de Troie, Priam. Les Grecs l’ont capturée en entrant dans Troie grâce à la célèbre ruse du cheval. Cassandre est aussi une prophétesse, quelqu’un qui prédit l’avenir. Or, comme ses prophéties sont souvent sombres et pessimistes, personne ne veut jamais la croire. C’est ce qui se passe en l’occurrence. Lisant dans l’avenir, Cassandre a prévu les funestes desseins de Clytemnestre et d’Égisthe. Elle supplie Aga-memnon de ne pas retourner à Mycènes. Celui-ci ne veut rien entendre.
Poignardé dans son bain
À son arrivée à Mycènes, Agamemnon est convaincu que Cassandre avait tort. N’est-il pas accueilli en héros ? Clytemnestre ne semble-t-elle pas parfaitement bienveillante et compréhensive ? En réalité, Agamemnon ne voit rien de ce qui se trame. Clytemnestre et Égisthe ont préparé leur vengeance avec soin. Leurs sourires, leur joie ne sont que pure hypocrbanquet et le tue grâce à des complices cachés dans la salle. Selon d’autres, Clytemnestre prépare un bain pour qu’Agamemnon puisse se détendre et se délasser. Mais à peine est-il étendu dans la baignoire qu’Égisthe, profitant de ce que le roi est sans armure et sans armes, le frappe au cœur avec un poignard. Dans l’eau rougie par son sang, le grand Agamemnon – dont Homère nous dit qu’il avait la tête et les yeux de Zeus agonise lente-ment. Clytemnestre et Iphigénie sont vengées.isie. Selon certains poètes anciens, Égisthe invite Agamemnon à un grand banquet et le tue grâce à des complices cachés dans la salle. Selon d’autres, Clytemnestre prépare un bain pour qu’Agamemnon puisse se détendre et se délasser. Mais à peine est-il étendu dans la baignoire qu’Égisthe, profitant de ce que le roi est sans armure et sans armes, le frappe au cœur avec un poignard. Dans l’eau rougie par son sang, le grand Agamemnon – dont Homère nous dit qu’il avait la tête et les yeux de Zeus -agonise lente-ment. Clytemnestre et Iphigénie sont vengées.
Tourmenté par les érinyes
Quelqu’un ne l’entend pourtant pas de cette oreille. C’est Oreste, le frère d’Iphigénie. Oreste, lui, est furieux. Prenant le parti de son père, il considère comme inacceptable le meurtre dont Clytemnestre s’est rendue coupable. Parvenu à l’âge adulte, il jure de laver l’honneur d’Aga-memnon. Sept ans après sa mort, Oreste, accom¬pagné de Pylade, entre donc en secret dans My cènes, se cache chez sa sœur Électre et… tue à la fois Clytemnestre et Égisthe. Pour Oreste, il s’agit là d’une juste vengeance. Sur l’Olympe, les dieux sont horrifiés : comment Oreste a-t-il pu se faire l’assassin de sa propre mère ? Pour le punir, ils décident de lui envoyer les Érinyes, ces divini-tés infernales qui pourchassent les criminels en leur inspirant des remords et des angoisses sans fin. Oreste tente de les fuir en divers endroits de la Grèce ; en vain. L’oracle de Delphes lui révèle comment expier son crime.
La ruse d’iphigènie
Oreste apprend qu’il doit se rendre en Tauride, sur les bords de la mer Noire. Pourquoi en Tauride ? Parce que Artémis y a déposé Iphigénie après l’avoir enlevée. C’est là, en Tauride, qu’Iphigénie est devenue la grande prêtresse d’Artémis, chargée de faire respecter son culte. Or, pour échapper aux Érinyes, Oreste doit ramener de Tauride sa sœur Iphigénie, ainsi qu’une statue d’Artémis emportée lors de l’enlèvement. Lorsque Iphigénie sera rentrée à Mycènes et que la précieuse statue aura retrouvé sa place, la malédiction qui frappe la famille sera levée et Oreste sera délivré.
Oreste s’exécute donc. Sans doute ne connaît-il pas bien les règles strictes du culte d’Artémis qui sévissent en Tauride. À peine a-t-il débarqué près de Troie, avec Pylade, qu’une sentence de mort est prononcée contre eux. Non seulement Oreste et Pylade doivent être immolés à Artémis, comme le veut cette étrange coutume, mais c’est Iphigénie elle-même, la grande prêtresse, qui doit les tuer de sa propre main !
Or Iphigénie, ce n’est guère étonnant, déteste les sacrifices humains. On dit qu’elle propose alors d’épargner au moins l’un des deux étrangers. On dit aussi qu’Oreste et Pylade, dont l’amitié était légendaire dans l’Antiquité, offriront chacun leur vie pour sauver l’autre.Mais leur lutte généreuse ne dure pas longtemps. Iphigénie, un peu plus tard, reconnaît son frère. Vite, il lui faut trouver une ruse pour sauver Oreste et Pylade. Habilement, la jeune fille prétend que les deux étrangers se sont rendus coupables d’un meurtre et qu’ils doivent expier ce crime avant d’être immolés à Artémis. Cela tombe bien : la cérémonie d’expiation a lieu en mer et la statue a été embarquée à bord du navire. Subrepticement, Iphigénie, Oreste et Pylade quittent les côtes de Tauride pour n’y jamais revenir. De retour dans le Péloponnèse, Oreste retrouvera le trône d’Argos et de Mycènes. Il accordera sa m rur Electre en mariage à son grand ami Pylade. ayant lui-même épousé une princesse du nom d’hermione, il régnera paisiblement et mourra à un âge avancé. Quant à Iphigénie, on dit que, pour saluer son courage et son dévouement, la dresse Artémis l’avait rendue immortelle.
En fin, la paix et l’espoir étaient revenus dans telle famille maudite – que l’on appelle les Al rides qui incarne encore le sort qui s’acharne ni les âmes abandonnées des dieux.